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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert du LSO dirigé par John Eliot Gardiner à la Philharmonie de Paris, le 13 mars

Isabell Faust München

Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez, le 13 mars 2018
Robert Schumann : Ouverture, Scherzo et Finale pour orchestre en mi majeur op. 52, Concerto pour violon en ré mineur, Symphonie N° 4 en ré mineur op. 120 (version originale de 1841)
Isabelle Faust, violon.
London Symphony Orchestra, dr. John Eliot Gardiner

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Ce concert de la résidence parisienne du LSO, sous la direction de Sir John Eliot Gardiner, programmé comme entièrement consacré à Robert Schumann, avec notamment le Concerto pour piano, puis reprogrammé avec le concerto de piano N° 25 de Mozart, du fait de l'absence de Maria João Pires, désormais retirée de la scène, devait, par un ultime coup de théâtre, retrouver son aspect premier. Car, suite au forfait du pianiste Piotr Anderszeswki souffrant, décision fut prise de mettre à l'affiche le concerto de violon de Schumann, joué par la violoniste Isabelle Faust. Ces avatars, que le chef rappela brièvement en début de concert, auront permis d'entendre une œuvre rare du compositeur.

En entrée de jeu, Gardiner et ses forces londoniennes jouent Ouverture, Scherzo et Finale op. 52. Contemporaine de la Première symphonie, cette œuvre hybride que Schumann pensa un moment baptiser « suite », constitue un triptyque : une ouverture proprement dite, dans le goût italien, bâtie sur deux thèmes contrastés, d'une veine mélancolique et d'une texture presque mendelssohnienne ; puis un scherzo qui l'est encore plus, et enfin un finale vivace présentant une structure fuguée. Partition sans doute austère du fait de l'absence du mouvement lent, mais que le chef britannique mène avec un sûr doigté, en grand connaisseur de l'univers schumannien, et un effectif pas trop nombreux pour une sonorité translucide. Le Concerto pour violon ''avec accompagnement d'orchestre'' que Schumann achève en 1853, conut un curieux destin. Dédié à Joseph Joachim, il sombrera dans l'oubli durant près d'un siècle jusqu'à ce qu'il soit redécouvert à Berlin en 1937 et publié derechef, avec l'aide de Paul Hindemith. Il sera enfin créé cette même année à Berlin par Georg Kulenkampf, avant que Yehudi Menuhin ne l'interprète à New York l'année suivante. Il demeure très peu joué aujourd'hui. Musique troublante en effet, peu propice à la virtuosité du soliste, ce que d'aucuns ont pu prendre pour une faiblesse, le dédicataire le premier, qui devait finalement se raviser. Sa forme classique en trois mouvements rapide-lent-rapide, dissimule une construction nettement plus complexe, au service d'un romantisme torturé dont Schumann a le secret. Le premier mouvement, ''En tempo marqué, mais pas trop vite'', associe deux univers, l'un tragique dans la force de l'orchestre avec un ostinato des seconds violons - justement disposés par le chef à l'opposé des I ers - et l'autre très mélodieux, élégiaque. C'est dans ce second domaine qu'évolue le soliste qui tresse une mélodie extrêmement ouvragée, comme il en sera d'ailleurs dans le reste de l'œuvre. La manière d'Isabelle Faust mise sur l'intimisme et une approche toute en retenue, jusque dans l'extrême piano, avec des ralentissements confinant au statisme. Un sentiment d'étrangeté emplit l'auditeur qui s'attend à une joute plus démonstrative. Le mouvement central, ''Lent'', est un adagio où la cantilène du violon se déploie là encore tout en douceur pour atteindre le pppp à plusieurs reprises. Le finale, qui s'enchaine, marqué ''Vif, mais pas rapide'', sur un rythme de polonaise, est une vaste digression parée de l'écheveau du violon de nouveau plus expressif que virtuose. Isabelle Faust y fait montre d'un art de jouer chambriste, qui ne cherche pas  à briller. La salle retient son souffle. Aux applaudissements, le chef essuie un front qui traduit la tension de cette exécution, et l'audace du choix en dernière minute d'une pièce à n'en pas douter peu dans le répertoire de l'orchestre. Mais bien dans celui de la violoniste.

La seconde partie du concert est consacrée à la Quatrième Symphonie op. 120, dédiée à Clara. Mais nouvelle audace, Gardiner choisit d'en donner la version originale de 1841. C'est bonheur de retrouver cette œuvre dans sa facture première, d'une seule coulée, les quatre parties enchaînées, témoin de la continuité recherchée par l'auteur qui précise bien « Symphonie N° IV...in einem Satze » (en un mouvement). Et de savourer d'emblée une sonorité comme dégraissée par rapport à la version révisée de 1851, plus ''musicalement correcte'', et généralement jouée. Le souci de transparence et de fluidité, Gardiner l'a constamment à l'esprit, qui justement adopte un tempo vif et très articulé, passée l'introduction andante, qu'il ne démentira pas jusqu'à la fin de la symphonie. Elle répond ainsi à un même souffle et possède une allure presque mendelssohnienne (la Symphonie ''Écossaise'' de celui-ci est contemporaine), en particulier dans le sort  dévolu aux bois. La « Romanza » chante comme jamais dans son tempo soutenu. Le « Scherzo. Presto », bien délié, possède une extrême limpidité et ce cachet aérien qui réfère directement à Mendelssohn et à son « Songe d'une nuit d'été ». Quant au finale, « Allegro Vivace », pris prestissime, avec même encore des effets d'accélération, il est étourdissant de vie, prolongeant un dynamisme qui semble intarissable. Les musiciens du LSO, qui jouent ici debout, comme il se pratiquait à l'époque, et à effectif là encore mesuré (4 contrebasses!), donnent le meilleur. Ils font leurs les qualificatifs de ''grâce, légèreté et clarté'' que Brahms voyait dans cette version d'origine de la symphonie. Triomphe public mérité.

Jean-Pierre Robert      

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