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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Trios pour piano de Joseph Haydn par le Trio Wanderer

Haydn Trio Wanderer

  • Joseph Haydn : Trios pour piano, violon et violoncelle Hb XV: 14, 18, 21, 26 & 31
  • Trio Wanderer

    1 CD Harmonia Mundi : HMM 902321 (Distribution : PIAS)
    Durée du CD : 68 min 42 s
    Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte(5/5)

Pour leur deuxième disque consacré aux Trios pour piano de Haydn, le Trio Wanderer se tourne vers un chapelet d'œuvres datant des années 1790. Joseph Haydn a écrit une quarantaine de ces pièces qui sont en fait des sonates pour clavier avec accompagnement de violon et de violoncelle, les cordes colorant le discours initié par le piano, même si elles ont tendance à s'émanciper. La prolifération de ce type de compositions, à Vienne et à Londres, est le fruit de l'engouement qui saisit, à l'époque, les musiciens dits ''amateurs'', férus de musique pour clavier et découvrant la sonorité du pianoforte, moins sévère que celle du clavecin. Avec des instruments modernes, dont un Steinway bien sonnant, les Wanderer signent une interprétation magistrale.

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Si elles sont construites sur un schéma relativement simple en trois mouvements rapide-lent-rapide et offrent une texture monothématique, ces diverses pièces déploient bien des richesses, témoins de l'inventivité sans limite de Haydn - qu'on lui connaît par ailleurs dans ses symphonies ou ses sonates pour piano, sans parler des quatuors à cordes. Les cinq trios ici enregistrés font partie, à deux exceptions près, de triades publiées à Londres. Chacun a son originalité. Ainsi du Trio Hob XV: 14 où à l'allegro moderato initial, se déploie la richesse de l'harmonie dans le développement mené par le piano avec des enchaînements originaux. L'Adagio, d'abord mené par le violon, laisse au piano le soin d'improviser une ligne à la fois ornée et heurtée. Le Rondo, qui s'enchaîne sans interruption, est enlevé et audacieux dans sa structure formelle. Le Trio Hob XV: 18 se signale par son finale "à la hongroise" et ses syncopes humoristiques, ici vivifiées par une exécution pleine d'élan. On aura aussi remarqué, au premier mouvement, une instabilité rythmique libérant des traits dramatiques, et à l'andante central, un rythme de sicilienne. Seule de ces pièces à s'ouvrir par une introduction lente débouchant sur un vivace, comme dans bien des symphonies de l'auteur, le Trio Hob XV: 21, de 1795, dégage de prime abord une atmosphère champêtre, presque primesautière, avant un andante initié par le violon et repris par le piano en forme de marche annonçant Schubert. Le finale Presto, de son allure de joyeuse danse rustique, renoue avec la manière allègre du premier mouvement.

Le Trio Hob XV: 26, de la même année, est dans la tonalité de fa dièse mineur, celle de la symphonie "Les Adieux" de 1772. L'allegro réserve une tension nouvelle qui s'exacerbe peu à peu. L'adagio cantabile est l'occasion d'une longue mélodie que Haydn réutilisera dans sa Symphonie N°102 créée peu avant à Londres. Le "Tempo di Menuetto" final ne se départit pas du climat grave qui baigne toute cette œuvre. Tout à fait à part apparaît le Trio Hob XV: 31, car il est fait de seulement deux mouvements, eux-mêmes composés à des dates distinctes en 1794 et 1795, et publiés en 1803 : un andante cantabile, long rondo grave se déroulant comme une suite de trois variations, puis un allegro dit "Sonata Jacob's Dream", qui renvoie au récit biblique du songe durant lequel Jacob voit une échelle se dresser entre ciel et terre, où montent et descendent des anges. Ce qui se traduit musicalement, entre autres, par de jolies incursions du violon dans le registre aigu. 

Se coulant dans le classicisme essentiel de ces pièces, les Wanderer montrent aussi leur aptitude à épouser des idiomes aussi différents que ceux de Dvořák ou de Fauré, comme dans leurs plus récentes parutions. On savoure le piano de Vincent Coq, fluide, aérien, coloré, et bien sûr la cohésion et le raffinement sonore d'un ensemble qui nous fait rêver depuis bien des années.

L'enregistrement effectué au Teldex Studio de Berlin est une réussite quant au placement naturel des trois voix produisant un équilibre proche de la perfection. 

Texte de Jean-Pierre Robert     

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