Tour de Suisse de la Hifi (1) : le pays d’Europe le plus High-End ?
Photo : DJworkx, Reeltoreel
Qui pense Suisse pense chocolat, horlogerie… et Hifi ? Pas forcément. Beaucoup connaissent Nagra et ses enregistreurs rendus célèbres par Mission Impossible. Mais qui connaît les racines helvètes de Thorens, Revox ou Lenco ? Qui sait qu’aujourd’hui, une quarantaine d’ateliers suisses produisent des appareils High-End ? Allez, envoyez-vous un verre de Burgermeisterli et glissez un cor des Alpes sur votre épaule ; on part en voyage dans l’histoire de la Hifi au pays de Heidi !
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Coucous, cylindres et boîtes à musique
En Suisse, avant les gramophones, il y avait les cylindres. Ces cylindres qu’on plaçait dans des boîtes à musique pour mettre des lamelles en vibration et produire du son. Il faut lier l’histoire de ces inventions, qui remontent au XVIIIème siècle à une tradition d’ingénierie mécanique. Cette dernière fut en partie initiée par les paysans horlogers, qui cherchaient des sources de revenus complémentaires pendant les hivers rudes.
Une boîte à musique (image : Musée des boîtes à musique et automates).
Le coucou suisse n’est donc pas un stéréotype, aussi peu que la boîte à musique suisse. C’est en 1796 que le mouvement à musique est inventé à Genève par Antoine Favre. Forts de cette invention et de ses évolutions, en 1883, plus de 1500 ouvriers fabriquent des boîtes à musique dans 40 fabriques à Sainte-Croix dans le canton de Vaud.
Un cylindre à picots (image : Musée des boîtes à musique et automates).
La tradition de confection artisanale de boîtes à musique en Suisse est aujourd’hui encore vivante, et, toujours à Sainte-Croix, on trouve la dernière usine d’Europe à fabriquer des boîtes à musique artisanales. Dans cette même ville, le Musée des Boîtes à musique et automates se veut gardien de l’histoire de ce savoir-faire.
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Une usine de lecteurs de bandes (image : Revox).
Références de l’industrie Hifi de l’après-guerre
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse, malgré ses compromissions discrètes aux côtés de l’Allemagne nazie, n’est ni détruite ni occupée. Son industrie, qui n’a donc pas interrompu sa production pendant la guerre, est prête à prospérer dans les Trente Glorieuses. De plus, le pays se fait une réputation sur la scène internationale, comme territoire neutre, sûr en matière de propriété intellectuelle et fiscalement incitatif. En somme, un lieu idéal pour déposer des brevets et produire des technologies de pointe à exporter partout dans le monde.
Une usine de tourne-disques dans les années 1950 (image : DJWorx).
Thorens, qui avait fabriqué des boîtes à musique, des gramophones puis des tourne-disques à pavillon à Sainte-Croix depuis la fin du XIXème siècle, sort la platine vinyle TD 124 en 1957. C'est la première d’une légendaire série de platines, dont les TD 125, TD 126, TD127, TD145 et TD160 diffusées dans le monde entier jusqu’à la Chute du mur de Berlin.
Stefan Kudelski et le Nagra I en 1951 (image : Nagra).
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Parallèlement, Nagra s’est installé non loin de Sainte-Croix en 1951, à Cheseaux-sur-Lausanne. Créée par le réfugié polonais Stefan Kudelski, la firme sort le Nagra I, un enregistreur miniature à manivelles et à lampes. Nagra conçoit ensuite plusieurs appareils à destination des professionnels : le Nagrafax pour l’envoi de cartes météorologiques, du matériel de studio ou encore des enregistreurs pour la CIA. Nagra doit aussi sa notoriété à l’écrivain suisse Nicolas Bouvier, qui emporta dans ses voyages publiés dans de nombreux ouvrages l’enregistreur Nagra personnel de Stefan Kudelski.
Une platine Lenco L75 (image : Anibis.ch).
De l’autre côté du Röstigraben (la ligne qui sépare la suisse francophone de la suisse alémanique), Fritz et Marie Laeng ont créé Lenco à Burgdorf en 1946. Passionné par la musique, le couple fabriquait des appareils électriques depuis les années 1920. En 1975, Lenco sort la platine vinyle L75, qui restera comme un repère dans l’histoire de la Hifi. Autres firmes légendaires de la Hifi en Suisse alémanique, Studer et Revox, basées dans la région de Zurich, commercialisent des lecteurs de bande à partir de 1948. Dans les années 1950, le T26, l’A36 puis le B36 sont les premiers lecteurs de bande d’une longue série, utilisés entre autres dans l’industrie de la musique et du cinéma. Le Studer J37 est mondialement connu par les aficionados pour avoir équipé le studio d’Abbey Road et servi à l'enregistrement de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles.
Usine Revox dans les années 1960.
Les modèles phares de Nagra, Revox, Lenco ou Thorens produits pendant l’âge d’or de la Hifi suisse s’échangent encore sur le marché de l’occasion à plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’euros pour certaines références. Fermé en 2017 faute de visiteurs, le musée Audiorama à Montreux leur rendait hommage, ainsi qu’aux ouvrières et ouvriers qui firent vivre une grande partie du canton de Vaud en fabriquant ces produits Hifi. Les collections ont été vendues aux enchères pour une partie et pour une autre transférées au musée Enter à Soleure, en Suisse alémanique.
Des produits Revox à l'export.
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La mort au tournant… Du numérique
L’essor de l’industrie Hifi en Asie et l’arrivée massive des produits électroniques manufacturés à bas coût sur le marché européen vont frapper fortement la Suisse dans les années 1970. Que ce soit sur le terrain des montres ou de la Hifi, les produits helvètes sont de moins en moins compétitifs dans le contexte du choc pétrolier. Pour les platines vinyles, les lecteurs de bande ou les enregistreurs, les choses se corsent également avec l’arrivée de l’audio numérique, notamment l’invention du CD en 1980.
Un Nagra III (image : Nagra).
À la fin des années 1970, le couple fondateur de Lenco n’est plus et l’entreprise résiste mal à la concurrence. Après des années de crise, Lenco est racheté en 1997 par un groupe néerlandais qui délocalise la production en Asie. Après un autre rachat dans les années 2000, la marque se diversifie vers la Hifi grand public et d’autres produits électroniques. Chez ON-mag, on remarque encore des platines Lenco parmi les bons plans.
Une platine vinyle Thorens TD160 (image : platinevinyle.org).
Thorens continue de vendre des platines vinyles à succès depuis la Suisse jusqu’aux années 1990, avant d’être racheté par un groupe allemand dans les années 2010 qui construit encore des platines vinyles à l’approche audiophile. Parmi les seules grandes entreprises Hifi de l’après-guerre à être restée suisse, Nagra sut prendre le virage audiophile du numérique. L’entreprise de Stefan Kudelski se mit à construire des DAC et des électroniques High-End à partir des années 2000. Aujourd’hui, sa production est toujours basée en Suisse et Nagra fabrique même des platines vinyles ultra haut de gamme qui coûtent un bras.
Images publicitaires Revox.
Revox enfin, est resté suisse, mais a délocalisé ses usines en Allemagne, dans la Forêt Noire. Cette entreprise a diversifié sa production dans les années 1970, passant des lecteurs de bande aux platines vinyles, récepteurs FM, lecteurs de cassettes et enceintes. Aujourd’hui elle commercialise même des produits multiroom, depuis ses quartiers généraux à Regensdorf près de Zurich, mais "made in Germany".
Un Revox B77 (image : Revox).
Les ateliers de la Hifi High-End
Si l’âge de la production de masse d’appareils Hifi en Suisse est révolu, on peut peut-être encore parler d’âge d’or de la Hifi au pays de Heidi et de Guillaume Tell dans les années 2020. En effet, ils seraient environ une quarantaine d’ateliers en Suisse à produire platines vinyles, enceintes, DACs, amplificateurs et autres produits très High-End. On sait aussi que certains ateliers suisses produisent des moteurs, des câbles et d’autres composants très prisés pour leur haute qualité par des marques High-End hors de Suisse. Chez On-mag, on connaît déjà les enceintes Piega, les électroniques Ensemble, les enceintes artisanales Jean Maurer, les électroniques pro et semi-pro Illusonic, les enceintes parmi les plus chères du monde de chez Goldmund, mais aussi Stenheim, les enceintes en bois de résonance de JMC Lutherie, les électroniques franco-suisses Mimetism, et tant d’autres.
Pour aller plus loin, Joseph Tarradellas, un Français professeur à l’Ecole Polytechnique de Lausanne a sorti un livre, Le son suisse, une excellence mondiale, dont nous vous recommandons la lecture.
Commentaires (6)
Il n'y a jamais eu de NAGRA dans "Mission Impossible". Il s'agit d'un magnétophone Japonais, le SANYO MC2.
NAGRA I à manivelle(s). A remontage mécanique (moteur de phonographe THORENS) avec une MANIVELLE!!
REVOX B77, il s'agit d'un NAGRA TA. (T comme twin capstan et A comme audio)!!!!
L'image: Stefan Kudelski et le NAGRA I.
En fait il s'agit d'un NAGRA II-CI (Modulomètre dans la partie frontale du magnétophone)!
Journaliste c'est un métier!!!!!
Cordiales salutations.
La photo avec la légende : Stefan Kudelski et le NAGRA I.
En fait il s'agit d'un NAGRA II-C (Modulomètre intégré dans la partie frontale de l'appareil)!!!!!
Journaliste c'est un métier??!!