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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Anne Sofie von Otter, "Barock is Pop !" concert du 11 décembre à la Salle Gaveau (Paris)

barock is pop credit Mats Backer

Œuvres  vocales de Henry Purcell, John Dowland, Michel Lambert, Gabriel Bataille, Arvo Pärt, Björk, Sting, Paul Simon
Pièces instrumentales de Dowland, François Couperin, Marin Marais, Jean-Philippe Rameau, Antoine Forqueray
Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano, Jean Rondeau, clavecin, Thomas Dunford, archiluth
Concert Salle Gaveau, Paris, 11 décembre 2017

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Dans le cadre feutré de Gaveau, Anne Sofie von Otter avait choisi de revenir à ses premières amours, la musique baroque, et de montrer combien son lointain successeur, la pop music, n'en est sans doute que l'aboutissement modernisé. Elle faisait équipe avec deux des talents les plus prometteurs de leur génération, le claveciniste Jean Rondeau et l'archiluthiste Thomas Dunford. Les jeunes français entourant la célèbre suédoise, autant dire une soirée au plus haut niveau, pas comme les autres, associant l'anglais, le français, une pointe d'italien, et réservant quelques surprises...

« Music for a while » de Henry Purcell, qui ouvre le programme, en donne le ton : confident, sans apprêt ni vains effets. Oui, ce sera de ''la musique pendant un instant''. Une poignée d'instants plutôt, où le temps s'arrête. Le grand musicien anglais sera célébré encore par une pièce appartenant au genre traditionnel des « Mad songs », ces chansons de femme sombrant dans la folie par amour, et encore par le « Cantique du soir », où la voix, accompagnée de l'orgue positif et de l'archiluth, tresse  un mélancolique  hymne vespéral que clôt un Alleluia extatique. Anne Sofie von Otter aborde ensuite le répertoire français avec autant d'à propos, que ce soit en empruntant à Michel Lambert (1610-1696) une ironique « Bergère tendre et fidèle », à laquelle fait écho en miroir une « Bergère non légère » de Gabriel Bataille (1575-1630), d'une poétique un brin coquine. Le propos est naturel, sans fard et conquiert vite l'auditoire d'autant que l'écrin est rien moins que somptueux : l'archiluth éthéré de Dunford complémente délicatement le clavecin tout en dentelle de Rondeau. Les deux auront émaillé ces divers morceaux de pièces savantes : une gaillarde de Dowland, dite ''du roi du Danemark'', où les deux instruments s'unissent dans une belle faconde. Et dans une adaptation originale des fameuses « Barricades mistérieuses » de Couperin, ou encore pour évoquer « Les Sauvages », extrait des Nouvelles suites de pièces de clavecin (1728) de Rameau, qu'il recyclera dans son opéra-ballet Les Indes Galantes, achevant d'en faire le tube que l'on sait. L'archiluth de Dunford aura tenu la vedette dans « Les Voix humaines » de Marin Marais, exhalant par des pianissimos évanescents comme un murmure de l'âme, ou encore dans ces « Lachrimae » de Dowland, des larmes qui tiennent en haleine malgré la gravité presque funèbre du propos.

Entamée par des pièces de Forqueray jouées par Jean Rondeau, dont « La Sylva », belle élégie triste, et « Jupiter », aux ornements ébouriffants au fil d'une sorte de vive rengaine de la plus haute virtuosité, la seconde partie nous fait franchir 250 ans en un clin d'œil. Pour aborder une singulière composition de l'estonien Arvo Pärt (*1935) et nous faire toucher du doigt combien un musicien actuel, impressionné par le baroque, peut l'assimiler dans son propre style. « My Heart's in the Highlands », écrit en 2000, d'après un poème de Robert Burns de 1789, installe un climat nostalgique et resserré qui parait étonnamment proche de ces ancêtres : le mode de la répétition inlassable des mêmes notes, ici à l'orgue, sur un ''ground'' ou basse obstinée, dégage un sentiment de tristesse résignée. S'en suit un bouquet de morceaux appartenant au genre de la musique populaire, cette musique pop qui, souligne von Otter, utilise les mêmes séquences et peut-être les mêmes affects. D'abord une pièce écrite pour elle par Björk, dont la séduction tient pour beaucoup ici à son accompagnement ciselé au clavecin. Puis un song de Sting, chanté mezza voce, avec l'appui discret du luth. Une autre de Paul Simon, immanquable en pareille circonstance. Partout, la symbiose des deux instruments apporte au chant des nuances d'une troublante tendresse. On entendra encore une ''autre chanson'', d'un certain Claudio Monteverdi, « Si dolce tormento », pour là encore constater que la frontière est décidément bien ténue entre époques et genres musicaux. La salle s'échauffe et découvre une surprise, concoctée le jour même, nous dit-on : une ''vieille ballade française'' à la cour de louis XIV... ou d'un de ses successeurs, on s'y perd : le vieux français cède subrepticement la place à « nous avons tous Quelque chose de Tennessee »...!!! La boucle est bouclée, avec humour et à propos. On se dit au revoir en unissant les trois voix de la cantatrice et de ses acolytes, promus un instant chanteurs.

Texte de Jean-Pierre Robert    

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