Les Cavaliers au Théâtre La Bruyère (Paris)
Les Cavaliers, d’après le roman de Joseph Kessel
avec Eric Bouvron, Grégori Baquet ou, en alternance, Benjamin Penamaria, Khalid K et Maïa Gueritte
Libre adaptation d’Eric Bouvron
Mise en scène d’Eric Bouvron et Anne Bourgeois
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Jusqu'au 30 avril au Théâtre La Bruyère - 5, rue La Bruyère, 75009 Paris
www.theatrelabruyere.com
Romancier, résistant, grand reporter et correspondant de guerre en 1939-1940, Joseph Kessel est une personnalité puissante. Il assume par son envergure tous ces aspects impressionnants réunis en un seul individu. Consécration de tous ces talents : son entrée à l’Académie française le 22 novembre 1962, élu par 14 voix contre, face à une grande figure de la littérature française : Marcel Brion. Lorsqu’on regarde de près l’incroyable itinéraire géographique de Joseph Kessel, on s’aperçoit qu'il a sillonné les quatre coins de la planète. On le trouve non seulement en Palestine mais également en Afrique, en Birmanie et bien sûr en Afghanistan où se déroule précisément l’action du récit des Cavaliers.
Cette œuvre est une incroyable histoire, qui au premier abord semble relever de la légende ou d’un conte fantastique surgi d’un mirage. Pourtant il n’en est rien, car l’histoire, contée par Joseph Kessel est authentique. Elle tourne autour d’un sport violent qui en fait peut s’apparenter à un tournoi sans merci : le Bouzkachi du Roi. Le héros de ce tournoi impitoyable qui élimine les faibles et récompense ceux qui ont toutes les audaces est Ouroz. Alors que celui-ci semble voir la victoire lui sourire, la pire chose lui arrive puisque son cheval fait une chute et qu’ainsi il se retrouve avec une jambe brisée, éliminé définitivement de ce tournoi sur lequel il a tout misé. Il est alors confronté au désert avec comme seule aide celle de son dévoué serviteur Mokkhi et de sa monture le légendaire cheval Jehol.
Ce voyage va donc s’effectuer dans d’effroyables conditions puisque la jambe brisée d’Ouroz va rapidement s’infecter jusqu’à nécessiter son ablation finale. Le calvaire effroyable va se poursuivre alors que les relations avec son fidèle serviteur se dégradent mais, in-extrémis, Ouroz va ramener sain et sauf Jehol malgré les vicissitudes d’un voyage hallucinant. Alors qu’il a triomphé de toutes les abominations subies à travers un voyage terrifiant, il va se confronter au jugement de son père le grand Toursène qui ne va guère le ménager, en lui reprochant son cuisant échec essuyé dans sa quête du Bouzkachi.
Sur ce thème relevant de l’incroyable, de la passion la plus acharnée, Joseph Kessel bâtit un récit plein de fureur et de violence, recréant avec une étonnante maîtrise un univers dans lequel s’affrontent les forces élémentaires les plus brutales, frôlant parfois l’irrationnel et la folie. Eric Bouvron et Anne Bourgeois, qui assument la mise en scène de ce spectacle haut en couleurs, optent pour la sobriété, excluant par exemple tout recours à la vidéo, ingrédient utilisé sans modération sur de nombreuses scènes dans l’hexagone et bien entendu à Paris. L’effet obtenu est sans appel : sans aucun artifice scénique ce spectacle, par la seule magie du verbe issue du récit de Joseph Kessel, nous conte avec frénésie et lucidité les affres d’une odyssée invraisemblable, vécue par un héros qui affirmera à la face du monde que, bien que devenu infirme, il saura entrer dans la légende en devenant le vainqueur du Bouzkachi grâce à son cheval désormais auréolé de gloire : Jehol.
Les quatre acteurs rassemblés sur la scène du Théâtre La Bruyère nous font revivre cette étonnante saga s’effectuant hors du temps, avec une virtuosité étonnante puisque chacun de ces acteurs use de l’art de la métamorphose à vue avec une rapidité peu commune, endossant ainsi en fonction des différentes scènes, le rôle des personnages qui peuplent ce récit haletant, riche en rebondissements inouïs.
Texte de Michel Jakubowicz
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