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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Deux poèmes symphoniques et Huit Songs de Sibelius

CD Sibelius

Jean Sibelius : Tapiola, op. 112. En Saga, op. 9. Huit chants (orchestration de Aulis Sallinen)
Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano. Finnish Radio Symphony Orchestra, dir. Hannu Lintu.
1CD Ondine : ODE 1289-5 (Distribution : Outhere Music France)
Durée du CD : 54'58
Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

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Ce CD offre, d'une part, deux poèmes symphoniques de Sibelius, et d'autre part, plusieurs chants dans une orchestration inédite. Une belle occasion de revisiter un compositeur injustement négligé en France, magistralement interprété par des musiciens qui portent en eux cet idiome singulier, envoûtant à plus d'un titre. Une immersion aussi originale que passionnante.

A côté de ses sept symphonies, Jean Sibelius a composé plusieurs poèmes symphoniques. En Saga, op. 9, écrit en 1892 (et remanié en 1902), est plus une légende qu'un conte de fées, comme l'indique son appellation en suédois. Une légende nordique de héros et de dieux. Cette œuvre énonce déjà clairement la manière de l'auteur : des climats suggestifs envoûtants sous une apparente monotonie, grâce au procédé de répétition de petites cellules, un contenu plus psychologique que proprement descriptif, de forts contrastes dynamiques. Le poème est construit en arche, qui débuté piano, d'abord exposé aux cordes, vite relayé par les cuivres, se termine tout aussi doucement. Il y a quelque chose d'épique, paradoxalement, dans le traitement chambriste à certains moments du matériau sonore pourtant réservé à un vaste orchestre avec les cuivres par trois. Et la tonalité générale est sombre. Tous paramètres magistralement intégrés par Hannu Lintu et ses forces qui s'approprient ces pages avec une rare conviction. D'une toute autre facture, Tapiola, op. 112, achève le parcours intérieur et stylistique du compositeur finlandais, alors proche de l'abstraction. Dans sa dernière grande œuvre orchestrale (1926), la nature est encore la clé de l'inspiration, mais une nature idéalisée : la forêt nordique en apparence immobile, mystérieuse et menaçante. Un seul thème parcourt la pièce, métamorphosé en une suite de variations, le matériau se construisant et se déconstruisant de manière souvent elliptique. On y croise des climats d'une mystérieuse clarté et des tensions on ne peut plus fortes, voire fiévreuses, traversées d'éclats fulgurants. Hannu Lintu organise tout cet au-delà presque mystique des notes, ces bribes de thèmes qui s'agrègent ou s'évanouissent, où alternent un discours faussement statique et une succession de traits presque cataclysmiques, très dissonants. Il creuse les écarts de dynamique depuis des forte incandescents jusqu'à des pianissimos des cordes à la limite de l'impalpable, et magnifie le registre des vents d'un orchestre qu'on sent gagné par le vertige de cette musique. Comme peu, il rend cohérent ce qui peut paraître ne pas aller de soi, parcours à priori si éloigné d'une construction cartésienne.

Les huit chants réunis ici ne forment nullement un cycle. Leur particularité est d'avoir été orchestrés par le compositeur finlandais Aulis Sallinen (*1935) à la demande de l'orchestre de la Radio finlandais et de son chef et à l'intention de Anne Sofie von Otter qui les créa en décembre 2015, à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance de Sibelius. Celui-ci a composé plus d'une centaine de mélodies isolées, rarement réunies en cycle, avec accompagnement de piano, et pour la plupart en langue suédoise. Il était réticent à leur orchestration même s'il en a lui-même orchestré quelques unes. L'austérité de la partie pianistique et leur facture déclamatoire, où la ligne de chant est nettement distincte de celle-ci, ne facilite pas la  tâche. Défi relevé par Sallinen. La présente sélection permet d'entendre quelques pièces peu connues réunies autour de la poétique de la nature, au centre des préoccupations de Sibelius, des fleurs en particulier, mais aussi de l'intime des émotions humaines. Elle comprend en particulier trois pièces tirées de l'opus 13 -  assemblage de sept mélodies isolées -, sur des poèmes de Ludvig Runeberg, et de ce même poète, une mélodie tirée de l'op. 90, le dernier recueil du finlandais, où le vent du Nord apporte le ''message'' de la bien-aimée. L'orchestration répond au souci de s'approcher au plus près du caractère élusif de ces pièces, notamment par un habile travail sur les bois. On ne saurait imaginer meilleure médium que la voix à la fois claire et chaude comme la suprême diction de Anne Sofie von Otter ; un autre fleuron à sa couronne d'interprète de Lieder.

Particulièrement soignée, la prise de son offre un magistral étagement des plans, pour une image naturelle, présente et synthétique. Quant à la voix, elle est captée dans une agréable proximité.

Texte de Jean-Pierre Robert

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