Au théâtre : "Les serments indiscrets" de Marivaux
Photos ©Anne Nordman
- mis en scène par Christophe Rauck
- une production du TGP-CDN de Saint-Denis
- avec Cécile Garcia Fogel (Lucile), Sabrina Kouroughli (Phénice), Hélène Schwaller (Lisette), Marc Chouppart (Frontin), Pierre-François Garel (Damis), Marc Susini (Monsieur Ergaste), Alain Trétout (Monsieur Orgon)
- dramaturgie- Leslie Six
- scénographie- Aurélie Thomas
- lumière-Olivier Oudiou
- costumes- Coralie Sanvoisin
- assistante et réalisation costumes-Peggy Sturm
- création sonore-David Geffard
- vidéo-Kristelle Paré
- régie son et vidéo-François Sallé
- habillage-Marion Gaffiero
- au Théâtre Gérard Philipe - Centre dramatique national de Saint-Denis
du 15 octobre au 2 décembre 2012
Relativement simple, l’intrigue de la pièce de Marivaux, à savoir le mariage de deux jeunes gens (Lucile et Damis) va peu à peu se compliquer à l’infini et emprunter des sentiers menaçant à tout moment de bifurquer vers l’inconnu et l’imprévu.
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Car dans cette première partie du dix-huitième siècle français, rien n’est simple et les intrigues théâtrales de Marivaux semblent répondre en écho aux intrigues musicales que tisse durant la même période son contemporain musicien Jean-Philippe Rameau. Tous deux, rejetant la facilité et les conventions, explorent le mystère de la condition humaine et tissent, chacun dans son univers propre, d’incroyables et inextricables labyrinthes d’où il semble quasiment impossible de s’extirper sans dommage. Mais si Rameau joue au jeu du portrait musical décliné au clavecin, il en va tout autrement pour Marivaux qui, tel un manipulateur secret , promène plus de deux heures durant ses personnages s’arcboutant sur leurs positions irrévocablement arrêtées, ne s’avouant jamais vaincus , cherchant jusqu’au bout à ne pas perdre la face, quitte à faire échouer lamentablement le plan établi de longue date par les deux pères (Monsieur Ergaste et Monsieur Orgon)qui secrètement se sont jurés de marier Lucile et Damis. Heureusement deux personnages de cette pièce de Marivaux veillent secrètement (leur intérêt bien compris l’exige) à ce que ce projet matrimonial aboutisse. Il s’agit du valet Frontin et surtout de Lisette qui est la suivante de Lucile. Tout au long de la pièce, par des prodiges d’invention et d’imagination, ils vont s’ingénier à ramener Lucile et Damis sur le droit chemin, les aidant à ravaler quelque peu leur orgueil démesuré. Christophe Rauck, qui est le metteur en scène des serments indiscrets de Marivaux, propose une vision rénovée de cette pièce. Il y parvient grâce à une idée claire de la polyphonie complexe du discours théâtral de Marivaux, qu’il semble maîtriser avec beaucoup de finesse et d’intuition, évitant tout excès trop appuyé, cherchant au contraire à mettre en lumière la mécanique subtile distillée par Marivaux en en disséquant chaque élément sans pour autant sombrer dans une quelconque préciosité. Une pièce aux ramifications inouïes telle que ces Serments indiscrets de Marivaux, exige une distribution sans faille : chaque acteur doit incarner avec une précision d’horlogerie, les personnages nés de l’imagination de Marivaux. Cette distribution quasi-idéale semble bien avoir été rassemblée au Théâtre Gérard-Philipe car Cécile Garcia Fogel (Lucile) et Pierre-François Garel (Damis), avec leur fragilité, leur justesse, incarnent à la perfection leur personnage respectif. Ils sont secondés à merveille par Hélène Schwaller (Lisette), Marc Chouppart (Frontin) et par Sabrine Kouroughli campant une piquante Phénice.
Enfin il faut aussi citer (contrepoint souvent comique) les deux pères superbement interprétés par Marc Susini (Monsieur Ergaste) et Alain Trétout (Monsieur Orgon). Marivaux restitué à la fois dans sa profondeur, son apparente légèreté, son impertinence et sa logique déconcertante, s’ingéniant à brouiller les pistes de façon inattendue.
