CD : Franz Schubert par Denis Pascal
Denis Pascal, piano
Sonate No 23 en si bémol majeur D.960
Sonate No16 en la mineur D.784, op. posthume 143
1 CD la Musica ( distribution :Harmonia Mundi)
Durée du CD : 65’04
Notation : (4/5)
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Il semble que la disparition de Beethoven, le 26 mars 1827 libère d’une certaine façon Franz Schubert qui bien que disparaissant à son tour l’année suivante en 1828, produit une impressionnante quantité de chefs-d’œuvre dont les trois dernières Sonates pour piano et donc la présente Sonate No23 en si bémol majeur D.960 enregistrée par Denis Pascal.
Mais il serait vain de limiter la production ultime de Schubert au seul domaine du piano, car c’est aussi en 1828 qu’il compose sa dernière grande œuvre symphonique : l’extraordinaire et visionnaire Symphonie No9 « La Grande ». A cet incroyable palmarès musical il faut également ajouter une de ses plus belles réalisations dans le domaine de la musique de chambre : son Quintette à deux violoncelles D.956 qui égale en passion, la puissance de ses deux derniers Quatuors à cordes (No14 et No15). La Sonate No23 de Schubert débute par un immense Molto moderato où le compositeur nous entraîne dans de mystérieuses contrées lunaires. Schubert dans ce premier mouvement, semble vouloir rompre tout lien avec la réalité dans sa totalité. Le deuxième mouvement (Andante sostenuto) exprime une douleur déchirante et semble se dérouler sous un ciel où la seule lumière proviendrait d’étoiles lointaines. Le bref Scherzo qui suit représente presque après ce douloureux Andante une sorte d’accalmie très relative, mais le côté insouciant et joyeux de Schubert tente ici de reprendre le dessus sur sa maladive et obsessionnelle tendance à la souffrance et au désespoir. Avec le dernier mouvement (Allegro, ma non troppo) Schubert parvient à faire coexister deux éléments totalement inconciliables : la vie et la mort dans un tourbillon musical étourdissant qu’il maîtrise jusqu’au vertige. La seconde Sonate pour piano inscrite sur ce CD est la Sonate No16 en la mineur D.784, op. posthume143. L’œuvre date de février 1823 et débute par un Allegro giusto prenant l’allure d’une marche lugubre, traversée d’éclairs chargés de violence. L’andante qui suit cette marche aux accents presque dramatiques relève lui aussi de l’immersion dans un monde magique niant tout rapport avec toute réalité contraignante. Le dernier mouvement, un Allegro vivace soulève de frénétiques tempêtes, accusant chez Schubert un renoncement à toute consolation, élément qui de manière évidente semble lui être résolument refusé sur cette terre. L’œuvre s’achève sur un accord d’une violence extrême qui semble anticiper de sombres perspectives. Ce programme entièrement dévolu à Schubert était défendu par Denis Pascal qui deviendra l’un des disciples d’un grand pianiste hongrois, Gyiörgy Sebök (1922-1999).Les deux Sonates de Schubert interprétées ici par Denis Pascal, piano révèlent un pianiste doté d’une grandes sensibilité, apte à s’investir dans le mystère de la création schubertienne mélange d’intuition et d’un incroyable flux de créativité musicale. Sans forcément détrôner les grands interprètes de la musique pour piano de Schubert (Brendel, Schnabel, Richter,Lupu, Kraus,Haskil, Badura-Skoda), Denis Pascal, par son jeu dénué de tout aspect outrageusement démonstratif, s’impose au contraire par sa simplicité et par une volonté évidente, d’aller à l’essentiel dans la pensée schubertienne , rendant ainsi son interprétation de ces deux Sonates indispensable et bienvenue.
Texte de Michel Jakubowicz
Disponible en CD et téléchargement sur Amazon
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