CD : Pièces de violes de Couperin
François Couperin : Pièces de violes, Première et Deuxième suites. Plainte pour les violes. Antoine Forqueray : Pièces à trois violes. La Girouette
Atsushi Sakaï, Marion Martineau, Isabelle Saint-Yves, basses de viole. Christophe Rousset, clavecin
1CD Aparté : AP166 (Distribution : PIAS)
Durée du CD : 62'57
Note technique : (5/5)
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Son immense œuvre pour le clavecin ne doit pas masquer le corpus de musique de chambre de François Couperin. Ses Pièces de violes, longtemps restées secrètes, et ''redécouvertes'' au début du siècle dernier, méritent qu'on s'y attarde. Surtout lorsque jouées comme il est ici par des musiciens d'exception.
Le Livre de Pièces de violes avec la basse chiffrée apparait tard dans la production de Couperin puisque composé en 1728, après des œuvres qui sont aujourd'hui plus familières comme les Concerts Royaux, Les Goûts réunis ou Nouveaux Concerts, ou encore Les Nations. L'effectif instrumental comprend une viole soliste, appelée ''Sujet'', et un accompagnement ou ''Basse chiffrée'' constitué du clavecin et d'une autre viole. Musique apparemment austère, mais aux séduisantes harmonies. Le recueil est constitué de deux suites. La Première Suite en mi mineur comprend sept parties respectant le schéma de la suite de danse à la française. Le « Prélude » est recueilli, « Allemande » plus animé, « Courante », bien allante, « Sarabande », plus lente, profonde et mélancolique, puis « Gavotte », « Gigue », animées, avant de conclure sur une vaste « Chaconne ou Passacaille », extrêmement chantante. La Deuxième Suite, en la majeur, plus concise, ne comporte que quatre mouvements. Le « Prélude », qui renferme là encore quelque gravité, ouvre sur trois pièces de caractère : « Fuguette » presque entraînante, en tout cas optimiste, « Pompe funèbre », sur le modèle des scènes funéraires portées à l'opéra, exhalant une plainte douloureusement sereine, les appogiatures en forme de trilles contribuant à ce climat de désolation. Enfin « La Chemise blanche », titre énigmatique qui pourrait évoquer un linceul, vient contredire ce dessein funèbre ou à tout le moins le relativiser, car sa manière alerte peut faire penser à une sorte de nouveau départ. La « Plainte pour les violes », pièce extraite des Goûts réunis ou Nouveaux Concerts, qui requiert le même effectif instrumental, débute par un unisson des deux violes, laissant là encore une impression de tristesse résignée, avant que le discours s'anime. Le disque propose également les Pièces à trois violes d'Antoine Forqueray. Morceaux proches des sonates en trio de Corelli, ils forment un triptyque comprenant : « Allemande », vivante, empreinte d'italianitá, « Courante », plus allante encore, et « Sarabande », d'une belle déclamation expressive. On entend enfin « La Girouette » pour viole et basse continue, dont le refrain imite le tournoiement du vent.
Ces pièces sont interprétées par Atsushi Sakaï qui se taille depuis quelques années une solide réputation à la fois de violiste, soliste et continuiste, mais aussi de violoncelliste, notamment en tant que co fondateur du Quatuor Cambini-Paris. Outre la brillante technique, on savoure l'expressivité, que permet l'instrument, une basse de viole à 7 cordes d'après Guillaume Barbey (1687). Le clavecin de Christophe Rousset procure, comme toujours, la plus sûre des escortes. Les deux autres gambistes Marion Martineau et Isabelle Saint-Yves sont à la hauteur du talent de leurs confrères. Cette exécution des Pièces de Couperin rivalise avec celle de Jordi Savall, Ton Koopman et consorts (Alia Vox).
L'enregistrement effectué dans la galerie dorée de la Banque de France, où dit-on Couperin donnait des leçons de musique, est clair et immédiat, procurant un parfait équilibre entre les voix.
Jean-Pierre Robert
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