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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : « L'Écho des Batailles ». Musiques pour piano de Steibelt, Jadin, Le Mière, Dussek, Ruppe, Moscheles

CD echo des batailles front

  • Daniel Steibelt : Grande Sonate pour le Piano forte op. 45, en mi majeur. « La Destruction de Moscou », Grande Fantaisie pour le pianoforte
  • Louis Emmanuel Jadin : « La Grande Bataille d'Austerlitz »
  • Jean-Frédéric Auguste Le Mière de Corvey : « La Bataille d'Iéna »
  • Jan Ladislav Dussek : Sonate en fa dièse mineur, op. 61, « Élégie harmonique »
  • Christian Friedrich Ruppe : « La Grande Bataille de Waterloo »
  • Ignace Moscheles : Grandes Variations sur la Chute de Paris
  • Daniel Propper, piano
  • 2CDs Forgotten Records : fr 16/17P forgottenrecords.com
  • Durée des CDs : 65'44+78'30
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise4/5

La musique pour piano composée dans les années 1800-1815 a sans doute pâti de la prééminence accordée à celle de Beethoven. Mais peut-être pas en France où de nombreux compositeurs s'étaient fait une réputation qui le disputait en importance à cette nouvelle gloire germanique. Le Paris de cette époque tient en effet une place essentielle dans la vie musicale européenne. Une source d'inspiration est donnée par les affrontements que se livrent les grandes puissances de l'époque : les batailles menées par les princes régnant, dont Napoléon et une des grandes figures, trouvent écho dans les œuvres musicales, singulièrement dans les compositions pour le piano. Le langage se veut descriptif, dans une étonnante recréation des situations évoquées. Si ces musiques sont depuis tombées dans l'oubli, souvent bien injustement, les présents CD viennent les réhabiliter. Les sept pièces choisies constituent une somme qui prouve leur vitalité.

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Daniel Steibelt (1765-1823), pianiste renommé et compositeur, connut une vie itinérante qui le mena à plusieurs reprises à Paris. On lui doit une adaptation en français de La Création de Haydn. Sa Grande Sonate op. 45, composée en 1800, est dédiée à Madame Bonaparte. Ses trois mouvements dénotent une prolixité étonnante. Un vaste allegro maestoso l'ouvre, martial, riche de matériau thématique et de crescendos puissants, avec une main droite déliée. L'adagio est empreint d'humeurs pré-schubertiennes, plein d'audaces harmoniques, dans le traitement de la main gauche en particulier. Le rondo allegretto final est joyeux et là encore peu avare de matériau. Cela s'anime puis retrouve un imperturbable calme, ne semblant pas se départir d'un charme mélodique certain, enjolivé par des cascades de trilles. Quelques années plus tard, alors que désormais compositeur à la cour de Russie, il publie en 1812, « La Destruction de Moscou », grande fantaisie, dédiée ''à la Nation russe''. C'est une musique descriptive où l'on entend des bribes aussi bien de La Marseillaise que du God save the King. Ses diverses séquences sont émaillées de forts contrastes pour décrire tour à tour l'incendie de Moscou ou l'arrivée des cosaques. Et cela finit dans une sorte de danse en forme de valse exprimant la joie des vainqueurs. Louis Emmanuel Jadin (1768-1853), qui commence sa carrière avant la Révolution, la poursuit ensuite tant à Lyon qu'à Paris où il sera professeur de piano au Conservatoire. Sa fantaisie pour piano intitulée « Grande Bataille D'Austerlitz », de 1806, est taillée à la gloire de Napoléon. L'épopée est narrée par une succession de brefs épisodes, séparés par des transitions en forme de roulements de tambours, avec des changements de rythmes abrupts. Sont ainsi comme visualisés les divers moments de la célèbre bataille depuis « Le Lever de l'aurore » jusqu'à « Victoire, Victoire, Victoire », marqué par une marche triomphale en forme de valse !

Jan Ladislav Dussek (1760-1812), lui aussi pianiste virtuose, mena une carrière itinérante qui le fit passer par Paris en 1786. Composée en 1807, sa Sonate op. 61, dite « Elégie harmonique sur la Mort du Prince Ferdinand de Prusse », au service duquel il avait été à Berlin, est un jalon essentiel dans l'évolution du genre de la sonate de piano. Elle est constituée de deux parties. Le « lento patetico » qui s'ouvre par une citation d'une des variations des Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph Haydn, offre des modulations audacieuses, proches de la dissonance, et des contrastes dynamiques accusés. Le mouvement se poursuit ''tempo agitato''. Le second mouvement, ''tempo vivace e con fuoco'' figure une course haletante entrecoupée d'une section d'une grande tendresse. Officier et musicien, Jean-Frédéric Auguste Le Mière de Corvey (1771-1832) commet avec « La Bataille d'Iéna » une pièce on ne peut plus descriptive, truffée de références à la grammaire musicale militaire, narrant les événements dans une chronologie minutieuse au fil de multiples courtes séquences dont l'assemblage donne une idée précise du déroulement des opérations, comme dans un continuum cinématographique. La clarté du récit est mise en évidence par une écriture simple et efficace qui ne recourt que peu à la virtuosité.

Christian Friedrich Ruppe (1753-1826), saxon installé aux Pays-Bas, écrit en 1815, « La Grande Bataille de Waterloo ou de la Belle-Alliance », dédiée au Prince d'Orange, manifestant son attachement au pouvoir en place, alors que Napoléon est de retour aux affaires pour les Cent-Jours. Là encore la description musicale est précise, au long de brèves cellules montrant qui la canonnade, qui la charge de la cavalerie, ou encore les cris des mourants, la déroute et la fuite des français, le sauve-qui-peut général, la fuite de l'empereur et la victoire des anglais, saluée par une évocation de leur hymne national. Le morceau offre un bon exemple de la manière narrative caractéristique des musiciens de l'époque. Autre représentant de ceux-ci, mais plus célèbre et passé à la postérité, Ignace Moscheles (1794-1870) écrit la même année 1815, à la faveur des festivités liées au Congrès de Vienne, ses « Grandes Variations sur la Chute de Paris ». Un set de six variations virtuoses, précédées d'une courte introduction présentant le thème, et suivies d'une conclusion allegro pimpante et divertissante. Cette pièce participe de l'engouement de l'époque pour la pratique des variations brillantes mettant en valeur la technique virtuose de l'interprète. D'abord écrites pour piano et orchestre, lesdites variations seront ensuite arrangées pour piano seul et remaniées en 1822. Elles seront jouées par le jeune Liszt et inspireront à Chopin ses propres variations sur « La ci darem la mano ». Le thème est russe en hommage à Alexandre Ier. Il est tricoté dans une affolante difficulté, visitant des indications telles que ''con fuoco'' ou ''di bravura'', renchérissant d'une variation à l'autre en termes de pyrotechnie pianistique. La dernière variation, adagio, de sa dentelle dans l'aigu de l'instrument, est déjà presque chopinienne, avant la conclusion brillantissime.

Toutes ces pièces trouvent en Daniel Propper interprète à la mesure du chalenge qu'elles représentent en termes d'assimilation et bien sûr d'exécution. Il en faut beaucoup pour décourager ce pianiste d'origine suédoise qui s'est perfectionné auprès de Tatiana Nikolaïeva et de Bernard Ringeissen et a derrière lui une carrière enviable bardée de prix internationaux. Il s'approprie en effet ces musiques avec une aisance et une évidente empathie, une parfaite maitrise et un sens habile de la narration à travers une palette de couleurs somptueuses. Un formidable achèvement qui bénéficie du soutien du Palazzetto BruLa musique pour piano composée dans les années 1800-1815 a sans doute pâti de la prééminence accordée à celle de Beethoven. Mais peut-être pas en France où de nombreux compositeurs s'étaient fait une réputation qui le disputait en importance à cette nouvelle gloire germanique. Le Paris de cette époque tient en effet une place essentielle dans la vie musicale européenne. Une source d'inspiration est donnée par les affrontements que se livrent les grandes puissances de l'époque : les batailles menées par les princes régnant, dont Napoléon et une des grandes figures, trouvent écho dans les œuvres musicales, singulièrement dans les compositions pour le piano. Le langage se veut descriptif, dans une étonnante recréation des situations évoquées. Si ces musiques sont depuis tombées dans l'oubli, souvent bien injustement, les présents CD viennent les réhabiliter. Les sept pièces choisies constituent une somme qui prouve leur vitalité.

Daniel Steibelt (1765-1823), pianiste renommé et compositeur, connut une vie itinérante qui le mena à plusieurs reprises à Paris. On lui doit une adaptation en français de La Création de Haydn. Sa Grande Sonate op. 45, composée en 1800, est dédiée à Madame Bonaparte. Ses trois mouvements dénotent une prolixité étonnante. Un vaste allegro maestoso l'ouvre, martial, riche de matériau thématique et de crescendos puissants, avec une main droite déliée. L'adagio est empreint d'humeurs pré-schubertiennes, plein d'audaces harmoniques, dans le traitement de la main gauche en particulier. Le rondo allegretto final est joyeux et là encore peu avare de matériau. Cela s'anime puis retrouve un imperturbable calme, ne semblant pas se départir d'un charme mélodique certain, enjolivé par des cascades de trilles. Quelques années plus tard, alors que désormais compositeur à la cour de Russie, il publie en 1812, « La Destruction de Moscou », grande fantaisie, dédiée ''à la Nation russe''. C'est une musique descriptive où l'on entend des bribes aussi bien de La Marseillaise que du God save the King. Ses diverses séquences sont émaillées de forts contrastes pour décrire tour à tour l'incendie de Moscou ou l'arrivée des cosaques. Et cela finit dans une sorte de danse en forme de valse exprimant la joie des vainqueurs. Louis Emmanuel Jadin (1768-1853), qui commence sa carrière avant la Révolution, la poursuit ensuite tant à Lyon qu'à Paris où il sera professeur de piano au Conservatoire. Sa fantaisie pour piano intitulée « Grande Bataille D'Austerlitz », de 1806, est taillée à la gloire de Napoléon. L'épopée est narrée par une succession de brefs épisodes, séparés par des transitions en forme de roulements de tambours, avec des changements de rythmes abrupts. Sont ainsi comme visualisés les divers moments de la célèbre bataille depuis « Le Lever de l'aurore » jusqu'à « Victoire, Victoire, Victoire », marqué par une marche triomphale en forme de valse !

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Jan Ladislav Dussek (1760-1812), lui aussi pianiste virtuose, mena une carrière itinérante qui le fit passer par Paris en 1786. Composée en 1807, sa Sonate op. 61, dite « Elégie harmonique sur la Mort du Prince Ferdinand de Prusse », au service duquel il avait été à Berlin, est un jalon essentiel dans l'évolution du genre de la sonate de piano. Elle est constituée de deux parties. Le « lento patetico » qui s'ouvre par une citation d'une des variations des Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph Haydn, offre des modulations audacieuses, proches de la dissonance, et des contrastes dynamiques accusés. Le mouvement se poursuit ''tempo agitato''. Le second mouvement, ''tempo vivace e con fuoco'' figure une course haletante entrecoupée d'une section d'une grande tendresse. Officier et musicien, Jean-Frédéric Auguste Le Mière de Corvey (1771-1832) commet avec « La Bataille d'Iéna » une pièce on ne peut plus descriptive, truffée de références à la grammaire musicale militaire, narrant les événements dans une chronologie minutieuse au fil de multiples courtes séquences dont l'assemblage donne une idée précise du déroulement des opérations, comme dans un continuum cinématographique. La clarté du récit est mise en évidence par une écriture simple et efficace qui ne recourt que peu à la virtuosité.

Christian Friedrich Ruppe (1753-1826), saxon installé aux Pays-Bas, écrit en 1815, « La Grande Bataille de Waterloo ou de la Belle-Alliance », dédiée au Prince d'Orange, manifestant son attachement au pouvoir en place, alors que Napoléon est de retour aux affaires pour les Cent-Jours. Là encore la description musicale est précise, au long de brèves cellules montrant qui la canonnade, qui la charge de la cavalerie, ou encore les cris des mourants, la déroute et la fuite des français, le sauve-qui-peut général, la fuite de l'empereur et la victoire des anglais, saluée par une évocation de leur hymne national. Le morceau offre un bon exemple de la manière narrative caractéristique des musiciens de l'époque. Autre représentant de ceux-ci, mais plus célèbre et passé à la postérité, Ignace Moscheles (1794-1870) écrit la même année 1815, à la faveur des festivités liées au Congrès de Vienne, ses « Grandes Variations sur la Chute de Paris ». Un set de six variations virtuoses, précédées d'une courte introduction présentant le thème, et suivies d'une conclusion allegro pimpante et divertissante. Cette pièce participe de l'engouement de l'époque pour la pratique des variations brillantes mettant en valeur la technique virtuose de l'interprète. D'abord écrites pour piano et orchestre, lesdites variations seront ensuite arrangées pour piano seul et remaniées en 1822. Elles seront jouées par le jeune Liszt et inspireront à Chopin ses propres variations sur « La ci darem la mano ». Le thème est russe en hommage à Alexandre Ier. Il est tricoté dans une affolante difficulté, visitant des indications telles que ''con fuoco'' ou ''di bravura'', renchérissant d'une variation à l'autre en termes de pyrotechnie pianistique. La dernière variation, adagio, de sa dentelle dans l'aigu de l'instrument, est déjà presque chopinienne, avant la conclusion brillantissime.

Toutes ces pièces trouven Zane. Une somme dont l'intérêt musicologique – que complémente un livret richement documenté – est transcendé par le bonheur de l'exécution.

La captation, en studio à Rennes, dans une acoustique un peu sèche, favorise un son très proche et analytique, renforcé par le jeu de Propper qui use peu de la pédale.

Texte de Jean-Pierre Robert

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