Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : François Couperin Le Grand fêté à Royaumont

Jean Luc Ho Nations Couperin Royaumont 2018

  • « 350 ans de la naissance de François Couperin »
  • 1er concert : « Les Nations : La Françoise, La Piémontoise »
  • Partie I : pièces de clavecin de JS Bach, Louis Couperin, Georg Philipp Telemnan, Dietrich Buxtehude, Jean-Baptiste Lully, Jean-Henry d'Anglebert, Jacques Duphly
  • par Jean-Luc Ho, (clavecin ; copie Vater)
  • Partie II : Premier Ordre La Françoise & Quatrième Ordre La Piémontoise des Nations
  • par Alice Piérot, Bérengère Maillard (violons), Nima Ben David (viole de gambe), Olivier Riehl (flûte traverso), Neven Lesage (hautbois), Alejandro Perez (basson), Aurélien Delage (traverso et clavecin ; copie Goujon), Jean-Luc Ho (clavecin ; copie Vater)

  • 2ème concert : « Les leçons de ténèbres - Nuit Couperin »
  • Partie I : « Couperin violiste ? », pièces de viole de gambe
  • par l'Ensemble Spirale, Marianne Muller (viole de gambe), Violaine Cochard (clavecin ; copie Goujon), Emily Audouin (viole de gambe)
  • Partie II : Les trois leçons de ténèbres, outre diverses pièces de clavecin de Couperin et pièce de viole de gambe et basse continue de Marin Marais
  • par l'Ensemble Le Caravansérail, dir. Bertrand Cuiller

  • Abbaye de Royaumont, Réfectoire des moines, 16 h 30 et 20 h 45, le 29 septembre 2018
    www.royaumont.com 

Un des moments phares du Festival de Royaumont aura été la journée consacrée à François Couperin, dont on célèbre le 350ème anniversaire de la naissance (1668-1733). Ou comment redécouvrir les diverses facettes de la personnalité de ce musicien emblématique du Grand Siècle dont le credo est de chercher à témoigner en musique de ce qui l'émeut. Un premier concert autour de deux des pièces des Nations offrait l'occasion de pénétrer l'univers de la musique de chambre de Couperin, mais aussi de se pencher sur sa production au clavecin. Le second, au cœur de la ''Nuit Couperin'' et d'une douce soirée étoilée d'Ile-de-France, présentait les Trois leçons de ténèbres, précédées de pièces de viole, qui prenaient une résonance toute particulière dans ce lieu si chargé de sacré. L'occasion au fil de séances ''à géométrie variable'' associant, voire mêlant divers types de pièces, de mesurer la richesse de l'œuvre de Couperin, défendue et illustrée par un panel d'interprètes prestigieux devant un public recueilli.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Le premier concert aura été l'occasion d'un évènement majeur : l'inauguration d'un nouveau clavecin, pour la première fois joué en public. Il s'agit d'une copie d'un clavecin d'Antoine Vater de 1732 conservé au Musée de la musique de Paris (photo ci-dessous), et commande de la Fondation Royaumont au facteur Émile Jobin. Qui présenta très ému l'instrument, rappelant combien le travail de copie avait été passionnant eu égard à la grande qualité du clavecin d'origine d'Antoine Vater (1689-1759), fils d'une dynastie de facteurs français, et considéré comme un des plus brillants à Paris dès 1715. Comment mieux faire connaissance avec ce nouveau et magnifique instrument richement décoré de style Louis XV, qu'en le jouant. Jean-Luc Ho, jeune et talentueux claveciniste, formé auprès de Blandine Verlet et actuellement en résidence à la Fondation Royaumont, en révèle les trésors au fil d'un mini récital associant JS Bach (Premier prélude et fugue du Clavier bien tempéré, où se livre la belle résonance de l'instrument dans le grave), François Couperin (Passacaille en do majeur), Telemann (une Fantaisie révélant la clarté cristalline des aigus), Buxtehude, Lully (une transcription par Jean-Luc Ho lui-même de l'Ouverture du Bourgeois Gentilhomme) d'Anglebert ou encore Dulphy dont deux pièces bien enlevées montrent la musicalité du clavecin d'Émile Jobin.

Royaumont Clavecin Vater copie

La seconde partie de ce concert méridien offrait deux des pièces qui composent le recueil Les Nations (1726) : le « Premier Ordre La Françoise », et le « Quatrième Ordre La Piémontoise ». Basées sur des sonates éditées en 1692, sous le titre respectivement de ''Pucelle'' et de ''l'Astrée''. Des œuvres qui firent sensation à l'époque, dûment ''publicisées'' par leur auteur par des ''slogans'' comme « la sonade fut dévorée avec empressement ». Sur le schéma de la sonate d'église, ces pièces en trio confient la basse continue au clavecin et non à l'orgue. Et se coulent dans le modèle italien de Corelli. Qu'agrémentent tout un florilège de mouvements modérés aux noms évocateurs de ''tendrement'' ou ''gracieusement''. On a pu dire que Couperin s'y montrait européen avant l'heure quoique ces titres réfèrent plus à un style nouveau dans l'enchaînement des mouvements typiquement français et l'audace des harmonies, sans rien renier de la fluidité italienne. L'instrumentarium choisi ici est resserré avec deux violons, une viole de gambe, hautbois et basson, mais deux traversos et surtout deux clavecins. Il produit une sonorité intimiste, magistralement mise en valeur par la belle acoustique du Réfectoire des moines de Royaumont. On admire les combinaisons variées générées, comme l'entrée en matière ''Gravement'' de « La Françoise » par les deux seuls clavecins, ou plus tard l'alliance de la gambe et du clavecin I dans la Sarabande, ou encore l'étonnant dialogue de la gambe et du basson sur le continuo discret du clavecin I dans la Sarabande ''tendrement'' de « La Piémontoise ». Et la gigue ultime de ce même ordre ''affectuëusement ; quoy-que légèrement'', confiée aux deux clavecins. Les huit musiciens ménagent les tensions dramatiques comme le charme de plus d'un morceau par la finesse de leur jeu.

Autre atmosphère pour le concert vespéral titré « Nuit Couperin ». Si le plat de résistance est Les Leçons de ténèbres, une partie liminaire est consacrée à l'exécution de pièces de viole de gambe, interrogeant le thème « Un Couperin violiste ? ». La gambiste Marianne Muller joue le Treizième Concert, tiré du recueil Les Goûts Réunis ou Nouveaux concerts ( 1724) et la Suite en mi mineur pour viole et basse continue (1728). Musiques caractéristiques de la production tardive du musicien qui laisse à l'instrument ses derniers feux au moment où il va être supplanté par le violoncelle. Musiques graves où Couperin « transpose son écriture du clavier aux autres instruments », selon Marianne Muller qui les joue avec une souveraine maîtrise. Ainsi de l'impressionnante Chaconne qui conclut la Suite en mi mineur, où on devine une sorte de cadence se détachant de la basse continue. Comme le public en redemande, elle donne encore une pièce d'Antoine Forqueray traçant un portrait buriné de Couperin, plus vrai que nature. Ces pièces de viole sont entrelardées de pièces de clavecin exécutées avec le doigté qu'on lui connaît par Violaine Cochard. On n'oubliera pas de si tôt dans « Les Tours de Passe-passe » le joyeux babil dans l'aigu de l'instrument et le passage des mains d'une légèreté inouïe. Et de nouveau la superbe sonorité claire du clavecin Vater de Jobin.

Marianne Muller viole Couperin Royaumont 2018

LA SUITE APRÈS LA PUB

Ultime étape de ce parcours compréhensif, les Trois leçons de ténèbres. Écrites en 1714 pour les Dames Religieuses de Longchamp, cette mise en musique des Lamentations de Jérémie a connu une vogue en France à l'époque avec Lambert, Charpentier et Delalande, avant Couperin. Ces chants sont destinés à l'un des offices de la Semaine Sainte : « Pour le Mercredy », quoiqu’ils le soient en fait pour le Jeudi Saint dans la tradition liturgique catholique. Chantées en latin, la première leçon et la deuxième le sont par une voix seule de dessus, tandis que la troisième est confiée aux deux dessus. Dans cette prière religieuse, Couperin rend palpables les suggestions de la parole avec une grande liberté dans les harmonies et le recours à des modulations expressives variées. Mélange de grandeur et de dolorisme intime, de pathétique et d'émotion pure, rendu par des vocalises, des ornements et même des dissonances. La présente exécution se signale par son expressivité et une émotion qui naît de la perfection vocale des deux sopranos, Mailys de Villoutreys et Rachel Redmond. On n’a justement pas fait appel à des voix d'opéra. L'austérité du lamento est contrebalancée par la douce richesse des timbres. Bertrand Cuiller les accompagne au clavecin ou à l'orgue positif, aidé de la gambiste Isabelle saint Yves. Cette belle alchimie sonore est là encore entrecoupée de pièces de clavecin de Couperin et d'une pièce de viole de Marin Marais, ce qui n'est pas sans rompre le continuum des trois Leçons. Ainsi se concluait ce passionnant voyage au sein de l'univers du Grand Couperin. De belles heures de musique en un lieu prestigieux !

Texte de Jean-Pierre Robert  

Voici quelques photographies officielles de la journée dédiée à Couperin, à l'Abbaye de Royaumont



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


PUBLICITÉ