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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Attila, autre réussite du festival Verdi de l'Opéra de Lyon

Concert ONL Attila

Giuseppe Verdi : Attila. drame lyrique en un prologue et trois actes. Livret de Temistocle Solera et Francesco Maria Piave.
Dmitri Oulianov (Attila), Tatiana Serjan (Odabella), Massimo Giordano (Foresto), Alexeï Markov (Ezio), Grégoire Mour (Uldino)
Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon, dir. Daniele Rustioni
Auditorium de Lyon, 18 mars 2018

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Autre volet du Festival Verdi organisé par l'Opéra de Lyon, Attila était donné en version de concert à l'Auditorium. Une distribution de haut vol et la direction ardente de Daniel Rustioni en ont fait un moment fastueux.

Au nombre des premiers opéras de Verdi, Attila occupe une place particulière. Ce drame lyrique marque le point d'orgue de la série des œuvres dites de jeunesse. Venant après Nabucco, Ernani ou Il due Foscari, il est créé à Venise en 1846. Suivra Macbeth. Cet opéra guerrier marquant la défaite d'Attila, est une pièce engagée qui trouva naturellement écho auprès du public de l'époque du Risorgimento. Plus d'un chœur y avait une coloration patriotique C'est une partition qui, si elle exploite à fond les ressorts de l'opéra à numéros hérité de Donizetti et le procédé de l'enchainement de la scena et de l'air, lui-même divisé en deux parties, l'une cantabile, l'autre brillante (la cabaletta), les porte à leur summum. Elle renferme aussi des idées originales ressortissant au pittoresque musical. Ainsi du « Lever du soleil » qui suit la tempête, au début du second tableau du prologue. Ce morceau symphonique et choral joliment descriptif est inspiré d'une pièce qui faisait fureur à l'époque, l'Ode symphonique « Le Désert » du français Félicien David, laquelle comporte un effet similaire d'éveil de la nature. Les chœurs occupent une place essentielle dans l'opéra, se voyant dotés de pages inspirées, et ce dès le début. Aux cinq solistes sont confiés des airs qui, en leurs démonstratifs atours, brossent des caractères bien trempés, même si à grands traits plus qu'intériorisés. Et surtout des duos passionnés, inaugurant ces solides confrontations dans l'art desquelles Verdi assera maître. Qui se poursuivent dans des ensembles concertants de grande envergure, comme le finale concluant l'acte II, le banquet durant lequel Attila tente d'être empoisonné par les conjurés, vaste construction d'une étonnante variété de climats. 

Tous ces éléments, la présente exécution concertante les magnifie. A commencer par la direction de Daniele Rustioni dont la sincérité ne se dément pas une seconde. Comme remarqué la veille dans Don Carlos, le chef italien possède les codes de cette musique dont il fait siennes les moindres inflexions. Ici le souffle épique, là la puissance martiale, mais aussi la magie de telle tournure mélancolique que permet un instrumentarium particulier. Comme celui unissant, lors de la cavatine d'Odabella à l'acte I, flûte, cor anglais, harpe et violoncelle. Tout cela. Rustioni l'achève par l'élasticité de la battue, le sens des proportions, la savante fluctuation du tempo, légèrement poussé le cas échéant pour décupler l'impact dramatique. La complicité avec les chanteurs est palpable : il les soutient de souple manière, tout en tenant sûrement les rênes. L'Orchestre de l'Opéra de Lyon est encore une fois à son meilleur, confirmant la qualité superlative décelée la soirée précédente dans un Verdi autrement plus ambitieux. La patte est aussi brillante et colorée comme l'articulation magistrale dans cette pièce plus sonnante. Il en va de même des Chœurs maison qui sont ici sollicités dans tous les registres, souvent par groupe, figurant les divers ensembles protagonistes, Huns, Ostrogoths, Ermites, prêtresses, etc. Menés en tel contexte, les solistes sont à l'aise. S'il est un rôle délicat entre tous, c'est bien celui d'Odabella, exemple emblématique du grand soprano dramatique et colorature verdien, dans la lignée de l'Abigaille de Nabucco, et préfigurant Lady Macbeth. Tatiana Surjan est l'une des rares chanteuses actuellement à pouvoir tenir le choc de ces sautes substantielles de registres qui, par exemple pour l'air d'entrée, conduisent l'interprète à affronter des écarts courant sur deux octaves pour traduire les invectives de vengeance de celle dont le père a été tué par le chef de Huns. On ne peut plus tendu, le rôle comporte aussi des instants de lyrisme élégiaque, dans la douceur du registre lirico spinto, que Serjan délivre avec doigté. Le rôle d'Attila est tenu par la basse russe Dmitri Oulianov dont la voix de stentor, mais sans dureté, assure au barbare sanguinaire des instants de terreur et aussi de magnanimité. Là encore, le rôle sollicite l'entier registre de la basse jusque dans des aigus percutants dont le chanteur semble ne faire qu'une bouchée. Dans le général romain Ezio, Alexeï Markov possède le panache d'une fière élocution alliée à une projection brillante. Ce rôle de baryton est un des premiers, après celui de Nabucco, à offrir cet enviable cantabile ouvrant la voie aux autres grands barytons à venir, les fameux ''barytons Verdi''. Massimo Giordano, un des ténors en vue du moment, offre à Foresto les prestiges d'un timbre d'une vaillance à toute épreuve qu'il sait également fort habilement nuancer. Une distribution là encore parfaitement équilibrée, qui rend justice à une œuvre dont on n'a pas si souvent l'occasion de savourer les multiples attraits.

Jean-Pierre Robert  

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