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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Renaud Capuçon joue l'ensemble des concertos de violon de Mozart le 29 janvier à la Philharmonie de Paris

Pintscher2015

Wolfgang Amadé Mozart : Concertos pour violon N°1 KV 207, N°2 KV 211, N°3 KV 216, N° 4 KV 218 et N° 5 KV 219
Camerata Salzburg, Renaud Capuçon violon & direction
Gregory Ahss, Konzertmeister
Philharmonie de Paris, salle de concerts - Cité de la musique, 29 janvier 2018

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C'était un peu l'atmosphère de la Semaine Mozart de Salzburg qui flottait dans la salle de la Cité de la musique en cette fin de janvier, puisque y étaient réunis la Camerata salzbourgeoise et Renaud Capuçon, un des invités vedettes de cette manifestation et de cette formation. Le concert parisien marquait l'avant dernière étape d'une tournée européenne qui les aura vus interpréter l'intégrale des concertos de violon de Mozart. Un challenge pour le violoniste français qui n'en est pas à son premier défi, et au demeurant un marathon pas si souvent osé au concert. Une rencontre au plus haut niveau.

Mozart a écrit ses concertos pour le violon sur une courte période durant l'année 1775. Il n'y reviendra plus ensuite, se consacrant désormais au piano. Selon Leopold Mozart, Wolfgang Amadé était un violoniste pas suffisamment conscient de sa valeur. En tant que Konzertmeister de l'orchestre de la résidence de Salzburg, il se devait de jouer mais aussi de composer pour le service du Prince archevêque d'alors, Hieronymus von Colloredo, surnommé par la famille Mozart ''le grand Muphti''. Ses œuvres concertantes pour le violon appartiennent au style dit galant. Encore que comme toujours chez Mozart, le qualificatif apparaisse bien réducteur car au fil des cinq opus, se dessine une évolution qui va sérieusement l'en éloigner. Il est peu de ressemblances entre le premier, proche du genre de la Sérénade, caractérisée par son ''concerto intercalaire'' pour l'instrument soliste, et le dernier empli de développements substantiels et riche d'une confondante profusion motivique. En un si court laps de temps, le compositeur aura marqué de sa propre fantaisie la structure des morceaux et multiplié les thèmes frappés au coin d'une inventivité inépuisable comme les formules rythmiques sans cesse renouvelées, en particulier dans les finales. Le monde de l'opéra, qui très tôt taraudera Mozart, marque de son empreinte ces pièces, comme les influences italienne et française, fruit de ses voyages à travers l'Europe. Le concerto de violon avec son immuable forme rigoureuse en trois mouvements, hérité des italiens laisse place à une manière toute personnelle qui voit l'orchestre sortir d'un rôle d'accompagnateur servile pour peu à peu s'affirmer tel un partenaire à part entière. Renaud Capuçon le montre à travers son interprétation.

Si le Premier concerto KV 207 ne livre pas de profondeur abyssale, à part dans son adagio médian - et parait ici comme un moment d'échauffement des forces en présence et de nécessaire mise au calme d'un auditoire bardé de tousseurs impénitents -, les choses se corsent dès le Deuxième concerto KV 211, tout de limpidité française, notamment pour ce qui est de l'ariette de l'andante central. Le Troisième concerto KV 216 marque une étape significative car l'orchestre s'affirme définitivement. L'allegro initial introduit ce côté pathétique, en fait théâtral, dans le soutien orchestral, qui distinguera nombre de pièces futures. Il est ici on ne peut plus enlevé, tout comme le finale, mené à train d'enfer, traversé de traits originaux que Capuçon rend fulgurants. L'adagio aura fait contraste, les cordes en sourdine offrant un écrin de choix à la sonorité solaire du soliste.

Le Quatrième concerto KV 218 confère à celui-ci une plus grande importance, explorant en particulier le registre aigu, hommage à la manière vivace de Luigi Boccherini. Ce que Renaud Capuçon traite avec brio dans les mouvements extrêmes. Le finale est d'une étonnante effervescence : un rondeau où le dialogue soliste-orchestre est des plus éloquents. Et où l'on se prend à deviner quelques thèmes avant-coureurs de l'opéra Così fan tutte, d'une aria de la facétieuse Despina en particulier. L'andante cantabile, Capuçon le prend de manière soutenue, et on est loin alors de la manière galante. Avec le Cinquième concerto KV 219 Mozart achève de donner ses lettres de noblesse à ce genre par une richesse d'inspiration intarissable. C'est pour tout violoniste un parangon du style classique. Depuis l'allegro aperto initial que Capuçon conçoit confortable dans sa belle ritournelle joyeuse, faisant comme une haie d'honneur au violon soliste pour une entrée proprement magique. A l'adagio, un brin nostalgique, d'une grave profondeur. Et au finale ''tempo di minuetto'' plein de surprises : l'allegro central du mouvement, cette marche des janissaires évoquant celle de L'Enlèvement au sérail, est ici vécue très heurtée et emplie d'inflexions menaçantes évocatrices de quelque étrangeté orientale. Cette ''turquerie'', tant prisée à l'époque, sonne délicieusement surannée aujourd'hui, mais combien insolite. Tout se finit par la reprise du thème dans une joie inspirée.

Cette magistrale exécution couronne un parcours sans faute. Où Renaud Capuçon aura démontré sa souveraine maitrise, son appétit de jouer, et son intelligence du texte : les cadences, semble-t-il de son cru, car Mozart n'a pas laissé ici d'indications précises, sont aussi imaginatives qu'originales, inspirées par le souci du respect de la thématique et vécues avec un vrai sens de l'improvisation, sans parler de la mise en valeur de l'entière palette de l'interprète. Plus généralement, on admire la générosité sonore et une approche réfléchie qui sait à l'occasion teinter le discours de dramatisation voire de tragique. Comme la symbiose avec l'orchestre de la Camerata Salzburg. Celui-ci connait son Mozart sur le bout des doigts et par la qualité instrumentale, des cordes en particulier, propose un écrin d'un parfait naturel, intègre et ciselé, à défaut d'ultime raffinement.

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Texte de Jean-Pierre Robert



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