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La Trilogie d'Apu : un chef-d’œuvre du cinéma indien et mondial (en Blu-ray, DVD et VOD)

Note artistique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge(5/5) 

Synopsis

La Complainte du sentier : dans un petit village du Bengale, vers 1910, Apu, un garçon de 7 ans, vit pauvrement avec sa famille dans la maison ancestrale. Son père, se réfugiant dans ses ambitions littéraires, laisse sa famille s'enfoncer dans la misère. Apu va alors découvrir le monde, avec ses deuils et ses fêtes, ses joies et ses drames.

 

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L'Invaincu : dans la suite de La complainte du sentier, Apu a 10 ans et il est installé avec sa famille à Bénarès. Sur les escaliers qui dominent le Gange, son père gagne désormais sa vie en lisant des textes sacrés. Suite au décès inattendu de ce dernier, sa mère décide alors de retourner vivre à la campagne. Devenu un élève brillant, Apu décroche une bourse et part étudier à Calcutta, laissant sa mère déchirée par le chagrin. 

  

Le Monde d'Apu : à Calcutta, en 1930, Apu rêve de succès littéraire, mais faute d'argent il doit interrompre ses études et affronter le monde du travail. Un jour son ami Pulu l'emmène au mariage de sa cousine. À la suite d'un accès de folie du jeune marié, Apu, venu en tant que simple invité, se voit contraint d'épouser la jeune femme pour lui éviter le déshonneur. Malgré les difficultés, ce mariage précipité se transforme en un profond amour. Mais ce bonheur lui sera brutalement retiré…

  

  • Titre français : La Complainte du sentier - L'Invaincu - Le Monde d'Apu
  • Titre original : Pather Panchali - Aparajito - Apur Sansar
  • Support testé : Blu-ray
  • Genre : drame
  • Année : 1955, 1956, 1959
  • Réalisation : Satyajit Ray
  • Casting : (1) Kanu Bandyopadhyay (Banerjee), Karuna Bandyopadhyay (Banerjee), Chunibala Devi, Uma Das Gupta, Subir Bandyopadhyay (Banerjee), Runki Bandyopadhyay (Banerjee), Reba Devi, Aparna Devi, Tulsi Chakrabarti (2) Karuna Bandyopadhyay (Banerjee), Shanti Gupta, Rani Bala, Sudipta Ray, Keya Sengupta, Kanu Bandyopadhyay (Banerjee), Smaran Kumar Ghoshal, Pinaki Sengupta, Ramaniranjan Sengupta (3) Soumitra Chattopadhyay (Chatterjee), Sharmila Tagore, Alok Chakravarti, Swapan Mukhopadhyay (Mukherjee)
  • Durée : 2 h 05 mn 31 - 1 h 49 mn 49 - 1 h 45 mn 55
  • Format vidéo : 16/9
  • Format ciné : 1,37/1 Noir et Blanc
  • Sous-titrage : français
  • Pistes sonores : DTS-HD MA 1.0 monophonique bengali
  • Bonus : coffret avec les 3 Blu-rays des trois films - livret « Satyajit Ray et la trilogie d’Apu » rédigé par Charles Tesson, critique et historien du cinéma, avec des photos du film (80 pages)
  • Bonus HD VOST sur le Blu-ray La Complainte du sentier : entretien avec Soumitra Chatterjee (7 mn 15) - entretien avec Soumendu Roy (12 mn 35) - court métrage : L'Œil intérieur de Satyajit Ray, sur l'artiste indien Binode Behari Mukherjee, figure majeure de l'art moderne asiatique (1972, 22 mn 33) - Creative Artist of India, entretien avec Satyajit Ray sur le tournage de La Grande Ville (1974, 13 mn 55)
  • Bonus HD VOST sur le Blu-ray L'Invaincu : Satyajit Ray, documentaire de Shyam Benegal (1985, 2 h 16 mn 45)
  • Bonus HD sur le Blu-ray Le Monde d'Apu : entretien avec Sharmila Tagore et Soumitra Chatterjee (VOST, 15 mn 08) - Fenêtre sur... le cinéma de Satyajit Ray, entretien dirigé par Michel Ciment et réalisé par Georges Luneau (VF, INA, 1979, 27 mn 35)
  • Éditeur : Carlotta Films

 

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Commentaire artistique  

La trilogie d’Apu, réunissant trois films de Satyajit Ray, La Complainte du sentier (1955), L'Invaincu (1956) et Le Monde d'Apu (1959) est un des chefs-d’œuvre incontestés  du cinéma mondial, couronnés de prix prestigieux (Cannes, Venise, Oscars). En juillet 1993, un incendie provoqué par le nitrate dans le laboratoire cinématographique Henderson de Londres a failli faire disparaitre définitivement les négatifs originaux 35mm. Mais ceux-ci, fort miraculeusement conservés, ont pu être récemment excellemment restaurés (cf. commentaire technique) grâce aux dernières technologies. La trilogie est tirée des romans bengalis classiques de Bibhutibhushan Bandopadhyay (Banerjee) que Satyajit Ray, alors graphiste, avait découvert en les adaptant pour les enfants dans les années 40. Fondateur de la Calcutta Film Society, le cinéaste  est influencé par sa rencontre avec Jean Renoir qui tourne en 1951 Le Fleuve à Calcutta avec des acteurs non professionnels et la vision du chef-d’œuvre néo-réaliste Le Voleur de bicyclette (1948) de Vittorio de Sica. Il constate alors (cf. bonus), comme le feront les réalisateurs de la Nouvelle Vague, qu’il est très possible de réaliser un film avec des acteurs novices, dans des décors naturels et sans lumière artificielle, par tous les temps. Il décide donc de réaliser dans ces conditions son premier film : il va le financer lui-même, le tourner en extérieurs et faire jouer ses amis comme acteurs. Achevé grâce à un prêt du gouvernement du Bengale, La Complainte du sentier, présenté à Cannes, reçoit le Prix du document humain en 1956 qui fait connaitre le cinéma de Satyajit Ray dans le monde entier et consacre désormais le cinéaste comme un des maitres du 7ème Art.

La Complainte du sentier, premier film et coup de maitre, concrétise la découverte de la campagne indienne par un cinéaste citadin, vivant à Calcutta, sa ville natale, d’enfance et de travail. Le mérite est d’autant plus grand que Satyajit Ray n’avait jamais réalisé de film jusque-là, qu’il doit diriger des enfants sans expérience du cinéma et que son directeur de la photographe, Subrata Mitra, photographe de plateau, n’avait jamais filmé avec une caméra ! Travail de longue haleine, près de trois ans faute de fonds, La Complainte du sentier a été réalisé sans scénario abouti et en remaniant largement les évènements du roman. Il a été entièrement tourné à Boral, un petit village retiré de l’Ouest du Bengale dépourvu d’urbanisme et d’infrastructure (ni eau courante, ni électricité). Un cadre idéal pour conter l’existence difficile de gens démunis comme la famille du prêtre Harirar Ray (Kanu Bandyopadhyay ou Banerjee) vivant dans une maison délabrée avec sa femme Sarbojaya (Karuna Bandyopadhyay ou Banerjee), sa fille Durga (jouée par Runki Bandyopadhyay ou Banerjee, puis Uma Das Gupta), son jeune fils Apu (Subir Bandyopadhyay ou Banerjee) et sa vieille tante Indir (Chunibala Devi). Dans la vie, Sarbojaya était la vraie mère de la fillette Durga. La Complainte du sentier bénéficie d’une photographie naturaliste bien qu’opérée par un DP inexpérimenté : c’est faute d’argent que le cinéaste a engagé Subrata Mitra, mais celui-ci se révéla un génie du cadre dont la maitrise assura l’esthétique sublime des films de la trilogie, tout en étant contraint parfois de recourir à des bricolages (lucioles dans le champ). C’est dans ces films (notamment le troisième) qu’il met au point une technique d’éclairage indirect pour simuler les lumières extérieures. Grace à ce talent et porté par la musique remarquable de Ravi Shankar, La Complainte du sentier, à l’encontre des traditionnelles sucreries musicales locales, offre au spectateur la chronique d’une vie paysanne dans le dénuement mais non exempte de petits moments de joie, de peine et d’humour mis en scène par Satyajit Ray avec une rigueur et une poésie fascinantes. Privilégiant l’intimité de ses personnages et le dépouillement de sa mise en scène allusive, qui progresse par ellipses et qui enchaîne des scènes d’une beauté renversante (foret de bambou, passage du train près d’un champ de roseaux en fleurs), son film particulièrement méditatif est assidûment en osmose avec l’environnement naturel. Une ode qui est autant composée d’images magnifiques, souvent franchement lyriques, que d’une dimension humaniste, bienveillante et poignante qui dépasse le simple cadre de la ruralité bengalie. Ne cherchant jamais à porter le moindre jugement, ce drame paysan est nourri d’une telle compassion qu’il ne faut pas s’étonner de son retentissement international : l’intrigue, les sentiments des personnages et la tragédie des situations est accessible à tous, indépendamment de son contexte indien. Cette  résonnance doit beaucoup aux comédiens : si les parents Harirar et Sarbojaya sont incarnés par des professionnels, il faut saluer le choix des enfants qui jouent Apu et Durga, au naturel et à la spontanéité confondantes. Attendrissant.  

L'Invaincu, récompensé par le Lion d’Or à la Mostra de Venise, n’était pas conçu comme le volet d’une future trilogie. Si le film est toujours adapté de deux romans de Bibhutibhushan Bandopadhyay, une partie de l’intrigue est inspirée des souvenirs personnels du réalisateur, notamment celle de l’étudiant vivant au-dessus d’une imprimerie. Par ailleurs le cinéaste s’est éloigné du roman en transformant les relations entre Apu et sa mère, ce qui offusqua le public bengali. Satyajit Ray réalise L'Invaincu toujours avec la même équipe, Subrata Mitra pour l’image et Ravi Shankar pour la musique, mais s’il retrouve ses comédiens pour jouer le père et la mère d’Apu, le héros est interprété successivement par Pinaki Sengupta (Apu jeune) et Smaran Ghosal (Apu adolescent), deux garçons qui n’avaient jamais joué au cinéma et dont le naturel est encore une fois parfait. Plusieurs autres rôles secondaires sont ainsi confiés à des non professionnels parfois recrutés durant le tournage (comme un vieil homme consolateur trouvé à Bénarès) : résultats garantis en matière de spontanéité !  C’est pour ce film que Subrata Mitra invente son éclairage simulant la réalité extérieure tout en filmant en studio le décor de la cour de la maison de Bénarès construit dans un studio de Calcutta : il va utiliser  un faux ciel (un tissu blanc encadré tendu au-dessus du décor) éclairé indirectement par une lumière disposée en dessous. Sans égaler l’émotion poétique procurée par La Complainte du sentier, dans L'Invaincu, le second volet de la trilogie qui décrit l’adolescence d’Apu, la tragédie qui frappe à nouveau son entourage est propice à nous bouleverser car elle interroge sur le destin du jeune ado touché durement par le sort. Étudiant brillant mais sans ambition, Apu, ado pensif et morose, vit désormais loin de sa mère qui se morfond dans sa campagne. Si la tonalité de cette histoire est plutôt pessimiste et ne va pas aller en s’améliorant, elle ne tombe jamais dans le stéréotype du mélo larmoyant : Satyajit Ray use avec habileté de l’ellipse pour assurer que la tension dramatique de son film ne soit pas gâchée par des clichés narratifs. Mais L'Invaincu, qui n’est pas qu’un film sur Apu, nous laisse entrevoir, par le biais de l’attention méticuleuse portée aux agissements et à la vie un personnage, les mutations d’une société en transformation.     

Avec Le Monde d'Apu, c’est la vie d’adulte d’Apu (Soumitra Chatterjee) qui est dévoilée : il vit désormais à Calcutta où, chômeur, il est censé écrire un roman autobiographique. Un mariage inattendu avec la toute jeune Aparana (Sharmila Tagore) va bouleverser son quotidien toujours rythmé de tragédies. Une fois encore Satyajit Ray laisse ses comédiens novices jouer au naturel adoptant parfois une méthode proche de l’Actors Studio qui n'était pas toujours évidente pour Sharmila Tagore, ado alors âgée de 14 ans ! Subrata Mitra et Ravi Shankar sont toujours de la partie : ce troisième volet prolonge avec brio l’esthétique néo-réaliste des deux premiers films et bénéficie des envolées musicales qui accompagnent sa narration. Toujours sur le ton de la chronique avec ellipses opportunes, Le Monde d'Apu dépeint avec force un personnage frappé par l’adversité qui sombre dans une dépression qui semble sans fin. La mise en scène subtile est toujours aussi brillante (scènes finales) et non dénuée d’idées narratives et visuelles audacieuses. La superbe photographie, les gros plans saisissants et  le désespoir palpable d’Apu rendent ce film toujours plus poignant sans que ce troisième volet  ne cède à la facilité du mélodrame potentiel. La trilogie d’Apu se termine sur une reconnaissance qui laisse augurer un nouveau départ. Malgré son contexte culturel profondément distant et son récit d’une autre époque, la vie d’Apu est une aventure humaine familière qui se révèle intrinsèquement universelle. Chef-d’œuvre.
Pour information, Criterion va éditer ces trois films en UHD 4K au début 2024. 

 

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Commentaire technique 

La nouvelle restauration 4K des trois films a été réalisée par The Criterion Collection en collaboration avec The Academy Film Archive de The Academy of Motion Picture Arts and Sciences.

Les négatifs originaux de la trilogie ont été gravement endommagés dans l’incendie en 1993 provoqué par le nitrate. Inexploitables, ils ont été sauvés et préservés par le personnel de The Academy Film Archive pendant plus de 20 années. Pour cette nouvelle restauration, ils ont été réhydratés (solution de glycérol, d’acétone et d’eau), réparés, et scannés (sans entrainement par pignon denté car les perforations étaient inutilisables) en résolution 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne. Ainsi 40 % du négatif original de La Complainte du sentier et 60 % de L’Invaincu ont été récupérés et ont servi de référence pour la restauration avec la difficulté d’ajuster les déformations d'une image à l'autre et d'une bobine à l'autre. Les parties manquantes ont été remplacées par des masters à grain fin et des négatifs dupliqués conservés par Janus Films, The Academy Film Archive, la Harvard Film Archive et le British Films Institute. Les films ont été reconstruits et restaurés numériquement en résolution 4K et le son a été restauré à partir des pistes optiques et des masters magnétiques de préservation par la Criterion Collection.   

Pour La Complainte du sentier et L’Invaincu, les scans ont été faits avec un Arriscan utilisant la technologie du tirage par immersion à partir des négatifs originaux de l'Academy Film Archive. Les éléments supplémentaires utilisés pour La Complainte du sentier comprenaient un négatif 35 mm dupliqué de l'Academy Film Archive et un négatif à grain fin 35 mm du BFI. Pour L’Invaincu, les éléments supplémentaires proviennent de deux négatifs dupliqués 35 mm, l'un de l'Academy Film Archive et l'autre de la Harvard Film Archive.

Toutes les saletés, débris, rayures, raccords et déformations ont été retirés manuellement à l'aide de DRS de MTI, PFClean de Pixel Farm. Phoenix de Digital Vision a servi pour retirer les petites saletés et corriger le grain, la gestion du bruit, la gigue et le scintillement. La numérisation 4K a été effectuée par L'Immagine Ritrovata, Bologne, Colorworks, Culver City, Californie, Goldcrest, New York et Deluxe Digital, Londres. Superviseur de transfert et coloriste : Lee Kline. Correction de couleur supplémentaire : Russell Smith.

Image : copies HD, superbes définitions avec un piqué remarquable sur les gros plans et les visages, textures argentique fines et homogènes (tournage en 35 mm avec caméras Mitchell, Master Format 4K restauré en 2015), copies très propres assez peu affectées par les rayures et les défauts qui n’ont pas pu être retirés, excellente gestion des contrastes respectant la photographie tranchée de Subrata Mitra, noirs solides, blancs nuancés, très beau dégradé des gris dont la gamme est harmonieuse

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Son : mixages bengali 2.0 monophonique, dialogues clairs et équilibrés sans saturation, ni bruit de fond prononcé, superbe dynamique sur les ambiances mais qui favorise surtout la splendide musique colorée de Ravi Shankar, spectre limité aux extrémités

 

Notre avis

Image : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge(5/5)
Mixages sonores : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise(4/5)
Bonus : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise(4/5)
Packaging : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile demi bleueetoile grise(3,5/5)

IMDb
La Complainte du sentier : https://www.imdb.com/title/tt0048473/
L'Invaincu : https://www.imdb.com/title/tt0048956/
Le Monde d'Apu : https://www.imdb.com/title/tt0052572/

 

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