CD : Les Ombres Heureuses – par Olivier Baumont à l'orgue

Les organistes français de la fin de l’Ancien Régime :  Claude Balbastre, Jean-Jacques Beauvarlet, Charpentier, Josse-François-Joseph Benaut, Michel Corrette, Armand-Louis Couperin, Guillaume Lasceux
Tempéraments. Radio France (distribution : Harmonia Mundi)
durée du CD : 63’ 31’’
Notation : (5/5)

C’est à Claude Balbastre (1724-1799)  qu’ échoit le privilège de débuter ce CD consacré aux organistes français de l’Ancien Régime. Parmi ses œuvres pour orgue, il faut surtout citer ses Noëls formant quatre suites pour orgue, mais Claude Balbastre ne limite pas uniquement ses compositions au seul orgue .Il laisse aussi Deux Livres de pièces de clavecin.

Ici, Claude Balbastre nous offre un Concerto en ré majeur pour orgue seul, précédé d’un solennel Prélude. Ce Concerto en ré majeur débute par un lumineux et très exubérant Allegro, bientôt suivi d’un deuxième mouvement formé de deux Gavottes fourmillant d’invention et de couleurs mettant à l’honneur les riches registres de l’orgue Dom Bédos de Sainte- Croix, Bordeaux. Avec l’Allegro qui termine ce Concerto pour orgue, Claude Balbastre retrouve avec encore plus d’éclat le style triomphant de son premier mouvement. Avec Michel Corrette (1707- 1795) nous sommes en présence d’un compositeur auteur d’une œuvre considérable, ne comportant pas moins de 21 Concertos comiques,  de Messes et motets  ainsi que de nombreuses pièces pour l’orgue et le clavecin. Les Cinq pièces pour orgue qui le représentent dans ce CD  sont très caractéristiques de son style et débutent par un Plein jeu du VIe ton assez grandiose mais toutefois dénué de grandiloquence. Il sera suivi par Les Etoiles (Légèrement et Modérément), en fa majeur d’une grâce étonnante évoluant entre légèreté et gaieté. La Feste sauvage 1^er Tambourin, 2^e Tambourin en fa majeur/ré mineur qui lui succède déborde d’un irrésistible entrain. Michel Corrette avec sa cinquième et dernière pièce intitulée Première Marche des Ombres heureuses de Mr Corrette & Deuxième Marche des Ombres heureuses, ne retient guère le côté martial suggéré par le titre de cette pièce et nous mène vers un horizon plutôt gai et serein.
C’est à nouveau à Claude Balbastre de réapparaître dans ce CD avec ces Six pièces (Recueil de pièces de clavecin et de forte piano organisé par differens autheurs, Paris après 1770).Si la première de ces pièces est effectivement jouée à l’orgue, les suivantes sont exécutées sur forte piano (Musette, Pastorale…).Olivier Baumont nous invite à redécouvrir quelques  compositeurs qui eurent une grande réputation d’organiste comme Jean-Jacques Beauvarlet-Charpentier(1734-1794) qui succéda à Claude Daquin à l’orgue de Saint-Paul à Paris. Auteur d’un imposant corpus d’oeuvres  consacré à l’orgue et au clavecin, ce compositeur s’intéresse aussi au forte piano et Olivier Baumont fait le choix de nous interpréter Fuga III Allegro Moderato, une pièce de forte piano d’humeur assez méditative. Armand -Louis Couperin (1727-1789) occupa à Paris de nombreux postes d’organiste dont  ceux de l’Eglise   Saint-Merry et de la Sainte-Chapelle. Il a laissé à la postérité de nombreuses pièces pour orgue et clavecin mais également des motets. La première pièce pour orgue permet de mieux cerner son talent de compositeur comme ce Dialogue entre le Chalumeau et le Basson, en sol majeur /mineur, d’une inventivité réjouissante. La deuxième pièce d’Armand-Louis Couperin est encore plus spectaculaire permettant aux registres de l’orgue de s’exprimer pleinement. Toujours du côté des découvertes voici à nouveau  un nom à redécouvrir également. Il s’agit de Josse -François-Joseph Benaut qui  meurt guillotiné en 1794 après avoir été accusé d’intelligence avec la Vendée. Son activité de compositeur et d’organiste se double aussi d’une vocation religieuse puisqu’il reçoit Les Ordres Sacrés en 1788.Parmi ses œuvres nombreuses (12 Messes, Six Magnificat, un Te Deum) Olivier Baumont nous propose Quatre pièces extraites d’un Magnificat en mi mineur composé vers 1772.La première pièce Plein jeu est d’une grande plénitude sonore. Elle est suivie d’une Fugue, Allegro Moderato d’une grande richesse d’invention. La Voix Humaine, Tendrement   , constitue la troisième pièce et elle exprime une très grande douceur. La dernière pièce Récit Arpégetto imite à merveille les flûtes et semble s’élever de manière légère. Dernière découverte d’Olivier Baumont :Guillaume Lasceux (1740-1831) qui occupe le poste d’organiste à l’Eglise  Saint-Etienne du-Mont en 1769.Auteur de nombreuses pièces d’orgue et de Sonates pour le forte piano on lui doit également une Messe pour chœur et orchestre datant de 1804.Olivier Baumont fait ici le choix de nous présenter un Offertoire Symphonie concertante, en sol majeur, provenant d’une Messe des Grands Solennels, Paris 1783.La pièce ,d’une écriture très virtuose, fait appel aux principaux registres de l’orgue Dom Bédos  de Sainte-Croix Bordeaux. C’est une fois de plus à Michel Corrette de se manifester afin de conclure ce CD .Il s’agit d’une pièce intitulée Grand Jeu avec le Tonnerre, Allegro en sol mineur. Beau déchaînement sonore, décrivant  une nature soudainement  furieuse et soumise brutalement à la furie des éléments. Une pièce qui permet de mettre en oeuvre les registres les plus puissants de l’orgue superbe de l’orgue Dom Bédos de Bordeaux. Reconnu depuis longtemps comme un de nos plus remarquables clavecinistes, Olivier Baumont nous dévoile ici l’un des autres versants de son talent : celui d’organiste. Son style d’une précision et d’une subtilité impressionnantes  fait merveille dans ce répertoire dédié à l’orgue français du XVIIIe siècle. Olivier Baumont ne se contente pas de servir l’orgue de Dom Bédos de Bordeaux, il nous révèle également son talent de pianofortiste sur un forte piano organisé par Erard Frères.

Texte de Michel Jakubowicz

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