CD : Leçons de Ténèbres de François Couperin, par les Ombres
- François Couperin : Leçons de Ténèbres à une et à deux voix pour le Mercredi saint.
- Quatre versets du psaume "Mirabilia testimonia tuoa" composé et chanté par ordre du Roy.
- Motets, à voix seule, deux et trois parties, et symphonies.
- Chantal Santon Jeffery, Anne Magouët, sopranos.
- Benoit Arnould, basse.
- Les Ombres, direction Margaux Blanchard, Sylvain Sartre
1 CD Mirare : MIR 358 (Distribution : PIAS)
Durée du CD : 62 min
Note technique :
(5/5)
L'ensemble Les Ombres, révélé par le label du Centre culturel de rencontres d'Ambronay pour lequel il avait enregistré Les Nations de François Couperin, revient à ce compositeur pour un nouveau projet : les Leçons de Ténèbres. Publiées en 1714, sur un texte emprunté aux "Lamentations de Jérémie", elles ont été écrites pour les sœurs de l'abbaye de Longchamp. Destinées à accompagner l'office des matines, ces œuvres appartiennent au genre de la lamentation monodique avec basse continue - dans lequel se sont illustrés d'autres musiciens de l'époque comme Marc Antoine Charpentier, Michel Lambert ou Michel-Richard Delalande.
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Si elles invitent à la méditation et au recueillement, ces pièces développent une véritable dramaturgie sacrée. C'est qu'elles participent de la rhétorique figuraliste par l'utilisation de procédés singuliers : mélodie heurtée, voire dissonante, registres vocaux différenciés, et surtout riche ornementation visant à embellir une déclamation simplement syllabique, souvent proche du récitatif. La Première et la Deuxième leçon sont écrites pour une voix seule, un Dessus ou voix de soprano, tandis que la Troisième est confiée à deux voix de Dessus. Celles-ci sont accompagnées de la basse continue, avec le clavecin dans le premier et le troisième cas, et l'orgue positif dans le second. Chaque leçon comprend cinq ou six ou versets chantés en latin, chacun précédé de la lettre hébraïque qui le commence dans le texte hébreu. Elle voit une succession d'airs ou de récits où l'émotion est savamment dosée. La présente interprétation en livre la substance dans une atmosphère toute en clair obscur, la basse continue - le clavier auquel s'ajoutent une basse de viole et un théorbe - procurant, dans les mains expertes des Ombres, des couleurs d'un grand raffinement. Adeptes de la pratique instrumentale dite '' historiquement informée'', ces musiciens appuient leurs exécutions sur des recherches musicologiques poussées. Le discours est d'une remarquable tenue. D'autant que les deux voix de soprano sont aussi éloquentes l'une que l'autre et bien différenciées dans la Troisième Leçon.
Le disque comprend deux autres œuvres. Les Quatre versets du psaume Mirabilia testimonia tuoa, de 1703, proposent une alternance de chant a cappella des deux voix de Dessus et de suprêmes vocalises lors de séquences à une ou deux voix avec accompagnement de deux violons et de deux flûtes. On y rencontre des climats tour à tour élégiaques ou emplis d'allégresse. Enfin, les Motets, à voix seule, deux et trois parties, et symphonies, de 1705 - donnés ici en Première mondiale – constituent une suite de huit brèves séquences enchaînées. Là aussi, on remarque le ton quelque peu théâtral de la prière adressée à Dieu, où la voix de basse est soit accompagnée de la basse continue, soit par les arabesques du violon, ou encore du continuo mené par la flûte. La flexibilité et la belle douceur de la voix de Basse taille (baryton basse) de Benoit Arnould sont pur régal. De ces deux pièces méconnues, dont le style est proche de celui des Leçons de Ténèbres, Les Ombres livrent des exécutions également empreintes de ferveur et parées de couleurs magistrales.
Dans une acoustique légèrement réverbérante, apte à recréer l'espace de l'office religieux, la prise de son se signale par un bel équilibre voix-accompagnement instrumental.
Texte de Jean-Pierre Robert
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