CD : Aashenayi, "Rencontre musicale en terre ottomane"
Canticum Novum
Direction : EMMANUEL BARDON
Ambronay (distribution : Harmonia Mundi)
durée du CD : 75’39’’
Notation : (5/5)
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Ce CD est un peu comme une porte ouverte sur de lointaines contrées et s’ouvre par une pièce instrumentale Como ponden (Cantiga 166-Alfonso X el Sabio, Espagne) dont le premier motif est joué par une flûte déroulant d’étranges et oppressantes mélodies.
Mais bientôt cette flûte s’efface laissant aux percussions et au oud toute leur place .La deuxième pièce s’intitule Rast nakis beste est due à Dimitri Cantemir(Empire ottoman) et laisse au oud le temps d’installer un décor musical qui va servir d’écrin aux voix qui seront accompagnées au oud et aux percussions . Avec Morenica, Romance sépharade qui vient de Turquie c’est à nouveau à la flûte de créer un décor de rêve bientôt rejointe par divers instruments et par les percussions. Les voix apparaissent soutenues par l’ensemble instrumental. Dar Dâmané Sharâ, la pièce la plus développée de ce recueil, est de Khaled
Arman (Afganistan) et débute par un étrange et prenant dialogue instrumental. Peu à peu la flûte et les percussions entrent en scène soutenant activement les voix déroulant inlassablement leurs chants étranges et fascinants qui semblent s’installer dans une sorte d’éternité. Avec Sareri hovin mernem qui nous vient de la tradition arménienne, c’est toujours la flûte déroulant un air lancinant presque plaintif qui vient soutenir ainsi que d’autres instruments une voix féminine qui semble surgir d’un horizon imaginaire situé quelque part dans une lointaine contrée inaccessible. Nor Tsaghik vient également d’Arménie et une fois de plus une flûte nostalgique et plaintive soutient une voix féminine exprimant une sorte de douleur que rien ne saurait apaiser. C’est avec un traditionnel venu de Turquie, Begün benim efkârim var, que ce CD se continue. La flûte y déroule inlassablement ses volutes ainsi que différents instruments et percussions, servant de décor instrumental chatoyant aux voix féminines qui de nouveau sont présentes. Durme, hermoza donzella, Romance séfarade venue des Balkans surprend par l’emploi presque exclusif des cordes et du oud installant un climat d’une grande tristesse. Une voix masculine toujours soutenue par la même configuration instrumentale va prolonger ce sentiment de solitude et de douleur. Avant-dernière pièce de ce CD, Sirto, est un air traditionnel de Turquie de facture purement instrumentale et d’une grande virtuosité. Ultime pièce de ce recueil, Offondo do mar tan chao nous vient d’une Espagne très éloignée dans le passé puisqu’il s’agit d’une Cantiga 383 d’Alfonso X el Sabio. C’est d’abord la flûte jouant un air nostalgique et languissant qui s’impose, bientôt relayée par une voix d’homme accompagnée par la vièle, puis l’ensemble des voix soutenues par tous les instruments et les percussions se mêle au discours musical, concluant ainsi cette mélancolique et prenante Cantiga…Ce CD qui constitue une sorte d’hommage à Soliman le Magnifique possède une vertu majeure : celle de rassembler plusieurs nations, leur permettant de coexister, composant ainsi une étonnante mosaïque culturelle allant de l’Espagne médiévale à l’Empire ottoman, l’Arménie, l’Afghanistan, l’Iran, les Balkans et la Turquie. Un itinéraire assez singulier et magique que l’ensemble Canticum Novum dirigé par Emmanuel Bardon restitue avec une chaleur et une conviction exemplaires.
texte de Michel Jakubowicz
CD disponible sur Amazon
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