CD : Dorilla in Tempe, opéra de Vivaldi
Antonio Vivaldi : Dorilla in Tempe. Mélodrame héroïco-pastoral en trois actes, RV 709. Livret de Antonio Maria Lucchini. Romina Basso, Serena Malfi, Lucia Cirillo, Marina de Liso, Sonia Prina, Christian Senn. Coro della Radiotelevisione svizzera. I Barocchisti, dir. Diego Fasolis
2 CDs Naïve : OP 30560 (Distribution : Believe Digital)
Durée des CD : 76'40+64'50
Note technique : (5/5)
La prestigieuse Édition Vivaldi de Naïve renait avec un 55 ème volume et un opéra méconnu : Dorilla in Tempe. Créé en 1726 à Venise, plusieurs fois remanié jusqu'en 1734, ce ''melodramma eroico-pastorale'' appartient au genre du ''pasticcio'', c'est à dire une œuvre composite dans laquelle l'auteur emprunte à plusieurs de ses confrères, comme il était d'usage à l'époque. L'interprétation, confiée à Diego Fasolis et à une pléiade de chanteurs rompus au style vivaldien, offre bien des atouts et rappelle qu'en ce domaine de l'opéra, Vivaldi était passé maître.
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A la différence de plusieurs des autres opus opératiques du Prêtre roux, Dorilla in Tempe ne donne pas dans la grande tragédie. L'atmosphère y est plutôt pastorale : la fin de l'Ouverture et le premier chœur reprennent un des thèmes du concerto « Le Printemps » des Quatro staggioni ! Mais elle est aussi héroïque de par l'intrigue : Fille du roi de Théssalie, Dorilla est amoureuse du berger Elmiro. Nomio – qui n'est autre qu'Apollon déguisé en berger - prétend aussi au cœur de la belle. Pour ce faire, il vaincra le monstre Python que l'oracle avait décidé de mettre sur le chemin de Dorilla, tout comme Andromède est secourue par Persée. Malgré moult manigances et chassés croisé amoureux, Nomio/Appolon renonce à son entreprise et unit les deux époux. Pour illustrer ces péripéties sur fond de réjouissances populaires, Vivaldi a écrit une musique lumineuse, avenante et toujours renouvelée, où l'on détecte des traits originaux, comme l'usage des cors. Et entrelarde sa partition d'airs empruntés à d'autres musiciens célèbres, en particulier napolitains pour sacrifier à la mode, comme Johann Adolf Hasse et Leonardo Leo, mais pas seulement puisqu'on y trouve les noms de Geminiano Giacomelli et de Domenico Sarri. Outre la présence significative des chœurs, et même d'un court ballet, l'opéra est bien sûr centré sur une succession de récitatifs et d'arias da capo plus ornées les unes que les autres. Même si on note une relative économie de moyens (par exemple, l'approche du monstre marin et sa ruine reste peu soulignée), l'impact dramatique ne faiblit pas. L'écriture vocale est somptueuse qui privilégie plus l'expressivité que la pure virtuosité, le recours à la colorature ne l'étant qu'avec retenue.
Enregistrée autour d'une exécution de concert à l'Opéra de Lausanne en mai 2014, l'œuvre possède un sens dramatique réel. C'est que Diego Fasolis connait son Vivaldi et confère à l'ensemble I Barocchisti un élan qui ne se dément jamais et une italianitá certaine. Sa direction respire la vie même et les tempos rapides sont jubilatoires, ne versant pas dans la gesticulation ou la mécanique forcenée comme souvent chez ceux qui croient que Vivaldi est synonyme d'hyper vitalité. Ainsi plus d'une page est pacifiée de la meilleure veine. Une franche réussite. Qui porte les chanteurs à se surpasser. La distribution est, à l'exception du rôle du roi, entièrement féminine, et confiée à des voix graves, avec tout un subtil nuancier. La tessiture la plus profonde est celle de Sonia Prina dans le rôle d'Eudamia, écrit pour la fameuse Anna Girò, la muse de Vivaldi. De son sonnant contralto, même dans les arias rapides et enjolivées, Prina apporte une magistrale autorité à cette intrigante qui tente de faire capoter l'union des deux amants. Romina Basso confère au rôle titre une aura poétique que son timbre de mezzo grave enlumine de ferveur. Serena Malfi, mezzo-soprano quelque peu plus clair, se tire fort bien d'affaire des aspérités du rôle d'Elmiro, et cette couleur apporte une juvénilité bienvenue lors des duos avec Dorilla. Marina de Liso prête à Nomio/Apollo des accents tour à tour ardents et de grande douceur, comme de noble déclamation. Toute cette exécution est d'ailleurs caractérisée par un soin particulier apporté aux mots, rendant crédibles les situations les plus inattendues. On le trouve encore chez Lucia Cirillo dans la partie de Filindo qui se voit réserver les pages de vaillance les plus virtuoses de l'opéra. Et avec Christian Senn, le roi Admeto, qui outre un beau timbre de baryton, offre une composition tout aussi achevée.
L'enregistrement studio, effectué avec les moyens de la Radio télévision suisse italienne à Lugano, est excellent, offrant une balance voix-orchestre des plus satisfaisantes et une image sonore cohérente.
Texte de Jean-Pierre Robert
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