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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Kopatchinskaja & Leschenko font Deux

CD deux

« Deux » Francis Poulenc : Sonate pour violon. Béla Bartók : Sonate pour violon N°2. Maurice Ravel  : Tzigane. Ernst von Dohnányi : Coppélia Valse
Patricia Kopatchinskaja, violon, Polina Leschenko, piano
1CD Alpha : Alpha 387 (Distribution : Outhere Music)
Durée du CD : 52'54
Note technique :  etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

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La violoniste moldave aux pieds nus Patricia Kopatchinskaja s'adjoint la pianiste pas moins ''extrême'' Polina Leschenko pour une petite anthologie de sonates et duos. Bartók, Poulenc et surtout Ravel, certes, n'y perdent pas leur âme, mais se voient réserver un traitement pour le moins décoiffant.

On sait la pianiste moldave iconoclaste et parfois à la limite de la provocation. En voici encore une belle démonstration dans un répertoire aux mélismes hongrois. Conçue pour la violoniste Jelly d'Aranyi, la Deuxième Sonate pour violon que Bartók complète en 1922, de forme bipartite lent-vif, ne renie ni ses origines populaires tziganes ni sa modernité avec l'usage de la gamme par tons qui autorise des couleurs saisissantes. Patricia Kopatchinskaja en puise la sève aux tréfonds de ses propres origines : le molto moderato la voit tirer un son sans concession dans ces pages où la mélodie se développe tour à tour mystérieuse ou agitée, et le piano de Polina Leschenko n'est pas en reste dans son côté percussif presque bruitiste. Il y a quelque chose d'obsédant au fil des glissandos du violon conduisant à des climax rehaussés par les grands accords du piano. L'allegretto qui s'enchaine voit persister la formidable complexité de l'œuvre, comme dans le passage en pizzcatos et ses coups d'archet à l'arraché. L'impression d'aridité est à son comble dans un jeu volontairement serré et une ténuité du son du violon alors que tambourine furieusement le piano. Les dernières notes sont filées dans un évanescent pppp. Une vision anti conformiste. Vient Tzigane de Ravel. On ne saurait être plus éloigné d'une esthétique abstraite et froide. Kopatchinskaja tire le morceau vers ses origines magyares. C'est après avoir entendu la violoniste Jelly d'Aranyi jouer sa propre sonate pour violon et violoncelle, que Ravel a l'idée de « composer un petit morceau dont la difficulté diabolique fera revivre la Hongrie de mes rêves », aurait-il confié à Bartók. Kopatchinskaja semble le prendre au pied de la lettre : large vibrato confinant à l'instabilité, accents légèrement déplacés, pianissimos extrêmement ténus, écarts dynamiques extrêmes, ralentissements marqués comme avant l'entrée du piano. Dès lors, le dialogue, d'abord calme, se fait de plus en plus excentrique avec nuances de tempo inouïes, sauts de dynamique paroxystiques, traits en fusée, et une fin en pirouette. Voilà qui ne ressemble à aucune autre interprétation.

Pensée à l'origine pour Jelly d'Aranyi, mais finalement écrite sur l'insistance de Ginette Neveu qui la créera avec le compositeur, la Sonate pour violon (1943) ne passe pas pour une des pièces les plus inspirées de Poulenc qui réservait sa verve plutôt aux vents. Elle était peu estimée par son auteur qui avouait ne pas aimer le violon. Il n'empêche, elle renferme des idées intéressantes, associant les deux faces de Poulenc, ''moine et voyou'', selon la fameuse formule de Claude Rostand : mélodies enveloppantes et espiègleries comme la citation de « Tea for two », un classique du jazz de l'époque, au ''con fuoco'' initial, ''Intermezzo'' d'apparence calme et confident, ''Presto tragico'', ce tragique assumé, hommage à Federico Garcia Lorca. Kopatchinskaja et Leschenko en livrent une lecture frôlant l'excès : jeu tendu à l'extrême du violon, traits susurrés ou ''miaulés'', pizzicatos rageurs et à l'arraché, piano aux accords presque écrasés. Une interprétation bien peu gallique, qui prend tous les risques, mais ne manque pas de panache. La Valse de Coppélia de Léo Delibes, revue et corrigée par Ernst von Dohnányi est presque une douceur à côté de toutes ces lectures engagées.

La prise de son dans l'auditorium de la MC2 de Grenoble procure un excellent équilibre entre les deux voix, ce qui relève de l'exploit tant est singulière la sonorité de leurs instruments voulue par les ''Deux'' interprètes.

Jean-Pierre Robert

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