CD : Benjamin Godard, Mélodies
Benjamin Godard, Mélodies
Tassis Christoyannis, baryton ; Jeff Cohen, piano
Aparté (Harmonia Mundi)
Durée : 72’
Notation : 
(5/5)
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La précocité surprenante de Benjamin Godard, auteur déjà de deux Symphonies et d’un Quatuor à cordes alors qu’il n’est âgé que de quinze ans, est à rapprocher de celle de Georges Bizet qui, à dix-sept-ans, était lui aussi auteur d’une remarquable Symphonie…
Sa dernière Symphonie (Légendaire) sera composée en 1886, mais Benjamin Godard laisse aussi deux autres Quatuors à cordes, quatre Sonates pour violon et piano, deux Trios, deux Concertos pour violon et orchestre ainsi que deux Concertos pour piano et orchestre. Il se passionne également pour le répertoire lyrique puisqu’il nous laisse dans ce domaine pas moins de six opéras dont Jocelyn (1888) et Le Tasse. Le présent CD aborde un genre dans lequel Benjamin Godard excelle : la mélodie par laquelle celui-ci met en musique la poésie d’Emile Souvestre, Théophile Gautier et Victor Hugo. Les premières mélodies figurant dans la première partie de ce CD (« Te souviens-tu ? », « Le Banc de pierre », « Je ne veux pas d’autres choses », « Dieu qui sourit et qui donne » et « Jacotte ») surprennent par leur éloquence triste, presque languissante et annoncent un peu parfois celles d’un Gabriel Fauré. Changement radical d’atmosphère avec les Six Fables de La Fontaine. Benjamin Godard y déploie un savoir-faire et un humour étonnants débutant ce cycle avec « La Laitière et le Pot au lait », débordant d’imagination et d’agilité vocale. La seconde de ces fables de La Fontaine (« La Cigale et la Fourmi ») fournit à Benjamin Godard l’occasion d’exprimer un humour cinglant et caustique dont la pauvre Cigale est forcément la victime. « Le Corbeau et le Renard », qui constitue la troisième des fables de La Fontaine mise en musique, inspire particulièrement le compositeur, qui en outre va produire par l’intermédiaire du piano des sonorités de cor symbolisant le cadre forestier dans lequel se déroule ce terrible duel duquel sort vainqueur le rusé renard. La dernière Fable de La Fontaine « Le Rat de ville et le Rat des champs » inspire particulièrement Benjamin Godard déchaînant son ironie mordante. La mélodie « L’invitation au voyage » sur un poème de Charles Baudelaire qui suit ce cycle de Fables de La Fontaine, révèle l’authentique sensibilité de l’auteur qui met en musique ici ce qu’Henri Duparc composa en 1870, soit une vingtaine d’années plus tôt. Les Nouvelles Chansons du vieux temps permettent à Benjamin Godard de rendre hommage aux siècles passés comme dans ce Menuet, à la fois gracieux et empreint d’une préciosité recherchée. Vaudeville qui constitue l’avant-dernière mélodie de ces Nouvelles Chansons du vieux temps, se tourne aussi vers un passé révolu par lequel le compositeur semble irrésistiblement attiré. « J’ai perdu ma tourterelle », qui clôt cet ensemble s’abîme dans la tristesse et le regret. Contrastant fortement avec « J’ai perdu ma tourterelle », « Printemps » amène son ivresse légère, tourbillonnante et joyeuse. « Message », qui met fin à cet ensemble de cinq mélodies séduit par son expressivité et son lyrisme charmeur. Un CD qui a le mérite certain de nous révéler un compositeur presque totalement oublié, marginalisé certainement par d’autres tels que Franck, Gounod, Fauré, Saint-Saëns et qu’il faudra absolument redécouvrir également dans le domaine de la Symphonie, du Concerto, de l’opéra et de la musique de chambre. Le répertoire abordé ici, la mélodie, est parfaitement défendu par le baryton Tassis Christoyannis, qui est réclamé sur toutes les grandes scènes lyriques (Paris, Berlin, Vienne, Londres et New York). Quant au pianiste américain Jeff Cohen, partenaire d’artistes lyriques tels que June Anderson, Sumi Jo, François Le Roux, Véronique Gens et Roberto Alagna, il est lui aussi un artiste particulièrement recherché dans ce domaines si particulier.
Texte de Michel Jakubowicz
CD disponible sur Amazon
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