11 décembre 2015
Michel Jakubowicz
Musique

Coffret CD Sibelius Edition

Deutsche Grammophon (Universal)
Coffret de 14 CD
Notation :

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C’est après avoir composé en 1925 son terrible Poème symphonique Tapiola que le compositeur finlandais va progressivement se murer dans un silence total, refusant de céder aux chefs d’orchestre du monde entier qui, en vain, vont le solliciter pour une Huitième Symphonie qu’il n’écrira jamais, hormis quelques vagues esquisses. Ce coffret rend donc hommage à un compositeur dont les sept Symphonies ont marqué à jamais ce genre que Gustav Mahler avec ses 9 Symphonies a porté au plus haut.

Fervent défenseur de l’œuvre de Jean Sibelius (avec une intégrale des symphonies avec l’Orchestre Philharmonique de New York), Leonard Bernstein nous propose ici les Symphonies N°1 et N°2, réalisées avec le concours de l’Orchestre Philharmonique de Vienne. Le chef américain choisit des tempi plutôt larges, tout en procurant à ces deux symphonies une énergie et un souffle propres à évoquer l’immensité du paysage finlandais.
C’est au chef finlandais Okko Kamu, relativement méconnu, que revient la tâche de diriger la Symphonie N°3 et la Suite Lemminkäinen op.22. Une œuvre qui s’appuie sur la mythologie finlandaise faisant référence au Kalevala. L’orchestre que dirige Okko Kamu est le Helsinki Radio Symphony Orchestra, un orchestre parfaitement adapté aux exigences de l’œuvre symphonique de Jean Sibelius.
Le CD N°4 contient deux Symphonies qui marquent un tournant décisif dans l’œuvre symphonique de Jean Sibelius. En effet la Symphonie N°4, la plus sombre et la plus âpre du compositeur finlandais, dit adieu au romantisme des trois premières symphonies alors que la Symphonie N°6 s’oriente vers des horizons où la matière sonore se raréfie jusqu’à se dissoudre dans une sorte de brouillard éthéré. L’interprétation de ces deux Symphonies revient à Herbert von Karajan dirigeant l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Dans ces deux Symphonies N°4 et N°6, la direction d’Herbert von Karajan atteint au sublime, en particulier dans la seconde, d’une pureté inégalée.
Avec le CD 5 nous naviguons sur les sommets avec la Symphonie N°5 (maintes fois remaniée par le compositeur), et surtout l’ultime Symphonie N°7 en un seul mouvement qui s’achemine inexorablement vers des espaces inconnus et glacés.

Avec Kullervo op.7, qui constitue le CD 7, nous sommes à nouveau plongés au cœur de la mythologie du Kalevala, dans cette gigantesque fresque qui requiert la présence de deux solistes, d’un orchestre imposant et d’un chœur d’hommes. La version proposée ici est celle (chaleureuse et enflammée) d’un chef finlandais trop méconnu, Jorma Panula. Il dirige ici le Turku Philharmonic Orchestra, le Laulun Ystävät Male Choir, les solistes vocaux étant Johanna Rusanen, soprano et Esa Ruuttunen, baryton.
Le CD 8 est dédié à un extraordinaire poème Symphonique : Chevauchée nocturne et lever du soleil op.55. L’œuvre, visionnaire et grandiose, s’achève dans une gloire solaire impressionnante. Le CD 8 est complété par plusieurs autres poèmes symphoniques dont le glauque et abyssal Les Océanides op.73, et le poème Tapiola, dédié au terrible dieu des forêts. Ces derniers constituent une des dernières œuvres symphoniques de Jean Sibelius.

L’unique Concerto pour violon op.47 s’inscrit sur le CD 9 en compagnie de deux Sérénades op.69 et de l’Humoresque op.87 No1. Datant de 1903, ce Concerto pour violon sera révisé par le compositeur, s’imposant rapidement parmi les concertos pour violons les plus célèbres (Tchaïkovski, Brahms). La superbe version proposée ici est due à Anne -Sophie Mutter, au violon, et à l’Orchestre Staatskapelle Dresden dirigé par André Previn. Tout au long de son existence, Jean Sibelius écrira de nombreux lieder.
Ceux qui sont réunis dans le CD 10 bénéficient d’interprètes vocaux de tout premier plan puisqu’il s’agit de la basse Kim Borg, du baryton Tom Krause, avec au piano Erik Werba et Pentti Koskimies. Au chapitre de la musique de chambre le CD 11 propose le splendide et très inspiré Quatuor op.56 « Voces intimae », interprété avec feu par le Quatuor Emerson. Compositeur de nombreuses musiques de scènes, Jean Sibelius nous offre ici dans ce CD 12 la Suite op.27 tirée de King Christian II dans une version superbe de Neeme Järvi dirigeant le Gothenburg Symphony Orchestra. Ce même CD 12 est superbement complété par la suite
orchestrale de Pelléas et Mélisande op.46, composée pour la pièce de Maeterlinck, sujet qui inspira aussi Debussy et Schoenberg. Toujours dans le domaine symphonique le CD 13 nous invite à renouer avec des œuvres de Jean Sibelius peu fréquentées tant au disque qu’au concert. Il s’agit des Scènes historiques I op.25, des Scènes historiques II op.66, de Scaramouche op71 et de la Suite op.54 du Cygne Blanc. L’interprétation de ce répertoire relativement méconnu de Jean Sibelius revient à un chef finlandais peu connu mais se révélant ici un efficace défenseur du compositeur : Jussi Jalas.
Avec le dernier CD (14) nous revenons encore à Jean Sibelius, mais cette fois-ci en compositeur de musique de scène. D’abord avec Kuolema, composée pour Death, pièce d’Arvid Järnefelt et enfin avec les Suites I et II The Tempest op.109, composées pour la pièce de Shakespeare. Jean Sibelius très inspiré, par la pièce du grand dramaturge anglais, met tout son art au service de celui-ci, déchaînant les éléments avec une sauvagerie et une énergie formidables. Deux chefs émérites se partagent ces deux musiques de scène : Neeme Järvi avec le Gothenburg Symphony Orchestra et Jussi Jalas dirigeant the Hungarian State Symphony Orchestra.

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Avec ce coffret nous immergeant dans les vastes horizons sonores imaginés par Jean Sibelius, Deutsche Grammophon rend dignement hommage à un compositeur essentiel dont l’œuvre n’occupe pas encore dans nos salles de concert toute la place qu’elle mérite amplement.

Texte Michel Jakubowicz

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