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La ménagerie de verre au Théâtre de La Colline (Paris)

menagerie de verre theatre colline*

Tennessee Williams, La ménagerie de verre
Mise en scène et scénographie, Daniel Jeanneteau
Théâtre de La Colline, Grand Théâtre
31 mars - 28 avril 2016, mer.-sam. 20h30, mar. 19h30 ; dim. 15h30
www.colline.fr

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Tennessee Williams possède une faculté particulière : celle d’introduire la notion de malaise dans les situations les plus banales. Cette approche singulière de la réalité était déjà perceptible dans Soudain l’été dernier que le film de Mankiewicz magnifiait de façon magistrale en soulignant l’étrangeté et l’aspect hallucinatoire du récit.

Nous retrouvons à peu près les mêmes obsessions de Tennessee Williams dans le déroulement de « La ménagerie de verre » où tous les personnages semblent englués dans un univers fantasmatique d’où toute réalité semble avoir définitivement disparu. A moins que cette réalité cachée, effacée, comme gommée n’ait trouvé refuge dans cet étrange monde factice que constitue une minuscule ménagerie de verre, symbolisant peut-être la fragilité du monde. Une ménagerie de verre sur laquelle semble veiller la pâle et désincarnée jeune fille de la maison, Laura. Amanda, sa mère, nourrit pour sa fille d’extravagants projets. La plupart ne sont que des songes creux, n’aboutissant nulle part, mais qu’elle s’obstine malgré tout à échafauder avec la plus grande minutie, persuadée que tôt ou tard ils finiront par se réaliser. Tom, le fils d’Amanda, vit lui aussi dans un monde fictif, seul poète de la maison, condamné à une tâche que l’on devine vaine et harassante dans un entrepôt.

menagerie de verre theatre colline 2

Que se passe t-il donc soudainement dans la tête d’Amanda lorsqu’un beau jour elle suggère à Tom d’inviter à dîner l'un de ses collègues de travail à l’entrepôt ? Bien entendu Amanda en formulant sa requête auprès de Tom n’a qu’une idée en tête : rompre l’isolement tragique de Laura, frappée par un handicap, et qui grâce à cette rencontre peut mettre ainsi fin à l’isolement forcé que lui impose son infirmité. Après de terribles sacrifices, Amanda qui a été abandonnée par son mari et vit dans une sorte de quasi-pauvreté, voit enfin le jour tant attendu arriver et Jim (le collègue de travail de Tom) se profiler enfin à l’horizon. Au cours du tête-à-tête entre Laura et Jim intervient une scène prémonitoire : Jim casse une minuscule partie de la fameuse ménagerie de verre, signal évident d’une catastrophe prête à éclater. Curieuse coïncidence, la rencontre tant espérée par Amanda entre sa fille Laura et Jim va se conclure par un terrible échec. L’appartement de Saint-Louis où vivent Amanda, son fils et sa fille va après cette cuisante désillusion se refermer comme une tombe. Amanda aura quand même le temps d’étriller, de manière définitive et violente, Tom, qu’elle accuse vertement d’avoir fait chavirer tous les espoirs qu’elle mettait en cette rencontre. Car maintenant, comme Amanda le constate amèrement, le spectre d’une plus grande pauvreté ne cesse de la hanter et la rencontre avortée entre Laura et Jim ne fait qu’accentuer cette probabilité funeste.
Daniel Jeanneteau, qui met en scène ce drame de Tennessee Williams, accroît le sentiment d’étrangeté qui peu à peu envahit cet appartement de Saint-Louis, au moyen d’un voile qui durant toute la pièce ne se lèvera jamais. Par ce procédé inhabituel il mure chacun des protagonistes de ce drame dans une sorte de brouillard diffus, gluant, collant, dont aucun ne ressortira indemne. La façon dont Daniel Jeanneteau dirige ses acteurs est d’une rare intensité, jamais insistante. Dominique Reymond, qui incarne Amanda, est d’une justesse étonnante, donnant à son personnage vaincu par la vie et tentant malgré tout de survivre, toute l’épaisseur désirée. Solène Arbel, qui joue le rôle de Laura, parvient à insuffler à son personnage torturé, complexe, toute la fragilité qu’il réclame et qu’elle parvient à restituer avec sensibilité et retenue. Les rôles masculins sont aussi parfaitement assumés par Pierric Plathier, incarnant idéalement Jim, Olivier Werner assumant avec force le rôle de Tom.
Une mise en scène révélant avec une élégance discrète, un voyage effectué dans un univers borné seulement par une lente et terrifiante désespérance.
Texte : Michel Jakubowicz
Photos : Théâtre de la Colline

avec :
Solène Arbel : Laura
Pierric Plathier : Jim
Dominique Reymond : Amanda
Olivier Werner : Tom

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