CD : Les Musiciens et la Grande Guerre vol. 10 : Concertos pour la main gauche
BENJAMIN BRITTEN : Diversions pour piano main gauche et orchestre
ERICH KORNGOLD : Concerto pour piano, main gauche en ut dièse, op.17
Orchestre national de Lille
Paul Polivnick , direction
Nicolas Stavy, piano
Hortus 710
durée du CD : 57’07’’
Notation : 
(5/5)
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Le pianiste autrichien Paul Wittgenstein, lorsqu’il est mobilisé sur le front russe au début de la Guerre 1914-1918 va perdre son bras droit. On aurait pu supposer que cette terrible blessure allait mettre un terme à la carrière d’un pianiste âgé tout juste d’une trentaine d’années. Mais Paul Wittgenstein ne renonce à rien, préférant mettre au point une technique propre à la main gauche.
Il va à partir du début des années vingt commander aux compositeurs de son temps des concertos composés spécifiquement pour la main gauche. Parmi les plus illustres figure bien entendu le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel (1931) mais, Paul Hindemith, Richard Strauss, Serge Prokofiev, Franz Schmidt répondront également à la demande du pianiste autrichien. A cette liste impressionnante viennent aussi se joindre les noms de deux compositeurs, il s’agit de Benjamin Britten et Erich Wolfgang Korngold. C’est aux Etats-Unis où il s’est exilé durant la seconde guerre mondiale, que Benjamin Britten, répondant à la commande du pianiste Paul Wittgenstein, compose ces Diversions pour piano main gauche et orchestre. Paul Wittgenstein crée l’œuvre avec le Philadelphia Orchestra sous la direction de celui qui règnera durant de nombreuses décennies sur la destinée de cet orchestre : Eugene Ormandy. L’œuvre débute par une sorte de marche assez inquiétante où les cuivres (en particulier le tuba) et les timbales occupent une place prépondérante. C’est seulement à la Variation 1 que le piano fait son apparition. Pour les onze Variations suivantes, Benjamin Britten, va procéder par touches légères, mêlant le piano aux cordes et aux vents avec beaucoup de finesse, choisissant de conclure l’œuvre par une Tarentelle irrésistible, associant le piano aux timbales . Auteur du fameux et mystérieux opéra, Die tote Stadt , Erich Wolfgang Korngold, dont Gustav Mahler avait décelé fort tôt les dons musicaux, est présent ici avec un Concerto pour piano, main gauche en ut dièse mineur, opus 17, datant de 1923.L’œuvre sera créée le 22 septembre 1924 par Paul Wittgenstein, la direction de l’orchestre étant assurée par Erich Wolfgang Korngold. Peu conforme à la structure habituelle issue du Concerto pour piano et orchestre classique ou romantique, l’œuvre se divise en dix parties et semble hésiter entre l’influence de Richard Strauss, de Gustav Mahler et des courants musicaux s’inspirant du sérialisme. C’est au pianiste Nicolas Stavy que l’on doit la brillante et talentueuse interprétation des deux Concertos pour piano de Britten et Korngold. Sa formation s’est faite sous l’égide de Gérard Frémy et Christian Ivaldi et a aussi bénéficié de l’enseignement d’une autre grande personnalité du piano français : Dominique Merlet. Le grand pianiste Alfred Brendel a également apporté son soutien à la future carrière de Nicolas Stavy en lui prodiguant aussi ses conseils. C’est Paul Polivnick qui est chargé ici de diriger l’Orchestre national de Lille. On ne peut qu’admirer sa précision, son sens de la couleur orchestrale et sa faculté à s’adapter aux fréquents changements de rythme des deux œuvres. Paul Polivnick est sollicité par de nombreux grands orchestres européens dont le prestigieux London Symphony Orchestra ainsi que le Royal Liverpool Philharmonic.
Au total un CD assez singulier permettant de sortir du purgatoire deux œuvres presque totalement oubliées. Preuve éclatante que le répertoire piano main gauche et orchestre généré par les commandes du pianiste Paul Wittgenstein peut encore réserver d’étonnantes surprises.
texte de Michel Jakubowicz
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