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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Das Marienleben de Paul Hindemith

Das Marienleben Paul Hindemith

  • Paul Hindemith : Das Marienleben (La vie de Marie), op. 27, cycle de 15 Lieder sur des poèmes de Rainer Maria Rilke
  • Juliane Banse, soprano - Martin Helmchen, piano
  • 1 CD Alpha : Alpha 398 (Distribution : Outhere music)
  • Durée du CD : 70 min 47 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

Le Lied occupe une place de choix dans la production de Paul Hindemith. Il en est tout particulièrement du cycle Das Marienleben (La vie de Marie), écrit sur les poèmes éponymes de Rainer Maria Rilke. Sans doute le cycle le plus important du XXème siècle, voire, selon Glenn Gould, le plus grand jamais composé. Très exigeante pour la voix aussi bien que pour la partie de piano, l'œuvre n'a connu que peu de versions au disque. Aussi celle-ci est-elle bienvenue, d'autant qu'elle est à la hauteur du challenge.

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Dans son cycle de poèmes (1913), le poète autrichien mystique Rainer Maria Rilke (1875-1926) a conçu une vision très subjectiviste du mythe de Marie : il raconte la vie de la sainte de sa naissance à sa mort, en faisant parler la Vierge comme une simple femme, figure humaine, proche de nous. Et en utilisant une versification rigoureuse au fil de phrases longues et complexes. Sur ces textes, Paul Hindemith a composé une œuvre singulière durant les années 1922 et 1923. Il la remaniera en 1948. Le CD présente la version d'origine qui offre la particularité d'illustrer la différence de style existant au sein de cette œuvre. En effet, débutée dans le climat de l'expressionnisme allemand et avant-gardiste des années 20, elle se ressent aussi et pour beaucoup de l'évolution qui s'opère alors chez Hindemith vers ce qu'on a appelé la « Nouvelle Objectivité ». Encore que la distinction soit assez subtile à cerner. Car si sa première manière fait déjà appel à une écriture nouvelle, ''moderne'', comparée à celle d'un Richard Strauss, le fait de chercher à s'éloigner de l'expressionnisme pour une approche plus épurée encore n'ôte en rien à la radicalité du langage. Elle la creuse un peu plus. Dans les premières pièces écrites – qui ne l'ont pas été dans l'ordre final - la relation paraît assez immédiate entre paroles et piano, même si celui-ci se résume à une ligne discrète dans une grande économie de moyens. Comme il en va dans le N° 11 « Pietà ». En revanche, dans les derniers Lieder composés, la ligne de piano est dissociée totalement du chant, et le discours tend vers l'épure. Ainsi du N° 13 « Vom Tode Maria II » (Sur la mort de Maie II). L'impression est alors d'une plus étroite proximité avec la poétique de Rilke et du contenu spirituel de ses poèmes. Afin d'assurer une plus grande cohérence à l'ensemble, la révision de 1948 a cherché une meilleure adéquation entre texte chanté et partie de piano. En un mot, pour ce qui est de la première version : ce qu'on perd en absolue cohérence stylistique, on le gagne en spontanéité.

Quoi qu'il en soit, il faut pénétrer le langage particulier de cette œuvre : une prosodie psalmodiante, un peu à la manière de Poulenc, qui laisse la voix souvent à découvert, et une partie de piano assez indépendante, plus ou moins discrète, qui s'éloigne de l'accompagnement traditionnel. Une musique dissonante, atonale, emplie d'harmonies saisissantes et d'accords étranges. Car, pour citer Dietrich Fischer-Diekau, chez Hindemith « l'accent est moins mis sur la ligne mélodique que sur le rythme ». On y découvre un nouveau rapport texte chanté-musique, qui évacue tout caractère illustratif pour se concentrer sur la concision de la poésie de Rilke. Une expérience austère, voire déroutante à première audition, mais pour le moins singulière et unique.

D'autant que la présente interprétation se signale par sa grande rectitude. La soprano allemande Juliane Banse, aussi à l'aise dans le répertoire d'opéra – elle a beaucoup travaillé à l'Opernhaus de Zürich – que dans le récital, aborde ce formidable cycle avec une rare intelligence. Concevant les quinze Lieder comme un tout, dans un continuum qui ne connaît que peu le répit. Le défi est d'autant plus remarquable que la chanteuse n'a pas le secours de la version remaniée, plus homogène dans l'approche vocale. Il y a là un traitement instrumental de la voix, une sorte de conversation ininterrompue en musique, qui ne peut guère s'adosser à l'accompagnement et doit trouver son propre chemin. La vision révèle une parfaite cohérence et les aspérités nombreuses sont surmontées avec brio, et en particulier l'enfilade de notes aiguës, paroxystiques, dont est truffé le texte. Le piano de Martin Helmchen est enthousiasmant. Le jeune allemand (*1982), éminent chambriste, fait corps avec le matériau sonore dont il structure le flux plus ou moins disert et ménage les rythmes avec aplomb comme les grands accords martelés. Le cheminement musical extrêmement diversifié, qui peut confiner à une course haletante, en particulier dans les introductions ou postludes développés, est corrélé là aussi à une vraie vision d'ensemble.  

L'enregistrement, semble-t-il ''live'' avec de légers raccords studio, offre une image sonore bien centrée. Une vaste acoustique de salle de concert (Radio de Brême) offre un espace généreux à la voix. Le piano est lui aussi parfaitement défini. Et la balance est satisfaisante, ce qui en l'occurrence relève du tour de force. 

Texte de Jean-Pierre Robert  

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