CD : Concertos pour cordes III & concertos pour viole d'amour de Vivaldi
- Antonio Vivaldi : Concerti per archi RV 109, 117, 118, 126, 138, 142, 145, 152, 155, 161, 163, 165 & 167
- Concerti per viola d'amore RV 393, 394, 395, 396 & 397
- Alessandro Tampieri, viole d'amour, violon
- Accademia Bizantina, direction : Ottavio Dantone
- 2 CDs Naïve : OP 30570 (Distribution : Believe Group)
- Durée des CD : 66 min 27 s + 47 min 59 s
- Note technique : (5/5)
Cet album, le 56ème de la monumentale Édition Vivaldi du label Naïve, retient l'intérêt à un double titre : il présente un florilège de concertos pour viole d'amour, et marque la troisième livraison de l'ensemble gigantesque des concertos pour cordes. L'interprétation magistralement équilibrée de l'Accademia Bizantina sous la direction raffinée d'Ottavio Dantone le rend particulièrement attractif.
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Les concertos pour viole d'amour occupent une place singulière au sein de la vaste production concertante de Vivaldi. Un corpus unique, semble-t-il écrit sur une même période si on en juge par la succession des numéros d'opus, et à l'intention d'une artiste virtuose, Anna Maria, une des jeunes filles pensionnaires de l'Ospidale della Pietá de Venise. La viole d'amour présente cette particularité de posséder deux types de cordes : celles que l'on joue, dites mélodiques, et des cordes vibrantes placées en dessous. Ces dernières vibrent par sympathie dès lors que l'archet frotte les précédentes, c'est-à-dire par résonance. Il en émane une sonorité plus grave que celle du violon, souvent proche de l'alto moderne, chargée en harmoniques et d'un impact émotionnel certain. D'autant que l'instrument s'accorde en fonction de la tonalité de l'œuvre jouée. JS Bach l'utilise dans sa Passion selon Saint-Jean. Si elle a eu son heure de gloire à l'époque baroque, la viole d'amour connut un regain d'intérêt au XXème siècle. Janacek l'utilise dans la version originale de son second Quatuor à cordes «Lettres intimes» et Hindemith lui dédiera une de ses sonates de chambre. Vivaldi lui a sans doute donné ses plus beaux atours, offrant avec sa série de concertos une image exhaustive des possibilités techniques de l'instrument et du charme de ses sonorités suggestives, évocatrices de climats étranges, voire orientalisants. S'il les inscrit dans la forme habituelle tripartite, le compositeur crée avec ces pièces des harmonies tout à fait nouvelles. Souvent envoûtantes, eu égard à l'extension vers le registre grave, dans les mouvements lents surtout, autorisant un épanchement proche de la voix humaine (largo du concerto RV 393, andante du RV 395 où la viole d'amour dialogue avec l'archiluth). Les mouvements rapides ne sont pas en reste car l'instrument s'accommode tout aussi bien de la veine virtuose. Surtout sous les doigts experts d'Alessandro Tampieri et avec la complicité de l'Accademia Bizantina.
On sait la fameuse facilité d'écriture du Prete rosso, qu'un Stravinsky a brocardé de manière si piquante. Les concerti per archi en sont les meilleurs exemples. Il est indéniable que cette musique est immédiatement reconnaissable au-delà de ses aspects apparemment répétitifs. Les procédés ont beau être toujours les mêmes - la forme tripartite, la brièveté (de moins de trois minutes à un peu plus de neuf, dans les présentes œuvres) - il se dégage toujours quelque chose de différent de ces délicieuses miniatures. À ceux qui ne seraient pas convaincus, il suffit de conseiller de ne pas en enchainer l'écoute à la suite les unes des autres ! Ottavio Dantone en a assemblé treize ! Les exécutions proposent une manière chambriste - son ensemble est peu fourni, avec une douzaine de musiciens dont trois violons I - et une direction nullement brusquée ou boulée, comme chez certains de ses confrères. Une architecture éminemment nuancée aussi, pourvue d'admirables transitions, qui laisse aux cordes toutes leurs couleurs et une façon bien fluide de sonner. Dès lors, on se bornera à signaler les divers visages que peuvent prendre un allegro : très articulé dans son écriture syncopée et même lorsqu'il se cale sur le mode ''alla francese'' (RV 117), ou empruntant le mode de la ritournelle, ou encore débordant de vie, voire très expansif. Comme les nuances que savent revêtir un mouvement lent : l'adagio chantant ou suave, l'élégiaque andante. Le concerto RV 163, sous-titré «Conca», fait appel à une conque marine, colorant le discours dans un allegro frémissant de brise marine, un andante évoquant une mer en apparence étale, tandis que le finale crie son originalité. Le concerto RV 155 est de structure quadripartite, un adagio douloureusement expressif précédant l'habituelle trilogie. À signaler aussi une partie de violon concertant apparaissant au Largo mélancolique et perdurant dans un finale bien trempé. Les exécutions de l'Accademia Bizantina et d'Ottavio Dantone ravissent l'oreille autant qu'elles confortent le sentiment d'équanimité.
La prise de son joue ce bel équilibre, en particulier entre soliste et accompagnement dans les concertos pour viole d'amour, et offre une image sonore flatteuse d'un beau relief dans les autres pièces pour cordes.
Texte de Jean-Pierre Robert
Disponible sur Amazon en CD, MP3 et streaming
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