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Bigre : mélo burlesque au Théâtre du Rond-Point

BIGRE theatre rond point 2

Spectacle de et avec Pierre Guillois
Coécriture et interprétation Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan
16 décembre - 3 janvier 2016 Salle Renaud-Barrault à 20h30
5 -17 janvier 2016 Salle Jean Tardieu à 20h30
www.theatredurondpoint.fr

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Rien au départ ne devait réunir ces trois destins, pourtant ils se retrouvent coincés dans une enfilade patibulaire de trois minuscules chambres de bonnes, condamnés tant bien que mal à y survivre par tous les moyens.
Le premier occupant se situant sur la gauche est une sorte de personnage lunaire débarquant d’une autre galaxie dont l’obsession première est d’empêcher une poussière quelconque de mettre les pieds dans son habitacle. Son intérieur est d’un design parfait (toilettes escamotables) et ne s’encombre d’aucun objet superflu. En contraste total, la seconde chambre de bonne abrite un énergumène d’une maigreur inquiétante, régnant sur un univers constitué d’un amoncellement d’objets hétéroclites dont visiblement le propriétaire a renoncé à se séparer. Quant à la troisième chambre de bonne elle est occupée par une jeune femme qui a tenté de transformer son intérieur en une sorte de bonbonnière chichiteuse. Adepte des médecines douces elle va bientôt dispenser son savoir-faire à ses deux comparses masculins. Ce qui donne lieu parfois à de terribles ratages dont va être victime le locataire de la deuxième chambre de bonne.
Dans cet univers partagé entre le burlesque et la réalité un élément majeur de notre existence est mis à rude épreuve. Il s’agit du temps, qui, ici, a tendance à subir de subtiles modifications, provoquant de nombreuses distorsions dans l’existence de nos trois protagonistes, les forçant parfois à reproduire de façon mécanique certains actes accomplis depuis longtemps dans une existence antérieure. Mais parfois le morne cours de ces trois vies est mis en péril par le déchaînement soudain d’une tempête dévastatrice. Un hasard bienveillant les sauve in-extremis de ce danger et finalement le petit train-train de leur existence reprend tout doucement.

Les bouleversements les plus imprévus peuvent parfois survenir au moment où on s’y attend le moins. Car faisant l’objet d’une cour active menée par ses deux voisins de sexe masculin, la jeune femme va un beau jour déjouer tous les pronostics en choisissant un troisième larron .Ce choix va mettre en péril et disloquer pour un temps l’existence de nos trois occupants et ceci d’autant plus que la jeune femme se retrouve rapidement flanquée d’un marmot. On pourrait croire que le monde a brutalement implosé après une telle fracture mettant à mal les certitudes de ces trois personnages. Pourtant il n’en est rien et contre toute attente la réalité nouvelle va peu à peu céder du terrain et laisser au passé la possibilité de refaire à nouveau surface.

BIGRE theatre rond point 1

Pierre Guillois, qui met en scène Bigre, aurait pu facilement tomber dans les filets des Deschiens mais son propos est d’abord de nous prouver que si notre mode de vie est absurde, mal fichu et recèle d’innombrables dangers auxquels il faut constamment faire face, il peut aussi générer la solidarité et la reconnaissance de l’autre. L’originalité de ce spectacle provient aussi d’un facteur singulier : ce mini-mélodrame se déroule sans la moindre parole, ce qui d’une certaine manière décuple l’effet comique de certains gags et empêche du même coup l’irruption de toute banalité. Pour rendre crédibles ces trois existences plutôt malmenées par un destin obscur, il fallait encore faire appel à des comédiens susceptibles de les endosser sans dommage.

Un pari tenu et assumé avec maestria par Agathe L’Huillier, Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois lui-même. Donc au total un spectacle déferlant, voguant sur l’absurde le plus irrationnel mais qui réserve à l’être humain un traitement dénué de toute méchanceté.

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Michel Jakubowicz



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