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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD classique : La Mer et Images de Debussy, Emmanuel Krivine et l'Orchestre National de France

Debussy LaMer Images Krivine ONF

Pour son premier CD avec l'Orchestre National de France, dont il est désormais directeur musical, Emmanuel Krivine a choisi un programme Debussy associant deux partitions majeures, l'une et l'autre en forme de triptyque, La Mer et Images. Des interprétations frappées au coin d'une technique musicale irréprochable et parées de couleurs franches.

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Claude Debussy : La Mer, trois esquisses symphoniques pour orchestre (version révisée de 1909). Images pour orchestre. La Mer (version originale de 1905 : extrait du IIIème mouvement avec fanfare)
Orchestre National de France, direction Emmanuel Krivine
1 CD Erato : 0190295687045 (Distribution : Warner Music France)
Durée du CD : 61 min 14 s

Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

On a beaucoup glosé sur les «Trois esquisses symphoniques» de La Mer, pour souligner leur originalité non proprement symphonique. Et leur forme tripartite. Pourquoi ce titre ? L'auteur de Pelléas et Mélisande, qui aimait passionnément l'univers marin, dit avoir en avoir «d'innombrables souvenirs ; cela vaut mieux à mon sens que la réalité dont le charme pèse généralement trop lourd sur votre pensée» (cité par Léon Vallas dans «Claude Debussy et son temps», Albin Michel). Ces trois marines marquent un tournant dans le style du musicien vers un geste plus dessiné.

C'est de la sorte qu'Emmanuel Krivine en conçoit l'exécution. Le trait est net, les couleurs franches pour traduire les jeux inépuisables à travers la rythmique accusée, les transitions marquées, le galbe justement bien architecturé. Après son début mystérieux, le premier volet «De l'aube à midi sur la mer», où Debussy voyait une «Mer belle aux Îles Sanguinaires», progresse crescendo dans une grande animation rythmique. Lorsque le discours s'assagit, par exemple avec l'entrée du cor anglais et des altos, cela respire quelque chose de non vaporeux, comme la péroraison et ses grands climax de cuivres sonnent clair et net. Dans «Jeux de vagues», là où la science de l'éparpillement des timbres est à son apogée, Krivine organise tournoiement des cordes, volutes des bois, arabesques du premier violon dans un continuum savamment dosé. L'accumulation de déferlantes, la course effrénée, prise ici très vite, ménagent une déflagration finale d'une belle tension. L'ONF donne ici le meilleur. Dans «Dialogue du vent et de la mer», là où «Le vent fait danser la mer», selon le premier titre envisagé, la bourrasque, d'abord retenue, se libère peu à peu, alternant accents fiers et plages apaisées mais non évanescentes. Une vision traçant bien le trait plus qu'il (ne) le suggère. 

La composition des Images pour orchestre, nouveau triptyque, dont la deuxième partie est aussi conçue comme une trilogie, s'étale de 1906 à 1911 et ne suit pas l'ordre définitivement arrêté de ses diverses parties. Ravel en louera la «magnificence harmonique neuve». «Gigues», terminé en dernier, est pris à un tempo rapide par Krivine, marche triste et indolente dont se détache le feston des bois, par dessus tout la mélopée du hautbois d'amour. «Ibéria», trois vignettes d'une Espagne imaginée, mais bien différente d'une rhapsodie espagnole, se signale par son instrumentation originale et sa science de la discontinuité. À l'éclat du premier volet, «Par les rues et les chemins», tout un monde coloré dont l'allant est traduit ici par un tempo sec, succède «Les parfums de la nuit» ou la troublante magie d'une nuit d'été. Il y a quelque chose de lascif dans cette évocation sensuelle et presque étouffante qui s'alanguit encore dans ses derniers feux à mesure qu'approchent les lueurs de l'aube. La transition avec ses lointains appels de cloches est subtilement ménagée. La pleine clarté de «Le matin d'un jour de fête» vous saute aux yeux comme le soulagement de joie de Pelléas au sortir des souterrains. Enfin avec «Rondes de printemps», Debussy revient à l'immatériel pour ce joli tableau bercé par la ronde enfantine «Nous n'irons plus au bois». Avec Krivine, les bois y dépensent cependant des coloris un peu crus et l'ensemble des enchaînements manque un peu d'imagination. Au final, une interprétation objective, d'une finesse toute gallique, encore une fois jouée par un orchestre à son meilleur niveau. 

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Effectué à Radio France, l'enregistrement est d'un grande clarté, analytique, en accord avec le parti interprétatif, et d'une réelle immédiateté, les bois un brin mis en exergue.

Texte de Jean-Pierre Robert  



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