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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : « Mirages » Récital Sabine Devieilhe

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« Mirages ». Airs d'opéra de Messager (Madame Chrysanthème), Debussy (Pelléas et Mélisande), Delibes (Lakmé), Stravinsky (Le Rossignol), Thomas (Hamlet), Massenet (Thaïs)
Mélodies de Delage, Debussy, Berlioz, Koechlin
Sabine Devieilhe, soprano. Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
Avec Jodie Devos, soprano, Marianne Crebassa, mezzo-soprano, Alexandre Tharaud, piano
1CD Erato : 0190295767723 (Distribution: Warner Classics)
Durée du CD : 63'34
Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

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Ce disque est un petit trésor. En ces temps où les intégrales d'opéra se font rares en CD, et ne pouvant réaliser le rêve d'enregistrer Lakmé, Sabine Devieilhe a imaginé d'en proposer trois extraits qu'elle a assorti d'airs pour soprano colorature et de mélodies. Pièces réunies dans la même thématique de l'exotisme tel qu'il prospéra en musique à la fin du XIX ème siècle. Les compositeurs sont alors fascinés par la voix de soprano léger qu'ils associent aux figures étrangères ou surhumaines proches de l'état de folie. Sur les pas de Mado Robin, de Mady Mesplé et de Natalie Dessay, Sabine Devieilhe s'affirme comme la parfaite interprète de ces pièces attachantes qu'elle transfigure par une extrême intelligence des textes.

Les trois extraits de Lakmé montrent combien Sabine Devieilhe est à l'aise dans ce rôle emblématique. L'air fétiche « Là-bas dans la forêt sombre », précédé de sa partie récitative et de sa vocalise d'entrée est pur régal : dans la première partie, le récit est plus que crédible, il est vrai. Puis dans le morceau dit ''des clochettes'', on mesure combien les vocalises acrobatiques ne sont qu'une ornementation du discours. Avec le « duo des fleurs », une des plus délicates inspirations de Delibes, la soprano et sa consœur Marianne Crebassa nous émeuvent dans cette barcarolle presque sensuelle. Comme il en est du dernier air « Tu m'as donné le plus doux rêve » que l'interprète appelle la ''Liebestod'' de l'héroïne. Dans le même registre des mélismes exotiques, comment ne pas être envoûté par la mélopée incantatoire de la Charmeuse de Thaïs de Massenet. Ou émerveillé par le chant du Rossignol de Stravinsky. A ce même répertoire appartient aussi Hamlet d'Ambroise Thomas. Dans la « chanson d'Ophélie », les reflets orientalisants de la vocalise et les inflexions de la voix sont au service de l'expressivité mélodique. Tout en contraste, La mort d'Ophélie que Berlioz avait écrite quelques années plus tôt, instille une douce nostalgie dont l'accompagnement de piano restitue la dramaturgie. La chanteuse a aussi inclus deux rôles de tessiture plus centrale du soprano : une rareté, l'air de Chrysanthème de Madame Chrysanthème de Messager (1893) qui empruntant à Pierre Lotti, met en scène une geisha japonaise – la même qui inspira à Puccini sa Madama Butterfly ; et le chant de Mélisande « Mes longs cheveux descendent » qui ouvre le III acte de Pelléas et Mélisande : d'une fascinante pureté, l'interprétation renforce l'insondable de ce caractère féminin.

Sabine Devieilhe joint à ces pages opératiques des mélodies conçues sur les mêmes thématiques. Les Quatre poèmes hindous de Maurice Delage (1912) évoquent des villes dans lesquelles le musicien a séjourné lors d'un voyage en Inde en 1911 : Madras, Lahore, Bénarès et Jeypur. Pièces qui respirent des harmonies inspirées de modes indiens, recréées par un ensemble instrumental réduit. C'est dans une Chine imaginaire et ses mirages que nous transporte la mélodie « Le Voyage » de Charles Koechlin, sur un poème de Tristan Klingsor, où « le plus beau voyage est celui fait en rêve ». Enfin, La romance d'Ariel de Debussy, mélodie de jeunesse sur un poème de Paul Bourget, annonce le chant épuré de Mélisande. 

Partout, Sabine Devieilhe est à l'aise : rien du désincarné qu'on a tendance à associer au registre de soprano colorature. Au contraire : la vie même, car le timbre est d'un grain tout sauf éthéré. Ainsi la vocalise dans l'extrême aigu n'apparait-elle pas comme une fin en soi. Lorsque la poétique nous transporte aux confins de la réalité dans un monde irréel, elle s'en fait le passeur. La diction, d'une rare élégance, sert une déclamation toujours parfaitement adaptée au texte. François-Xavier Roth prodigue un accompagnement raffiné. L'orchestre Les Siècles jouant sur instruments anciens est un indéniable avantage car le tissu sonore, libéré de toute pesanteur, laisse apparaitre de mirifiques couleurs. Ainsi du prélude du III ème acte de Pelléas et Mélisande introduisant le chant énigmatique de la jeune femme. Le piano d'Alexandre Tharaud est de la même veine, éloquent, empreint d'une fine poésie.

La qualité de la prise de son complète l'aura de ce CD : parfait équilibre voix-orchestre ou voix-piano et belle définition instrumentale dans une acoustique naturelle.

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Texte de Jean-Pierre Robert



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Sabine Devieilhe

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