Skip to main content
PUBLICITÉ

Reportage : Presqu’île de Crozon - Festival Quatuor à l’Ouest - première journée

Jeudi 9 mai

Une heureuse initiative est née dans la presqu’île de Crozon, celle d’organiser durant le grand pont de l’Ascension un festival et une académie de quatuors à cordes. C’était, cette année, la troisième édition. Sept concerts de musique en quatuor à cordes, dans sept lieux exceptionnels de cette presqu’île en forme de langue que la carte de Bretagne tire à l’Atlantique entre la rade de Douarnenez et celle de Brest. « Qu’elle est belle, ma Bretagne quand il pleut » chantait Jean-Michel Caradec. Je peux vous dire qu’elle est magnifique aussi quand il fait beau. Et comme il a fait soleil (ou presque, la pluie ayant l’amabilité de tomber pendant la nuit) pendant ces quatre jours, ce fut un enchantement.

LA SUITE APRÈS LA PUB

crozon-1-photo-1-argol

crozon-1-photo-2-Argol

Le jeudi 9 mai, le premier concert était donné dans l’église d’Argol, par le quatuor Ruggieri, du nom du célèbre luthier italien Francesco Ruggieri (1630–1698) contemporain de Stradivarius et non à cause de Mme Eve, que nous saluons en passant. L’église d’Argol, au centre de l’enclos paroissial, date du seizième siècle et dispose d’une excellente acoustique. Le quatuor Ruggieri, Gilone Gaubert-Jacques et Charlotte Grattard aux violons, Delphine Grimbert à l’alto et Emmanuel Jacques au violoncelle, nous donne à entendre tout d’abord l’adagio et fugue K546 de Mozart, pièce à l’origine pour deux pianos mais que Mozart a transcrite lui-même pour quatuor à cordes, puis le quatuor K465, toujours de Mozart, bien sûr et écrit sensiblement la même année (1785). Ils jouent sur des instruments avec des cordes en boyaux de mouton et des archets en copie d’ancien. Ils changeront d’ailleurs d’archet pour la seconde partie du concert pour rester dans la vérité historique des compositions. L’interprétation de Mozart que le quatuor Ruggieri en donne est fort subtile et montre bien à quel point il était en avance sur son temps et surprenait son public par des audaces très Sturm und Drang. L’écoute de ces deux morceaux, interprétés de cette façon, le range de manière indéniable dans les préromantiques, notamment dans l’amorce de ces deux pièces. Le quatuor K465, d’ailleurs, n’a-t-il pas pour sobriquet celui de quatuor Les Dissonances ?

La seconde partie du concert est consacrée à un compositeur français assez méconnu, George Onslow (1784-1853), qui a maintenu la musique de chambre à une époque où l’on ne jurait plus que par l’opéra comique. Le quatuor Ruggieri nous présente son quatuor n°3 en mi bémol, opus 21, en quatre mouvements fort différents les uns des autres, dont un superbe larghetto avec sourdines et un finale allegro scherzo presque allegretto particulièrement séduisant. Le public est enthousiaste et le quatuor Ruggieri lui offre en bis un délicieux scherzo de Théodore Gouvy (1819-1898), ce qui montre combien il est utile d’aller fouiller dans les bibliothèques pour y découvrir de petits trésors.

Au total un concert fait pour surprendre, avec un Mozart inhabituel, un compositeur méconnu et en bis un autre ignoré, le tout fort bien interprété par un quatuor qui a beaucoup de sensibilité.

LA SUITE APRÈS LA PUB

crozon-1-photo-3-Ruggieri

Le second concert de la journée se passera au cinéma Rex de Crozon, avec la projection du film muet Safety Last (Monte là-dessus) avec Harold Lloyd. C’est le quatuor Voce qui est à l’œuvre, juste sous l’écran, avec le pianiste Maxime Hochart. On connait ce film burlesque de 1923, dans lequel le pauvre Harold se retrouve malgré lui en train de grimper à mains nues la façade d’un gratte-ciel et frôle mille fois la mort. La scène où il est cramponné à une horloge déglinguée est dans toutes les mémoires. Ce film, qui n’est pas exempt de critiques justifiées (antisémitisme gratuit, misogynie délirante) captive l’attention des spectateurs, même de ceux qui l’ont déjà vu, à un  tel point que cela nuit sans doute à la musique, car on n’y a pas la même qualité d’écoute, comme si l’image phagocytait toute l’attention. Le quatuor Voce  (Sarah Dayan et Cécile Roubin aux violons, Guillaume Becker à l’alto et Florian Frère au violoncelle) et le pianiste Maxime Hochard ont cependant choisi un beau programme mêlant des auteurs classiques comme Dvorak et Haydn, à de plus contemporains comme Ligeti ou Escaich, voire à des compositeurs de ragtimes (Scott Joplin, Thomas Henry Lodge) ou de valses viennoises comme Waldteufel (la valse des patineurs). Ils le jouent d’ailleurs fort bien, mais je crains que les spectateurs n’aient été « trop » captivés par les malheurs d’Harold Lloyd pour s’être aperçus de la qualité des musiques. Qu’importe, la soirée a été excellente et le cinéma muet ainsi « sonorisé » est sans doute une méthode pour faire entendre, à défaut d’écouter, de la musique classique jouée par de vrais interprètes et non par des machines ou des disques. Un retour à ce qu’est, en vérité, la musique : un spectacle vivant.

www.quatuoralouest.org

crozon-1-photo-4voce

LA SUITE APRÈS LA PUB


Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


PUBLICITÉ