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Espèces d’Espaces au Théâtre Artistic Athévains (Paris)

especes d-espaces athevains

de Georges Perec (Editions Galilée, 1974)
mise en scène : ANNE-MARIE LAZARINI
assistante à la mise en scène : Frédérique Lazarini
avec Stéphanie Lanier, Michel Ouimet, Andréa Retz-Rouyet
scénographie, images, lumières et costumes : Dominique Bourde et François Cabanat

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Théâtre Artistic Athévains
45 bis rue Richard Lenoir - 75011 Paris
du 10 mars au 26 avril 2015
www.artistic-athevains.com

Tout comme Jorge Luis Borges grand inventeur de labyrinthes, de mondes incroyables que l’écrivain argentin tente de soustraire au néant et à l’oubli, Georges Perec crée lui aussi avec son propre imaginaire un réseau complexe fait d’observations pratiquées sur le réel qui cherche perpétuellement à se dérober et disparaître.

Georges Perec dans Espèces d’espaces qu’il écrit en 1974 nous invite à parcourir un itinéraire parisien dont une bonne partie a disparu, effacée par une rénovation brutale. Guidé par lui nous recherchons ce qui subsiste encore de ce décor dont une partie s’obstine encore à exister. Avec une précision sans pareille  Georges Perec nous ramène en cercles concentriques inouïs vers ce passé qui s’effrite et qui par tous les moyens tente de nous échapper.  C’est avec un œil d’entomologiste ou presque que Georges Perec accumule les détails d’un lieu,  d’une rue, d’un objet même le plus insignifiant. Cette obsession à photographier le réel qui se camoufle tant qu’il le peut dans le passé est une des nombreuses qualités de l’écriture de Georges Perec, qui infatigablement nous restitue ces images volées au passé vouées à la disparition totale. Si sa description ironique de la campagne nous indique clairement que la pensée de Georges Perec semble plutôt indissolublement liée  à certaines rues du XXe arrondissement (en particulier la rue Vilin qui au moins provisoirement représente pour l’auteur une sorte de centre du monde) vers la fin de ce récit (Espèces d’espaces) ce sont la nostalgie et la crainte qui semblent l’emporter. Georges Perec livre ici un combat sans merci et probablement sans issue contre l’absurdité du monde. Cette lutte inégale le rapproche immanquablement  d’un autre grand explorateur de l’absurde : Robert Pinget (L’inquisitoire, Baga, Quelqu’un) dont les œuvres trônaient peut-être  en bonne place dans sa bibliothèque. Cartographe méticuleux, attelé à une tâche qui consiste à rétablir dans leur intégrité primordiale chaque lieu, chaque plaque de rue, chaque porte cochère, Georges Perec ne renonce jamais, ne capitule pas devant l’immensité de ce travail de romain auquel il faut s’atteler chaque jour. C’est précisément ce  à quoi s’est attachée la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini : reconstruire
 minutieusement cet espace-temps inventé par Georges Perec. Anne-Marie Lazarini parvient à s’approcher au plus près de l’écriture secrète, complexe, subtile d’un écrivain aujourd’hui un peu trop oublié et délaissé. Elle s’emploie à reconstituer ces univers s’imbriquant les uns dans les autres que sa mise en scène précise, lucide et très structurée restitue avec succès. Pour réaliser cette sorte de résurrection d’un auteur que le temps a éloigné considérablement de nos préoccupations, de nos angoisses d’aujourd’hui réactivées par de terribles évènements récents, Anne-Marie Lazarini fait appel à trois excellents comédiens : Stéphanie Lanier, Michel Ouimet et Andréa Retz-Rouyet. A eux trois ils réinventent l’univers urbain inextricable à la fois familier et aussi totalement étrange, onirique, que constitue une grande ville surgie du tréfonds de la mémoire d’un grand créateur littéraire : Georges Perec.

texte de Michel Jakubowicz

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