Les Âmes perdues : un documentaire accablant sur un combat légal pour ne pas oublier (en DVD et VOD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

En 2014, un mystérieux déserteur, portant Ie nom de code César, divulgue des dizaines de milliers de photos des victimes du régime syrien, morts sous la torture. Alors que les suppliciés sombrent dans l'oubli et que des milliers de civils disparaissent, leurs familles, leurs avocats et un petit groupe d'activistes tentent de déposer des plaintes dans des tribunaux européens. Ce film raconte les rebondissements d'enquêtes et de procédures qui conduiront à l'émission de mandats d'arrêts contre les plus hauts responsables de l'administration de Bachar al Assad, pour crimes contre l'humanité.

Titre original : Les Âmes perdues
Support testé : DVD
Genre : documentaire
Année : 2023
Réalisation : Garance Le Caisne et Stéphane Malterre
Casting : César, Sami, Amal, Mazen Al-Hamada, Obeïda Dabbagh, Clémence Bactarte, Almudena Bernabeu
Durée : 1 h 39 mn 23
Format vidéo : 16/9
Format ciné : 1,85/1
Sous-titrage : français
Pistes sonores : Dolby Digital 5.1 et 2.0 arabe/anglais/français
Bonus : aucun
Éditeur : Blaq out

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Commentaire artistique

Le constat est glaçant : le régime syrien a muselé son opposition par une hécatombe de suppliciés et de morts longtemps passés sous silence. En 2013, César (pseudo) un photographe du régime qui documentait officiellement le résultat macabre de cette répression, aidé par Sami un activiste, fuit le pays avec 27 000 clichés de cadavres et alerte l’opinion publique en 2014. Paradoxalement, comme tout régime totalitaire faisant fi de la vie humaine, le régime, loin d’effacer les traces tangibles de ses exactions, a au contraire parfaitement documenté ces assassinats politiques de masse : parvenus en Europe, ces milliers de clichés portant le numéro du centre de détention et le numéro de la victime sont autant de preuves pour la justice internationale à condamner ces crimes contre l’Humanité. Pourtant en 2011, à peine 25 procédures judiciaires sont en cours visant à faire condamner les hauts responsables souvent toujours en poste dans leur pays. La difficulté de ces procédures est d’autant plus compliquée qu’il est difficile d’identifier précisément les donneurs d’ordre de ces actes barbares et la nécessité pour que les plaintes aboutissent que les victimes aient une double nationalité de manière à pouvoir faire agir la justice hors de Syrie. Le documentaire poignant de Stéphane Malterre et Garance Le Caisne (qui révéla les documents de César), Les Âmes perdues cherche à donner la parole aux témoins et familles des disparus en constatant que, malgré leurs documents accablants, César et Sami n’ont pas réussi à faire bouger la cour pénale internationale trop soumise aux décisions politiques. Cependant, au moment de la préparation du film, les deux documentaristes ont eu vent de procédures en instance : celle de l’avocate espagnole Almudena Bernabeu défendant une syro-espagnole Amal qui avait reconnu son frère Abdul sur des photos de César et celle de l’avocate française Clémence Bactarte œuvrant pour Obeïda Dabbagh, franco-syrien installé en France, qui cherchait à savoir ce qu’étaient devenus Maen et Patrick, son frère et son neveu, disparus dans un centre de détention du régime à Damas. Ces deux cas ont été retenus pour le film car complémentaires : ils établissent le destin funeste d’Abdul assassiné par le régime et le possible destin analogue pour le frère et le neveu disparus. Forts de la confiance de toutes les personnes concernées et d’une lente élaboration sur plusieurs années, le documentaire Les Âmes perdues témoigne de l’extrême complexité des procédures et des souffrances psychologiques résultant de l’incertitude sur le sort des disparus et sur le cours même de la justice. Selon son réalisateur, Les Âmes perdues est construit comme un film noir mêlant « enquête, politique, solitude » en suivant les enquêtes avec les méthodes du cinéma-vérité qui décrivent aussi bien les victoires que les échecs. Il ne montrera presque pas la Syrie ni les reportages journalistiques la concernant mais se concentrera sur les témoins, les plaignants et leurs avocats en ayant comme but essentiel de redonner, par la voix de leurs familles, une personnalité à ces disparus. Les Âmes perdues pose la question fondamentale de l’impunité - une séquence montre le refus du Conseil de sécurité de l’ONU de condamner la Syrie - mais tout espoir n’est pas perdu : en mars 2023, dans l’affaire Dabbagh, les juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris ont ordonné la mise en accusation devant la Cour d’assises de Paris de trois hauts responsables syriens accusés de complicité de crimes contre l’humanité. Les Âmes perdues est un documentaire saisissant sur une machine impitoyable à effacer les êtres humains qui ne semble pas prête de s’arrêter : émouvant et terrifiant.

Commentaire technique

Image : copie SD, assez bonne définition mais piqué limité par la support DVD et certaines images d’archives, contraste naturaliste et homogène, noirs solides, étalonnage et colorimétrie réalistes aux teintes naturelles

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Son : mixage 5.1 arabe/espagnol/français/anglais, voix et commentaires clairs, bonne dynamique sur les ambiances et la musique de Gregor Keienburg et Raffael Seyfried, spatialisation ouverte aux effets surrounds discrets, LFE très ponctuel