CD : Carl Philipp Emanuel Bach - Ophélie Gaillard, violoncelle avec le Pulcinella Orchestra
Aparté (distribution Harmonia Mundi)
durée du CD : 72’
notation : 
5/5
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Carl Philipp Emanuel Bach et Wilhelm Friedmann Bach, les deux fils aînés de Johann Sebastian Bach vont être durablement influencés par un mouvement pré-romantique qui traverse toute l’Allemagne durant une grande partie du XVIIIe siècle : le Sturm und Drang. D’une certaine façon ils transmettront à leur manière cet héritage dans de nombreuses œuvres de Haydn et de Mozart.
Haydn sera touché par le Sturm und Drang non seulement dans sa musique de chambre (quatuors) mais surtout dans plusieurs de ses Symphonies comme la Symphonie No39, la Symphonie No44 « Funèbre », la Symphonie No26 « Lamentations »et la Symphonie No45 « Les Adieux ». Quant à Mozart qui subira également lui aussi cette influence fiévreuse et agitée, il est certain que sa Symphonie No25 en sol mineur K.183 en est le frappant témoignage. Ophélie Gaillard débute ce CD entièrement consacré à Carl Philipp Emanuel Bach par le Concerto pour violoncelle Wq.170 d’une écriture très virtuose et dont les dimensions importantes-près de vingt-cinq minutes-annoncent déjà les futurs Concertos pour violoncelle de Haydn. Carl Philipp Emanuel Bach, réserve à l’Andante qui suit l’Allegro assai qui constitue le premier mouvement, toute sa mélancolie et ses tourments. Seul l’Allegro assai final, ramène un certain optimisme. La Sinfonia No5 Wq.182qui succède au Concerto pour violoncelle Wq.170, annonce par ses étranges modulations, ses changements fréquents d’humeur, l’esprit nettement agité et tourmenté qui s’imposera dans les Quatre Symphonies Wq.183 qui suivront. Quant au Concerto pour violoncelle Wq.172 qui figure en troisième position sur ce CD il se révèle être une adaptation due à Carl Philipp Emanuel Bach de son propre concerto pour clavecin H.437.Dans cette œuvre trompeusement légère, les atmosphères sont extrêmement changeantes, et dans l’Allegro initial, l’on passe fréquemment d’un climat aérien proche de l’insouciance à de soudaines noirceurs. Tout comme pour l’Andante du Concerto pour violoncelle Wq.170, le Largo surprend par son aspect fébrile, inquiétant, comme si le compositeur se livrait sans retenue à l’introspection la plus profonde, la plus douloureuse. En total contraste avec ce Largo d’une tristesse inouïe, l’Allegro semble littéralement exploser dans une sorte de joie délirante, sans retenue. Pourtant avant de s’achever de manière frénétique, des nuages porteurs d’orage, ont aussi le temps de faire rapidement leur apparition, détruisant ainsi toute trace de joie que pourtant semblait annoncer avec fracas le début de l’Allegro assai final. Composée en 1749 la Sonata en ut mineur pour deux violons et basse Wq.161 qui conclut ce CD est affublée d’un titre étrange : Conversation entre un Sanguin et un Mélancolique. Ce Trio Sonata Wq.161 qui se décline en trois mouvements se définirait en somme comme un dialogue entre deux interlocuteurs tentant par tous les moyens de vaincre et de faire adopter son point de vue à celui qui lui fait face et qu’il faut absolument convaincre. Rien de tragique dans tout cela car l’affrontement prend fin avec l’Allegro conclusif qui voit les deux points de vue enfin converger mettant un point final à ce faux duel. Avec son ensemble Pulcinella Orchestra, elle-même tenant la partie soliste des deux Concertos pour violoncelle, Ophélie Gaillard réalise ici un CD remarquable qui rend hommage à un des fils les plus doués de Johann Sebastian Bach. Un travail d’orfèvre réussi grâce non seulement à sa superbe performance de violoncelliste, mais aussi grâce à la présence d’un premier violon solo prodigieux : Thibault Noally, de l’excellent Pulcinella Orchestra comprenant également un pianofortiste de très grande qualité : Francesco Corti.
Texte de Michel Jakubowicz
Disponible en CD et téléchargement sur Amazon
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