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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : L'Octuor de Schubert joué sur instruments d'époque

Isabelle Faus Schubert

  • Franz Schubert : Octuor pour clarinette, basson cor, deux violons, alto, violoncelle et contrebasse, D 803
  • Cinq Menuets avec six trios, D. 89 : Nos 3 & 5
  • Isabelle Faust, Anne Katharina Schreiber, violons, Danusha Waskiewicz, alto, Kristin von der Goltz, violoncelle, James Munro, contrebasse, Lorenzo Coppola, clarinette, Teunis van der Zwart, cor, Javier Zafra, basson
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902263 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 70 min 11 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

L'intérêt de cette nouvelle version de l'Octuor de Schubert est d'être jouée sur instruments d'époque. L'idée en revient à la violoniste Isabelle Faust, qui souligne combien la richesse comme les rugosités expressives de ces instruments apportent en termes de couleurs mais aussi de sonorité, moins homogène, moins monochrome, à une partition qui est un « véritable feu d'artifice dont ne cessent de jaillir les trouvailles ». Pour interpréter cette œuvre essentielle de la musique de chambre de Schubert, à la verve souvent presque orchestrale, elle s'est entourée de musiciens d'élite. Ils en livrent une exécution très inspirée, loin de tout confort, aux contrastes dynamiques creusés.

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Contemporain du cycle de Lieder de La Belle Meunière et de la musique de scène de Rosamonde, l'Octuor est le fruit d'une commande du comte Ferdinand Troyer, clarinettiste et amateur averti, qui suggéra à Schubert de composer une œuvre à l'image du Septuor de Beethoven, pièce qui connaissait à l'époque un grand succès. En fait, ce sera un octuor : à la distribution instrumentale associant cordes et vents de l'œuvre beethovénienne, violon, alto, violoncelle et contrebasse, clarinette, basson et cor, est adjoint un second violon. Le nombre des mouvements est identique, six, selon une alternance rapide-lent. L'écriture se veut riche, presque orchestrale, et même concertante, la clarinette et le cor étant mis en exergue. Le vaste premier mouvement s'ouvre par une introduction adagio qui cède le pas à un allegro tout de bonhomie, ce que renforce la tonalité de fa majeur. Un sentiment d'intimité, obtenu ici par un tempo très retenu et une sonorité volontairement restreinte dans le registre piano, génère une certaine gravité, un déchirement presque, notamment dans l'épanchement de la partie de violon I. On y remarque un orignal duo entre celui-ci et le cor. L'allegro vivace qui suit se veut un scherzo vigoureux et exubérant où les cordes semblent mener le jeu. Le trio tranche, le cello s'y distinguant par un joli contrepoint. Bâti sur le schéma thème et variations, l'andante décline celui d'un duo emprunté à l'opéra Die Freunde von Salamanca (Les amis de Salamanque). Chacune des sept variations met en valeur un instrument spécifique, dans des tempos variés, à commencer par le violon. Puis ce seront la clarinette et le basson, le cor, etc. La présente exécution accentue les oppositions en termes de dynamique comme de rythmique, soulignant la singularité des diverses combinaisons instrumentales. La coda privilégie le cor et se fait discrète. L'allegretto est un menuetto. Il est ici joué très retenu, ce qui libère un sentiment douloureux sous-jacent. Tout Schubert est là : la joie n'est jamais bien loin de la peine. Le trio renchérit en jovialité dans le registre des vents, et la coda laisse de nouveau au cor le soin de conclure. Débuté par une introduction lente et ppp, de caractère angoissé, de terreur presque, mais aussi dans un « climat fantastique », selon Isabelle Faust, le finale bascule vite dans un vif allegro de plus en plus joyeux et les grands traits tragiques sont vite balayés par un presto enthousiaste.

Isabelle Faust et ses amis convainquent par l'élégance du jeu, un parfait équilibre des voix, une jolie faconde comme une souveraine profondeur de ton. Voilà une interprétation très pensée et hors des chemins rabâchés, creusant les contrastes, de l'enjoué au mélancolique, même si, en dernière analyse, ce dernier sentiment semble l'emporter. Mais sans doute au plus près des intentions de Schubert qui différencie ce qui relève du ton ''populaire'' et ce qui ressort d'une ambition musicale plus profonde : « Le chemin vers la grande symphonie ». La sonorité des instruments d'époque modifie aussi quelque peu la perception qu'on a habituellement de l'Octuor vers une recherche plus poussée d'expressivité. Ils rendent encore plus perceptibles les alternances de clair-obscur et de pleine lumière, comme les combinaisons originales telles que violon-cor ou clarinette et basson, pour ne citer que ces deux-là. En complément de programme, Isabelle Faust a eu l'idée d'adjoindre deux des Cinq Menuets avec Six trios D. 89, dans un arrangement dû au compositeur Oscar Strasnoy, pour la même formation d'octuor, en s'inspirant de celui de Schubert. Les quatre voix d'origine se voient amplifiées de manière aussi inattendue qu'originale. Pour une amusante plaisanterie musicale.

La prise de son au Teldex Studio de Berlin est claire et immédiate, sur un spectre large, disposant à chaque extrémité le violon I, à gauche, et la clarinette, à droite, le cor étant placé au centre.

Texte de Jean-Pierre Robert

CD disponible sur Amazon

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