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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Le piano du jeune Debussy

debussy piano hortus

Claude Debussy : Suite Bergamasque, Pour le piano, Estampes. Rêverie, Danse, Ballade, Valse Romantique, Mazurka, D'un cahier d'esquisses, Masques.
Matteo Fossi, piano
1CD Hortus  : Hortus 152 (Distribution : UVM)
Durée du CD : 82'18
Note technique : 5/5

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Année Debussy oblige, voici un disque généreux et original puisqu'il focalise sur des compositions pour le piano des années 1890 à 1904. Là où on « trouve les germes de tout ce qui vient après », relève Matteo Fossi, son interprète. Et c'est une mine pour qui veut appréhender le piano debussyste. Trois cycles y côtoient plusieurs pièces isolées, certes peu jouées, mais qui valent qu'on s'y arrête. Autre intérêt du CD : le choix d'un instrument Fazioli, à la sonorité bien différente de l'habituel Steinway, permettant de savourer la précision de l'écriture. Car « chez Debussy on trouve toutes les tournures, toutes les articulations et dynamiques concevables pour le piano ».

Premier cycle, la Suite Bergamasque est héritée de la suite baroque et on est ici dans la lignée de Rameau et de Couperin. On admire chez Matteo Fossi la clarté des lignes (« Menuet »), la netteté du jeu (un « Passepied » bien détaché) et une poétique qui ne sollicite aucun discours évanescent mais se veut finement construite (« Clair de lune »). Pour le piano constitue le premier triptyque pianistique de Debussy, où la dette envers le baroque est encore évidente. Le « Prélude » est ici comme une improvisation contrôlée, à travers des gammes liquides ou des accords majestueux. « Sarabande » compose un intermède nanti de cette pointe de nostalgie si debussyste sans que la netteté du propos ne soit obscurcie. Dans « Toccata », l'écriture linéaire est magistralement respectée. L'autre triptyque, Estampes (1903), offre trois croquis imaginaires chez un amoureux de peinture, de celle de Turner en particulier. Dans « Pagodes », qui évoque plus le gamélan indonésien qu'un paysage chinois, le jeu structuré de Fossi fait merveille. De « la Soirée dans Grenade », à propos de laquelle Manuel de Falla parle de « la liberté sans l'authenticité », il créé l'atmosphère hypnotique, envoûtante, d'une Andalousie rêvée, là encore par une manière bien tracée qui n'use pas trop de pédale. L'immédiateté du son achève de sortir ce morceau du halo vaporeux dont il est souvent affublé. « Jardins sous la pluie » fantasme quelque Orient imaginé, l'entremêlant de la comptine « Nous n'irons plus au bois ». Là aussi la manière de Matteo Fossi procède du contour dessiné plus que de l'impression.

L'originalité du CD réside dans un florilège de pièces isolées. Où l'on perçoit « déjà le mystère ombré de mélancolie des chefs d'œuvre à venir », note le pianiste. Que ce soit dans les morceaux composés dans les années 1890/1891 (les belles tournures mélodiques de Rêverie, Danse annonçant les Préludes, Ballade, vaste morceau se signalant déjà par sa fluidité et sa veine mystérieuse, Valse Romantique et Mazurka qui renouvellent les modèles chopiniens en retravaillant les rythmes) ou ceux datant des années 1903 et 1904 : D'un cahier d'esquisses, contemporain de la composition de La Mer, parait bien être celles de cette fresque orchestrale – Fossi en fait une rêverie éveillée - ; Masques se signale par ses motifs obsessionnels tourbillonnants traduisant quelque orage, que l'épisode central apaise à peine. Matteo Fossi joue ces pièces délectables avec une tendresse toute particulière.

L'instrument est saisi de près, favorisant quelque peu le grave. Une approche confidente, loin du galbe plus résonnant de l'estrade de concert.

Texte de Jean-Pierre Robert

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