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Théâtre : La Ville de Martin Crimp

la ville Martin Crimp

Traduction de l'anglais Philippe Djian
Mise en scène Rémy Barché
avec Marion Barché (Clair), Myrtille Bordier (la petite fille), Louise Dupuis (Jenny), Alexandre Pallu (Christopher)
au Théâtre de la Colline, Petit Théâtre
du 27 novembre au 20 décembre 2014 du mercredi au samedi à 21h,le mardi à 19h, le dimanche à 16h
Tournée
du 7 au 1O janvier 2015-Théâtre national de Toulouse
www.colline.fr

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Dans cette pièce de Martin Crimp, un nom de ville( celle de Lisbonne) nous rattache à la réalité d'un monde tangible qui ressemble vaguement au nôtre. Pourtant Martin Crimp, dès les premiers échanges entre Clair et Christopher prend un malin plaisir à faire vaciller et trembler sur ses bases cette fameuse réalité sur laquelle bon gré mal gré se construit notre existence. Martin Crimp
s'emploie, grâce à de courtes scènes qui se télescopent à toute allure, à dénoncer avec il faut bien le dire une certaine brutalité, le statut de ces personnages confrontés à ces maux récurrents du XXIe siècle que sont le chômage et la fragilité du couple menacé de se désagréger à tout instant. Martin Crimp semble s'amuser avec une férocité à peine déguisée à déstabiliser ses personnages, les forçant à s'affronter sans ménagement. Seul élément pseudo-stabilisateur intervenant dans le cours de la pièce : l'annonce faite par Christopher à sa femme qu'il a enfin retrouvée un travail( aucune explication concernant la nature de ce travail n'est fournie). Paradoxalement, cette bonne nouvelle qui aurait dû théoriquement ressouder le couple n'apporte aucun réconfort à Clair et Christopher qui plus que jamais continuent à violemment se déchirer. La musique pour piano de Franz Schubert dont Martin Crimp avoue avoir lui-même joué souvent l'un des Six Moments musicaux, rythme par son inextinguible mélancolie certaines scènes de la pièce, accroissant encore davantage le malaise que diffuse ce spectacle soumis à une réalité qui s'effondre peu à peu sous nos yeux incrédules. Une des dernières scènes nous plonge plus que jamais dans la folie : Christopher surgit déguisé en boucher, proférant de terribles menaces de mort alors que Clair invite sa fille à se mettre au piano et à tenter désespérément d'entamer une œuvre de Schubert. C'est peut-être la scène la plus stupéfiante imaginée par Martin Crimp, car elle annihile totalement nos certitudes, nos convictions, affirmant de manière définitive que le monde dans lequel nous tentons vainement de survivre est promis à l'effondrement et à une disparition programmée.

Un élément supplémentaire accroît le sentiment d'irréalité qui concerne les personnages de la pièce : la révélation que tout ce qui nous est conté sur scène n'est que le produit d'une fiction née du cerveau de Clair. Ce qui a comme effet secondaire inattendu de transformer des personnages théoriquement réels, vivants, en simulacres virtuels issus ( pourquoi pas) d'un manipulateur invisible agissant en secret. Cette pièce de Martin Crimp d'une noirceur absolue, sans retour, réclamait un metteur en scène capable de monter un spectacle soumis à une radicalité terrifiante, brutale. Rémy Barché semble avoir compris avec beaucoup d'intuition le message que tente de nous délivrer Martin Crimp. Sa mise en scène tranchante, d'une dureté terrible, n'épargne aucun des personnages, piétine allègrement tous leurs sentiments ne leur laissant aucune échappatoire. Rémy Barché dirige ses acteurs avec une vision précise, impitoyable, de leur destin, les précipitant sans ménagement dans un labyrinthe hanté par la folie .Tous remarquables, les quatre acteurs qui incarnent avec une farouche conviction cette pièce terriblement dérangeante sont : Marion Barché (Clair), Myrtille Bordier (la petite fille),Louise Dupuis(Jenny) et Alexandre Pallu (Christopher).

texte de Michel Jakubowiz



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