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Concours d’installations Hi-Fi ésotériques

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Le 19 avril dernier avait lieu à Bezons (en banlieue parisienne) une manifestation audiophile sortant totalement de l’ordinaire : «Le Défi des forums audiophiles». Organisé en partenariat par plusieurs associations d’audiophiles qui tiennent forums sur le Web, c’était une compétition d’installation Hi-Fi extravagante. Nous laissons Jean Michel PENALVA, un de ses organisateurs, vous la compter… Rude tâche que de rendre compte à la fois d'une manifestation aussi riche d'expériences, de personnalités, de technologie. Mais la postérité est à ce prix.

En voici le début.

C’est donc le dimanche 19 avril que s’est tenu le traditionnel « Défi des Forums audiophiles », organisé en 2009 dans la ville de Bezons en Val d’Oise, ancien lieu de villégiature de la population parisienne voué aux plaisirs champêtres. Comme à chaque fois, c'est Kifs qui en est le Grand Organisateur. Merci à lui.
Les précédentes sessions – accueillies à Rosny sous Bois puis Athis Mons – avaient déjà démontré l’intérêt d’une telle manifestation, éminemment festive : donner une totale liberté aux compétiteurs dans le choix de leurs systèmes et des technologies et laisser aux auditeurs le soin de conclure la journée d’écoute par un vote parfaitement subjectif pour le système préféré. Les professionnels sont cordialement invités à la confrontation ; peu osent se livrer ainsi à la critique en environnement non maîtrisé, il convient donc de saluer ceux qui en ont le courage, comme APERTURA, SCHEU, TMS, AUDIOFOLIA, C. Yvon, G. Mezzadourian, C. Bubendorf, ou encore AQUABLUE et db System qui reviennent à chaque session.
Ici, pas de programme musical imposé, pas d’auditoriums spécialement aménagés, pas de public policé, pas de distinction entre amateurs et professionnels, audiophiles ou mélomanes : juste des systèmes confrontés à la passion de leur public. Les réalisations personnelles côtoient les matériels du commerce, les appareils vintage défient les dernières technologies. Seul l’écoute compte.

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L’innovation de cette année a consisté à compléter les appréciations subjectives par des mesures de réponse impulsionnelle (ARTA software, méthode d’Angelo Farina) réalisées par Jean-Michel Le Cleac’h. Les mesures ne sont pas prises en compte pour le classement final.
Le public venu des quatre points cardinaux est affilié aux différents forums ou associations audiophiles - MELAUDIA (Mélomanes et Audiophiles associés), AGAME (Association regroupant des Audiophiles de Marseille et des Environs), le forum Ls3-5A, et le forum Haute-Fidélité. En invité, était présent Frédéric Fontaine, plus connu sous le pseudo Fredsonqc, qui offrait au regard (et un peu à l’écoute) ses beaux pavillons à profil Le Cleac’h et au poli «miroir».
Après le vote – à bulletin secret comme de juste - le titre convoité de «Champion Haute-Fidélité» est obtenu au nombre de victoires, le «Grand Prix du Public audiophile» est décerné au total de points aux trois premières places. Quatre équipes sont venues cette année prétendre à la consécration.

- L’équipe «Forum Vert» emmenée par Jérôme Bertino - tenante du titre 2007 -défendait la hifi anglaise vintage, enceintes LS5/9 et amplification Beard (triple PP d’EL84).

- L’équipe «Forum Delphi», constituée du seul Dan Bellity (db System), tentait le large bande Lowther PM2 (enceintes Fidelio Replica alimentées par des blocs 300B de 6 W sur schéma Western Electric WE 91A).

- «AquaBlue Diyparadiso» (Belgique) représenté par Benny Glass présentait deux systèmes complets autour des ambitieuses enceintes Andromeda et des enceintes en kit Odyssey accompagnées de plusieurs amplifications à tubes (Triodes 845 et 813 et pentodes EL84).

- Enfin, l’équipe «AGAME» - nouvelle venue dans la compétition - pilotée par André Jacques, alignait les réalisations personnelles de son mentor (bibliothèques 2 voies, amplification à tubes, convertisseur et préampli soigneusement calculés).

A noter que toutes les amplifications étaient à tubes.
Hifi vintage (c’était mieux avant), large bande radical (tout sur les voix), artisanat de haute volée (tout à l’oreille) et conception universitaire (calcul et rationalité) : quatre philosophies se sont affrontées.

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Les enceintes construites pour l'occasion sont constituées d’un boomer Fostex FW208N en bass-reflex de 25 litres, filtrage à 6 dB par octave avec relais à 3000 Hz par un tweeter ScanSpeak Illuminator. L’ébénisterie a été confié à Etienne Tharp, un professionnel coutumier de belles réalisations audiophiles.
L’amplification est assurée par des clones de Dynaco mk3 en pentodes KT88, équipés de transformateurs de sortie Plitron ; le préamplificateur passif est également une réalisation personnelle constituée d'un sélecteur et d'un atténuateur Dact. Le convertisseur est encore une réalisation originale à base de puces Burr Brown 1704. Devant cette électronique réalisée dans toutes les règles de l’art, la base de lecture numérique utilisée pour la démonstration est un modeste lecteur CD/DVD/SACD Onkyo Intégra. Une platine LP fournie par Raoul Liyung de MELAUDIA - Thorens 125, SME3009, Denon 103 avec pré RIAA Hiraga - a permis de goûter à la chaleur du vinyle.
L’équilibre d’un tel système a été unanimement salué, tout comme la touche de rondeur sensuelle bien agréable, et le soutien du registre grave étonnant pour un aussi faible volume. Le registre aigu très fin et détaillé, présent sans insistance, illumine (c’est le cas de le dire) la scène sonore. Des attaques nettes et des micro-détails bien perceptibles complètent le tableau décrivant un système «dynamique et facile à vivre» sur tous les types de musique.
Quelques morceaux symphoniques ou de chœurs a capella montrèrent une résolution de très bon niveau et ne firent pas sentir de limites inacceptables ; quelques vinyles de bonne facture soulignèrent le potentiel musical du système. L’absence de projection sur les voies a été appréciée, tandis que certaines réserves ont été émises sur la richesse de timbres, que d’aucuns auraient préférés plus «rutilants». L’image sonore, stable et d’ampleur raisonnable demanderait à être appréciée dans des locaux moins contraignants.
Les amateurs de matériels caractériels furent cruellement déçus par le profil «premier de la classe» d’un tel système qui met l’accent sur l’honnêteté de restitution et la transparence et cherche à préserver l’expression musicale.
Comme le suggérait un auditeur, c’est là le résultat d’un vrai projet audiophile mené à bon terme.

Le vote final a désigné un vainqueur incontestable, qui a remporté à la fois le titre et le prix du public avec une confortable avance. Près de 3 auditeurs sur 5 ont préféré le système présenté par André Jacques (AGAME), qui résume ainsi la philosophie de conception des ses enceintes «un boomer qui ne monte pas trop et un tweeter qui descend assez bas...».

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C’est assez rare pour être souligné, tout comme la belle concordance des mesures : «l'arrivée du signal (début de l'impulsion) est franche, au maximum de niveau instantané de la réponse impulsionnelle la courbe de réponse tient dans 5 décibels. L'amortissement de la réponse du haut-parleur de grave-médium montre peu de problèmes. Le fractionnement du cône est peu visible et le raccordement avec le tweeter est excellent».

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La deuxième place, bien méritée, est revenue à Benny Glass (Aquablue DiyParadiso) «pour l’ensemble de son œuvre» ; en l’occurrence, deux systèmes d’ambitions fort différentes avec alternance d’amplificateurs à tubes au look industriel particulièrement travaillé (une référence pour le Woman Acceptance Factor).
Le grand système associait l’ampli intégré 845 SE Enterprise (grandes triodes 845 avec tubes 6E47 en entrée) aux enceintes ANDROMEDA, dotées de trois voies céramique, inspirée des AVALON Eidolon, version avec filtre DUELUND Virtual Stack Foil, gardant une sensibilité réelle de 89 dB/W/m.
Si chacun reconnaissait à ce système un son plutôt propre, le registre bas-medium donnait lieu à critique, certains le jugeant en retrait, d’autres relevant un certain «son de boîte». La scène sonore semblait néanmoins convaincante, et l’impression générale convergeait vers un système plus démonstratif que musical ; le rendu des timbres n’étant pas totalement convaincant sur des voix ou des instruments riches dans ce domaine. La brillance des cuivres apparaissait mieux traitée que les harmoniques des cordes et le timbre des voix.
L’analyse des mesures faites sur les ANDROMEDA conclut – selon J-M. Le Cleac’h - à d'excellents haut-parleurs dont la réponse commune est contrariée par un filtrage mal optimisé et un alignement temporel perfectible.

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Le petit système, construit autour des enceintes ODISSEY a remporté un net succès d’estime. Ces colonnes trois voies à base de HP Monacor prétendent, selon leur concepteur, approcher le son des excellents monitors JBL.
Alimentées par l’ l’ampli Piccolo PSE d’EL84 (2x7 watts en classe A) en alternance avec l’ampli SE de triodes 813 (C 3m en driver, 2x35 watts RMS, dénommé «Trans impedance» amplifier pour son circuit original de contre-réaction), elles offraient selon les configurations une bonne précision sans excès dans la restitution des détails, un grave sec, un rendu non dénué de chaleur mais de caractère montant, avec notamment un médium-aigu pouvant devenir agressif à niveau élevé. Un tel système conçu pour être à la portée de toutes les bourses ne peut prétendre à des superlatifs, notamment en terme de neutralité, mais ne révèle pas non plus de défauts rédhibitoires si on l’utilise dans une plage de niveau raisonnable. Le système «anti-frime» par excellence, remarquait un participant.

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Là encore, les mesures concluent sur l’excellente qualité des HP (pas de fractionnement et bon amortissement) mais révèlent de probables approximations de filtrage et d’alignement temporel.

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Conformément à son habitude, le système le plus provocateur était présenté par Dan Bellity (rappelons qu’il avait écrasé la concurrence lors de la manifestation de Rosny 2005 avec un grand système multi-voies mais avait perdu son titre à Athis 2007 avec un système minimaliste).
Première provocation, un ordinateur Apple, iTunes et une borne ZardoZ (Airport Express avec alimentation silencieuse) comme source exclusive, histoire de faire piailler les intégristes audiophiles qui défaillent à la seule vue d’un écran dans la pièce. L’idée directrice est de transmettre des données intègres et conformes au master de gravure originel, la conversion numérique/analogique se faisant comme à la sortie d’une console professionnelle de gravure, et ce sans liaison physique entre l’ordinateur et l’installation Haute Fidélité.
L’amplification était confiée à deux amplificateurs mono 300B construits sur la base d’un schéma Western Electric, WE 91A, avec tubes d’origine 310A/300B et transformateurs Hashimoto. Ce montage
(nommé ZardoZ Max007) délivre environ 6 watts parfaitement adapté aux enceintes large bande à haut rendement (la réalisation a bénéficié des précieux conseils de Marcel Roggero, audiophile bien connu pour ses connaissances encyclopédiques en matière de tubes). Le préampli utilisé était un Luxman CL32, à tubes également.
La paire d’enceintes Lowther Fidelio Replica constituait la pièce maîtresse du dispositif. De construction complexe - double charge arrière, pavillon replié associé à une charge accordée – ces enceintes nécessitent une ébénisterie très précise pour étendre dans le grave la bande passante du Bicône Lowther PM2.
Le but visé fut atteint, la communauté audiophile se divisant rapidement en admirateurs - de l’image à haute résolution et de la finesse des timbres - et détracteurs qui regrettaient le manque d’assise et de matière, d’extension dans l’aigu. Les appréciations négatives s’appuyaient sur l’écoute de morceaux manifestement hors contexte, Big Band, piano romantique, musique symphonique. Les autres faisaient remarquer la finesse de la restitution et la résolution, ainsi que le naturel de certaines voix. Un chœur a capella de Gesualdo (Ensemble La Venexiana) passait ici de façon très satisfaisante après avoir mis à mal tous les autres systèmes.
Un système «élégant» et de parti pris, qui réussit toutefois à prendre la troisième place au classement aux points.

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Les mesures de J-M. Lecleac’h montrèrent toute la spécificité de la solution proposée : l'attaque à toutes les fréquences est plutôt franche avec un décalage temporel dû au bicône, une réponse montante (15 dB) entre 350 Hz et 2500 Hz et en nette décroissance (de plus de 30 dB) à partir de 9500 Hz. En ce qui concerne l'amortissement de la réponse impulsionnelle, on note quelques trainées correspondant à des résonances (500 Hz; 2100 Hz; 4,8 kHz et 9 kHz). Une courbe plutôt tourmentée qu’il conviendrait d’égaliser.

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Et voilà la fin du récit. Le chemin de croix des verts. Je raconterai ça à mes petits enfants, la larme à l'oeil, en disant : "j'y étais".
Le dernier concurrent était le tenant du titre ; l’équipe du forum vert, emmenée par Jérôme Bertino, forte de sa victoire en 2007 avec les minuscules LS3/5 dopées par une électronique très aboutie, avait décidé de montrer ses muscles en passant aux LS5/9.
Les adeptes de l’Ecole anglaise au son chaud trouvent dans cette célèbre enceinte de monitoring une rigueur bien venue et un coffre suffisant pour offrir une scène plus ample. Le grave se devant d’être bien tenu sans sacrifier les timbres, le triple push-pull d’un amplificateur Beard P35 paraissait un bon compromis.
Pour la source, considérée ici comme essentielle à une démonstration de musicalité, l’équipe avait fait appel à son préparateur favori, Bruno Gasik : une platine Sony PSX-9 à entraînement direct équipée initialement d’une Ortofon Kontrapunkt A puis d’une ZYX rs-100 Fuji avec un prépré Hiraga 2 (réalisation personnelle à base de transistors mat03 et de condensateurs Mundorf silver oil), et un préphono Steve Bench Little Sis (autre réalisation personnelle).
Aux amateurs de CD était proposé un Lector CDP7, lecteur de facture italienne avec alimentation séparée, au caractère réputé plus analogique et distingué en son temps par la revue américaine Asolute Sound.
La mise en route du système fut catastrophique. Bouillie sonore et toniques désagréables accueillirent les auditeurs du matin. La pièce fut bien sûr vouée aux gémonies et le système entièrement réinstallé. L’amélioration fut réelle mais subtile. Le mythe du vintage «c’était mieux avant» subissait un rude coup. Malgré un programme musical et des disques vinyles de premier ordre, rien n’y faisait. Starker ne maîtrisait plus sa contrebasse - pardon son violoncelle - Brendel avait la main gauche lourde et la main droite agressive dans les sonates de Schubert, pourtant un de ses territoires de prédilection.
Côté CD, la situation tournait à la débâcle : les sopranos des Venexiana étaient totalement masquées par des basses aux accents russes. Les timbres boisés et luxuriants tant espérés dégénéraient en boursouflure sonore. Seule subsistaient une certaine articulation, une fluidité du message musical pourtant inintelligible. Le soleil d’Austerlitz était éclipsé par le brouillard de la Bérézina.

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En fin de journée, le désespoir conduit les plus tenaces à substituer un simple Hafler (à transistors !) au Beard ; un grave enfin mieux tenu fit passer ce pis-aller pour une résurrection. Certains se rappelèrent que les triple PP n’avaient pas bonne réputation, les plus convaincus parlaient de manque de rigueur, de registre extrême aigu limité, de lisibilité et de relief peu marqués. D’autres avançaient l’idée d’une panne de matériel.
Les concurrents avaient le sourire en coin.

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Sur les trois années écoulées, trois sessions du défi des forums, trois vainqueurs différents.

La Haute-Fidélité est vivante.

Texte de Jean Michel PENALVA



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