CD : Vertigo, de Jean Rondeau, clavecin
Jean Philippe Rameau, Pancrace Royer
ERATO (Warner Classics)
Durée du CD : 72’ 23’’
Notation : 
(5/5)
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Considéré avant tout comme le compositeur de grandes tragédies lyriques comme Castor et Pollux, Hippolyte et Aricie (vraisemblablement composées vers 1737) ou Dardanus (vers 1739), Jean Philippe Rameau est aussi l’auteur d’un fameux traité d’harmonie...
Dans le domaine instrumental, il va produire son troisième livre de pièces pour clavecin contenant, tout comme son deuxième livre des pièces, de la plus haute originalité. Ce n’est pourtant pas avec le deuxième livre, ni le troisième livre de pièces pour le clavecin, que Jean Rondeau débute ce CD. En effet, il va extraire du Premier livre de pièces pour le clavecin (1706) de Jean Philippe Rameau un Prélude plutôt grave et dénué d’exubérance, déroulant un flot d’images sonores empreintes d’une certaine tristesse.
C’est avec une Allemande provenant des Pièces de concert, 1er livre(1746) de Pancrace Royer (1705-1755) que s’inscrit la deuxième œuvre pour clavecin de ce CD. Pancrace Royer fut un des directeurs du très célèbre Concert-Spirituel et se fit connaître dans le monde de l’opéra grâce à sa tragédie lyrique Pyrrhus (1730). Mais dans le domaine de l’opéra-ballet, il donna également Zaïde qui lui assura une notoriété certaine. C’est seulement en 1746 que Pancrace Royer se décide à publier ce Premier Livre de pièces pour le clavecin. Cette Allemande de
Pancrace Royer, bien que parée d’une certaine solennité est aussi parfois traversée d’images sonores au caractère flamboyant.
C’est à présent aux « Pièces de clavecin avec une méthode pour la mécanique des doigts » composées entre 1724 et 1731 par Jean-Philippe Rameau de faire leur apparition dans ce CD. Les Tendres Plaintes (Rondeau) qui constitue une des pièces de cette Suite en ré, surprend par son caractère mystérieux, s’abîmant dans une mélancolie profonde. La deuxième pièce : Les Niais de Sologne-Double des Niais-Autre Double affiche une joie sans mélange, semblant entraîner dans une sorte de tourbillon grisant une foule bigarrée de joyeux convives. L’Entretien des Muses, qui est la dernière des pièces provenant de la Suite en ré, hésite entre nostalgie et tristesse sans jamais y sombrer réellement.
Retour à Pancrace Royer avec Cinq pièces de clavecin provenant de son Premier Livre datant de 1746. Les Matelots, qui débute ces cinq pièces, intrigue par ses fréquents changements rythmiques. La deuxième pièce, nommée Tambourins, semble saisie de folie, entraînant dans une ronde infernale ceux qui commettraient l’imprudence de l’écouter… La troisième pièce Le Vertigo, qui donne son titre à ce CD, est d’une nature plus énigmatique n’hésitant pas à déclencher des orages violents et inattendus. La Zaïde se décide à ramener un calme éphémère après la tempête de la pièce précédente (Le Vertigo). La Marche des Scythes, qui constitue la cinquième pièce, est d’un caractère plus rude et multiplie les changements de rythmes exigeant de l’interprète une virtuosité à toute épreuve.
Jean-Philippe Rameau s’invite à nouveau dans ce CD avec une Sarabande provenant de sa Suite en la - Nouvelles Suites de Pièces en Clavecin de 1728. Très mélancolique, cette Sarabande sera suivie d’une Musette en rondeau tout aussi nimbée d’une tristesse indicible et tenace. Le Tambourin, pièce provenant de la Suite en mi - Pièces de clavessin avec une méthode pour la méchanique des doigts (1724-1731), met un terme à la mélancolie affichée des deux pièces précédentes et laisse ainsi place à des Menuets d’une nature nettement plus joyeuse. Les Sauvages, pièce provenant de la Suite en sol - Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin (1728) nous transporte par sa volubilité, ses rythmes imprévisibles et entraînants. C’est Pancrace Royer qui met fin à ce CD avec L’Aimable issue de ses Pièces de clavecin. Une pièce de clavecin élégante, d’un suprême raffinement qui pourtant ne renonce pas totalement à une certaine tristesse diffuse. Jean Rondeau, qui nous avait déjà prodigué un superbe album en janvier 2015 (Bach-Imagine) franchit ici avec ce CD consacré à Rameau-Royer de nouveaux sommets, usant pour parvenir à ses fins d’une folle virtuosité parfaitement dominée mais sachant aussi nous émouvoir dans les pièces inclinant vers la mélancolie et la tristesse. Une réussite spectaculaire qui pourrait presque prétendre faire oublier son premier CD pourtant fort réussi.
Michel Jakubowicz
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