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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Histoires naturelles, vues par Maurice Ravel et Francis Poulenc

Histoires Naturelles Theatre Athenee

  • Francis Poulenc : Le Bestiaire. Monparnasse. Hyde Park. Calligrammes. Quatre Poèmes. Banalités
  • Maurice Ravel : Chansons Madécasses. Histoires naturelles
  • Stéphane Degout, baryton - Cédric Tiberghien, piano - Aléxis Decharmes, violoncelle - Matteo Cesari, flûte.
  • 1 CD B Records : LBM 009 (Distribution : Outhere Distribution)
  • Durée du CD : 67 min 58 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5)
  • www.b-records.fr

L'originalité du label B Records est d'enregistrer live. Ce nouvel album, capté au Théâtre de l'Athénée lors du concert des Lundis musicaux du 21 janvier 2017, présente un florilège de mélodies de Poulenc et de Ravel, réunies sous le motto « Histoires naturelles », où les textes ont pour auteurs Guillaume Apollinaire ou Jules Renard. Qui mieux que Stéphane Degout pour aller à l'essentiel de ces fleurons de la mélodie française, et Cédric Tiberghien, pianiste d'un rare talent, pour lui donner la réplique ! Un moment de grâce, et en plus un programme alliant délectation littéraire et musicale, voire ludique !

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C'est bien sûr à Maurice Ravel que sont associées les mélodies des Histoires naturelles. Cinq vignettes, choisies parmi la quinzaine écrites par Jules Renard, où texte et musique sont si génialement intriqués ; ce qui ne fut pourtant pas du goût de l'écrivain. Dans une manière où « Ravel a sciemment voulu se rapprocher d'une certaine oralité », souligne Stéphane Degout, dans une vraie proximité avec la voix parlée, où l'on ne prononce pas les « e » muets, par exemple. Qui trouve au piano, une écriture cursive, emplie d'indications précises. On savoure les péripéties dans «Le Paon», la sensibilité et la concision avec « Le Grillon », la parodique du «Cygne», le dépouillement et la poétique allusive du « Martin-pêcheur », ou encore la férocité du trait de « La Pintade » et sa frénésie pianistique. Degout et Tiberghien en donnent une interprétation qui va au bout du sens : suprême diction du chanteur, parfait naturel, qu'autorise le timbre si spécifique de baryton Martin, piano évocateur, clair et expressif. Une interprétation frôlant l'idéal. Le Bestiaire, premier cycle de Francis Poulenc (1919), est tiré du recueil éponyme de quatrains d'Apollinaire. S'y affirme la maîtrise du musicien au fil de six morceaux ultra concis et enchaînés pour croquer un amusant univers animalier où sont évoqués aussi bien «Le Dromadaire» que « L'Écrevisse », « La Sauterelle » que « La Carpe ». La vision de Degout et de Tiberghien se veut descriptive, un brin ironique, mais avec tout le vrai-faux sérieux qui sied à ces charmantes scénettes, et un indispensable chic gallique.

Le CD compte encore d'autres trésors. De Ravel, les Chansons Madécasses ou la fausse simplicité par un original accompagnement tripartite, associant violoncelle et flûte au piano, et une ligne de chant exigeante dans sa fusion au sein de l'ensemble instrumental. La première mélodie « Nahandove » voit le chant n'apparaître qu'après une habile introduction, du halo créé par le violoncelle à l'exaltation des trois instruments. Ce seront alors répétitions de mots, soulignement d'accents pour un apaisement voluptueux. La deuxième, « Aoua », interjection assénée, presque criée dans un cinglant ffff, prélude à une montée menaçante. La troisième « Il et doux » conclut sur une sorte de répit inattendu, à l'érotisme primaire dans la voluptueuse tiédeur du soir, de l'homme trop content de lui-même. Là encore la limpidité de l'élocution de Degout fait la différence avec bien d'autres exécutions se complaisant de la surface des mots. De Poulenc ont été choisis trois cycles sur des textes d'Apollinaire, où l'aisance du chanteur dans le spectre sonore et l'absence de tout apprêt forcent l'admiration. Les Quatre Poèmes (1931), de style ''nogentais'', proche de la rengaine, sont truffés de traits sarcastiques, comme dans « Avant le cinéma » et son enfilade de mots inspirée d'un placard publicitaire de l'époque (''ciné, cinéma, cinématographe''). Les Banalités (1940) sont de la même eau et renferment des gemmes comme « Hôtel », d'un abandon paresseux, ou « Voyage à Paris » et sa scansion dansante, et surtout « Sanglots » où s'affirme le dramatisme de l'homme de théâtre. Enfin Calligrammes (1948), sur un subtil cheminement de tonalités, décline une prosodie du plus pur Poulenc avec une partie pianistique inspirée. On retrouve encore pareille inspiration dans les deux mélodies isolées que sont « Hyde Park », un amusant fox trot, ou « Monparnasse ».

L'enregistrement live offre une image bien centrée et un équilibre voix-piano satisfaisant qui n’évite cependant pas une légère saturation dans le forte. Dans le cycle des Chansons Madécasses, l'accompagnement instrumental a tendance à envahir le spectre.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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