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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Don Quixote de Richard Strauss et autres pièces pour violoncelle

Don Quixote Ophelie Gaillard

  • Richard Strauss : Don Quixote, Variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque, op. 35. Sonate pour Violoncelle et piano, op. 6. Romance en fa majeur pour violoncelle et orchestre. «Morgen», extrait de Quatre Lieder op. 27
  • Ophélie Gaillard, violoncelle. Avec Dov Scheindlin, alto, Alexandra Conunova, violon, Béatrice Uria Monzón, mezzo-soprano, Vassilis Varvaresos, piano
  • Orchestre symphonique national tchèque, dir. Julien Masmondet
  • 1 CD Aparté : AP 174 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 79 min 24 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise (4/5)

L'attrait de ce généreux CD est de présenter les œuvres écrites par Richard Strauss pour le violoncelle : le poème symphonique Don Quixote, bien sûr, mais aussi deux pièces de musique de chambre moins connues, la Sonate op. 6 et la Romance pour violoncelle et orchestre. Leur interprète et conceptrice du programme, Ophélie Gaillard, y a ajouté la version originale pour violoncelle et piano du fameux Lied «Morgen». Une anthologie qui mérite le respect.

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Comme son sous-titre l'indique clairement, Don Quixote op. 35 (1898) est construit sur une suite de variations narrant les aventures du Chevalier à la longue figure immortalisé par Cervantès. Elle est précédée d'une introduction décrivant le rêve fou de Don Quichotte, à travers un florilège de cellules musicales d'où va émerger la figure d'un personnage hors norme, symbolisé par le violoncelle, tandis que son compagnon Sancho l'est par l'alto, et la belle Dulcinée par le violon. Strauss n'a retenu que quelques épisodes de la célèbre épopée au fil de dix variations où se mêlent burlesque et tragique, et où dialoguent le héros, «raide, langoureux, vieil espagnol, un peu troubadour» (Romain Rolland) et son écuyer, jovial et bavard. Encore qu'il s'agisse sans doute des deux facettes d'une même entité, indissolublement liées comme le sont Don Giovanni et Leporello, au point qu'on perçoit souvent, comme imbriqués, en un seul et unique geste musical, les thèmes de Quichotte et de Sancho. Les timbres proches du violoncelle et de l'alto renforcent cette volonté d'unicité thématique parcourant toute l'œuvre. Souvent proche du réalisme musical, le poème symphonique déploie une virtuosité instrumentale rare et une orchestration rien moins que scintillante. 

La présente interprétation vaut plus pour la partie de violoncelle, défendue avec panache par Ophélie Gaillard, que pour la texture orchestrale dont Julien Masmondet ne libère pas suffisamment le liant et le chic, peu aidé par une formation dont les cordes ne sont pas du meilleur niveau, même si les vents offrent un visage plus amène. Et l'enregistrement, qui volontairement sollicite les deux solistes, les opposant presque, qui à gauche, qui à droite, accentue le manque de fusion. Mais l'archet d'Ophélie Gaillard est là, royal ! Tour à tour brave et cocasse (''L'aventure avec les moulins à vent''), recueilli (''Conversation entre le chevalier et l'écuyer'', sorte de dialogue de Quichotte avec lui-même), tendre et songeur (''La veillée d'armes'', que la celliste conçoit comme «un grand récitatif, un moment de confidence du héros vulnérable»). Ironique aussi (pizzicatos rageurs dans ''La chevauchée dans les airs''), d'une prodigieuse alacrité (le vif et tempétueux ''Combat contre les deux sorciers''), enfin pathétique et d'une vraie tendresse à l'heure de ''La mort de Don Quichotte'', magistrale péroraison d'une coulée de lyrisme non feinte, où l'artiste atteint justement les sommets.  

Le disque propose en outre la Sonate pour violoncelle op. 6, composée en 1883, une des rares œuvres chambristes de Strauss. Si l'écriture en est aisée, voire virtuose, l'inspiration l'est peut-être moins. Le ''Con brio'' qui l'entame est nerveux, presque orchestral par endroits, et le violoncelle se voit bien doté. L'andante, sans doute le meilleur de cet opus, est d'une grande tendresse expressive, presque vocal, et dépouillé pour se conclure dans un souffle. Le finale ''Vivo'', aux discrets reflets mendelssohniens, découvre une joie de vivre certaine dans ses vastes envolées. Il est très exigeant pour le soliste, en particulier dans le registre aigu. Mais, ici comme ailleurs, le discours semble chercher sa voie, quoique l'auteur sache retomber sur ses pieds. Ophélie Gaillard s'y investit avec passion. Comme dans la Romance pour violoncelle et orchestre. Se découvre une partie soliste dotée d'une ligne choisie à travers les trois séquences d'un Andante cantabile. Strauss habite déjà avec passion une écriture éminemment lyrique dans l'art de laquelle il passera maître à l'opéra. La partie centrale est plus agitée, préfigurant, selon Ophélie Gaillard, les élans héroïques et le lyrisme du futur Don Quixote. L'ajout de «Morgen» (Demain), l'un des Quatre Lieder de l'opus 27, dans sa première version avec accompagnement de violoncelle et de piano, se justifie dans un tel contexte, même si après les derniers feux de Don Quixote, la chose paraît plutôt curieuse eu égard à la sensualité dégagée par ce Lied, intense dialogue amoureux. On savoure l'interprétation qu'en donnent Béatrice Uria Monzón et le pianiste Vassilis Varvaresos, enluminée par la sonorité enamourée du cello d'Ophélie Gaillard.

La prise de son, dans une acoustique sèche pour ce qui est de la pièce concertante, manque d'aura et on a choisi de mettre en avant de manière prononcée les deux solistes, dont le violoncelle très proéminent. L'image est cependant d'un relief certain. Tout comme pour ce qui est des pièces chambristes.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Disponible sur Amazon en CD, streaming et téléchargement MP3



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