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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Pêcheurs de perles de Bizet

Bizet Pecheurs de Perles

  • Georges Bizet : Les Pêcheurs de perles. Opéra en trois actes. Livret d'Eugène Cormon et de Michel Carré
  • Julie Fuchs, Cyrille Dubois, Florian Sempey, Luc Bertin-Hugault
  • Les Cris de Paris / Geoffroy Jourdain
  • Orchestre National de Lille, dir. Alexandre Bloch
  • 2 CDs Pentatone : PTC 5186 685
  • Durée des CD : 48 min 19 s + 61 min 23 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5)

Les versions discographiques des Pêcheurs de perles ne sont pas si nombreuses, la dernière remontant à 1989 ! L'œuvre a toujours été ravalée au second plan, Carmen lui ayant disputé la vedette pour la postérité. Mais les temps ont changé et les productions se multiplient depuis quelques années, ici (Opéra Comique en 2012) et ailleurs en Europe. Il y a en effet bien des trésors à (re)découvrir dans ce premier opéra significatif d'un musicien de 25 ans, déjà au fait d'un sûr métier. Aussi cette nouvelle interprétation, confiée à la fine fleur du jeune chant français actuel et magnifiée par une saisie live en concert, est-elle la bienvenue. Elle permet en outre d'entendre une version d'origine curieusement restée dans l'ombre, et ce grâce à une nouvelle reconstitution en 2014. 

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S'inscrivant dans la vogue de l'orientalisme, introduit en France par Félicien David, l'opéra de Bizet dresse un tableau parfaitement crédible d'un exotisme suggéré agissant telle une toile de fond, qui plutôt qu'une servile imitation, se coule dans l'idiome français. L'Île de Ceylan a pour théâtre un drame triangulaire fondé sur le conflit devoir-passion : deux hommes, amis d'enfance, Nadir et Zurga, aiment la même femme, Leila, une vestale inaccessible, et ont fait serment de taire cette passion. Nadir la retrouve et laisse éclater sa flamme, partagée. Pour avoir rompu son vœu de chasteté, Leila est promise au bourreau, tout comme son amant malheureux. Mais Zurga pardonnera au nom de la reconnaissance envers la jeune femme qui lui avait jadis sauvé la vie. Cette intrigue complexe reçoit une traduction musicale dépassant de loin son aspect convenu. Une musique pas si datée qu'on s'est longtemps plu à le souligner. Frappante est d'abord la facilité mélodique de Bizet aussi bien à l'orchestre que pour la partie de chant. Cette aisance transparaît en particulier dans un réseau de motifs récurrents parcourant l'opéra, que les détracteurs de Bizet ont brocardé les associant aux Leitmotive wagnériens. Alors qu'ils ont une fonction toute différente. Celui dit ''de la déesse'' colore ainsi l'œuvre d'une aura de douce mélancolie. Des mélismes originaux installent d'envoûtants climats : ornements harmoniques, ostinatos, modulations abruptes, instrumentation recherchée recourant à la harpe, à la flûte comme aux percussions. L'art du contraste pour décrire l'emprise de la nature ou le poids des forces élémentaires n'est pas moins topique. Où se côtoient de formidables éclats aux coloris éclatants ou des arabesques enchanteresses dans lesquelles se love le chant. Cette profusion orchestrale, Alexandre Bloch qui dirige l'Orchestre National de Lille dont il est maintenant directeur musical, la traduit avec une fougue communicative dans une conduite nerveuse, passionnée, creusant au besoin les écarts dynamiques. Ainsi de généreux fortissimos assaisonnés de percussions cataclysmiques comme à l'entame du dernier tableau pris dans un étourdissant prestissimo. Ou à l'inverse d'une poétique chatoyante presque cristalline, tel qu'il ressort du duo du IIème acte entre Leila et Nadir. Une direction qui est tout autant soucieuse du chant.

Celui-ci est l'autre atout de cette version. On a fait appel à quatre jeunes chanteurs français à la carrière déjà plus que prometteuse. Qui apportent ici un vent de fraîcheur à ce sombre drame et distinguent leur interprétation d'une magistrale élocution. C'est un plaisir de savourer le texte restitué si intelligiblement. Et l'on passe vite sur quelques menues imperfections dues à la captation live. Julie Fuchs est une Leila à l'émotion vraie. Le timbre éthéré sait se charger de couleurs moirées dans un registre plus central, et d'accents vrais comme lors de la cavatine « Comme autrefois dans la nuit » (acte II), accompagnée par le cor et le violoncelle. Cyrille Dubois prête à Nadir pareil ressenti sincère. Si les premières interventions sont précautionneuses, la voix se chauffe vite et la ligne de chant s'avère ductile. Le timbre clair et une émission en voix de tête enluminent la romance « Je crois entendre encore », vécue comme un rêve éveillé. Dans le personnage du jaloux Zurga finalement magnanime, Florian Sempey fait montre de vaillance vocale par des aigus du baryton lancés à pleine puissance, si pas toujours de subtilité interprétative lors de l'échange vengeur avec Leila au IIème acte. Plus tôt, le duo réunissant les deux hommes, « Au fond du temple saint », un des joyaux de la partition, ne manque pas de panache et d'intensité dans ses teintes archaïsantes. Enfin la basse claire de Luc Bertin-Hugault apporte au personnage de Nourabad une dimension plus autoritaire qu'haineuse. Les Cris de Paris, qu'on ne sent justement pas trop nombreux, apportent à la partie des chœurs, si essentielle, à la fois engagement et belle clarté dans la diction.

Fruit d'un enregistrement live en concert au Nouveau Siècle de Lille, l'image sonore est claire et immédiate avec d'habiles effets de spatialisation (voix solistes et chœurs en coulisses), possédant un indéniable impact sur tout le spectre. Le montage et le mixage n'ont cependant pas évité quelques différences de dynamique.

Texte de Jean-Pierre Robert

Disponible sur Amazon en CD ou MP3

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