Bandits à Orgosolo : un fiction naturaliste dans les montagnes sardes (en Blu-ray, DVD et VOD)

Note artistique : (4,5/5)

Synopsis

Au cœur de la montagne rocailleuse et désolée de Sardaigne, Michele veille sur son troupeau de moutons avec son jeune frère Giuseppe. Un jour, trois étrangers débarquent dans sa bergerie, recherchés par les carabiniers pour avoir volé des cochons. Michele va se retrouver accusé à tort du vol puis du meurtre d'un des gendarmes perpétré par l'un des malfrats. Pour échapper à la prison, le berger décide de fuir dans la montagne en compagnie de son frère et de ses bêtes…

• Titre original : Banditi a Orgosolo
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 1961
• Réalisation : Vincente De Seta
• Casting : Michele Cossu, Peppeddu Cuccu, Vittorina Pisano, les moutons
• Durée : 1 h 36 mn 10
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,33/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : DTS-HD MA 1.0 monophonique italien
• Bonus : Communion, entretien inédit avec Dominique Cabrera (HD, 2023, 28mn 42) - entretien avec Vittorio De Seta (2008, 17 mn 42) - bande annonce 2022 (HD, 2 mn 04) - Le Monde perdu, 10 courts métrages (1954-1959, HD, 1 h 56 mn 37), films restaurés en 2019 par la Fondazione Cineteca di Bologna et The Film Foudation de L’Immagine Ritrovata ; restauration en 4K à partir d’un internégatif 35 mm de seconde génération et le négatif son original déposés par Vittorio De Seta à la Fondazione Cineteca de Bologne ; un positif 35 mm restauré en 1990 sous la supervision du cinéaste a servi de référence pour l’étalonnage : Le Temps de l’espadon, Iles de feu, Soufrière, Pâques en Sicile, Parabole d’or, Bateaux de pêche, Bergers à Orgosolo, Une Journée en Barbagie, Les Oubliés
• Éditeur : Carlotta Films

Commentaire artistique 

Bandits à Orgosolo, récompensé à Venise en 1962, est le premier long métrage de fiction du cinéaste italien Vittorio De Seta. Il a forgé sa réputation en parcourant avec sa caméra 16 mm sa Calabre natale, ainsi que la Sicile et la Sardaigne, pour réaliser, entre 1954 et 1959, une série de documentaires ethnographiques qui vont devenir les témoins irremplaçables d’un monde révolu : splendidement restaurés, ils peuvent être vus en intégralité sous la forme d’un film de compilation Le Monde perdu qui est donné en supplément sur le Blu-ray. Parmi ces courts métrages, deux titres filmés en Sardaigne en 1958, Bergers à Orgosolo (Pastori a Orgosolo) et Une Journée en Barbagie (Un Giorno in Barbagia), préfigurent Bandits à Orgosolo qui s’inscrit clairement dans la lignée du néoréalisme. Ce courant cinématographique italien, qui s’était développé dans les années 40 et 50 sous la férule de Cerare Zavattini, compte deux cinéastes emblématiques, Roberto Rossellini et De Sica, l’autre Vittorio. Dans Bandits à Orgosolo, Vittorio de Seta combine la rigueur documentaire d’un tournage en décors naturels, avec de vrais bergers sardes en guise de comédiens, et une intrigue scénarisée racontant la traque dans les monts d’Orgosolo de Michele (accompagné de son petit frère), un berger soupçonné d’avoir volé du bétail et d’avoir tué un carabinier. Cette fiction a pour but de faire comprendre pourquoi ces pâtres déshérités, victimes de l’adversité, peuvent être amenés à devenir des hors-la-loi. Comme annoncé en début de film, le cinéaste veut à la fois montrer la fierté des populations de la Barbagie (région sauvage de Sardaigne), analyser le mythe du bandit local et décrire les pratiques d’alors (y compris le vol de troupeaux). Fin connaisseur des lieux et des bergers qu’il filme dans leur habitat naturel, Vittorio de Seta octroie une très grande part à l’observation : la plupart des scènes décrivant dans leurs pratiques ancestrales le quotidien âpre de ces bergers ont une incontestable valeur anthropologique. Cette immersion permanente éclaire la pauvreté de la condition de ces éleveurs de moutons, pas mieux lotis que leurs bêtes, illettrés et croulants sous les dettes et à la merci d’une maréchaussée montrée sous un jour peu rassurant. Le mouvement permanent (cf. bonus) qui anime le film dès la scène d’ouverture donne à la poursuite un dynamisme qui ajoute une grande intensité à la vie locale (bergers, gendarmes, villageois). Vittorio de Seta donne le beau rôle au hors-la-loi, malgré lui, en dépeignant l’iniquité de la poursuite et l’engrenage politique inéluctable qui conduit un berger honnête à enfreindre la loi : Bandits à Orgosolo propose une vision sociale critique qui invite à la bienveillance envers le paria, d’ailleurs bien soutenu par son entourage au village. L’absence de morale du récit, qui suscita la critique à la sortie du film, serait fondée sur une enquête de l’anthropologue Franco Cagnetta qui étudia à Orgoslo dans les années 50 le phénomène du brigandage. Les acteurs non professionnels possèdent toute la crédibilité de leur naturel et Michele Cossu donne à son personnage, le berger Michele,  épaisseur et pugnacité. Sans fioriture, la mise en scène dépouillée de Vittorio de Seta ne se contente pas de donner une vision esthétique flatteuse des lieux mais leur adjoint une dimension lyrique chargée d’exprimer les émotions des personnages et l’antagonisme fondamental opposant la fierté de l’âme sarde à la trivialité étatique. Admirable. 

Commentaire technique

Image : copie HD, superbe définition, piqué constant sur les détails, texture argentique homogène (tournage en 35 mm, Master Format restauré), image stabilisée et nettoyée de toute scorie, splendide gestion des contrastes, image très lumineuse en extérieur et bien détaillée en basse lumière, noirs profonds, gris nuancés, échelle des gris harmonieuse

Son : mixage italien 1.0 monophonique, dialogues très clairs et équilibrés, pas de distorsion, excellente dynamique sur les ambiances extérieures (troupeau, bruits naturels) et les scènes avec personnages (garde, poursuite dans la montagne, mariage)

Notre avis

Image : (5/5)
Mixage sonore : (4/5)
Bonus : (5/5)
Packaging : (3/5)

IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0053632/ 

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