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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Le couple Alagna & Kurzak interprète La Navarraise de Massenet

La Navarraise CD

  • Jules Massenet : La Navarraise. Episode lyrique en deux actes. Livret de Jules Clarétie & Henri Cain
  • Aleksandra Kurzak, Roberto Alagna, George Andguladze, Brian Kontes, Issachah Savage, Michael Anthony McGee
  • New York Choral Ensemble
  • Opera Orchestra of New York, dir. Alberto Veronesi
  • 1 CD Warner Classics : 0190295605704
  • Durée du CD : 43 min 51 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile grise (4/5) 

Au nombre des quelques 24 opéras de Massenet, La Navarraise occupe une place singulière. C'est un des plus courts, pas plus de trois quarts d'heure, et écrit dans une tonalité quasi vériste. Pour peindre un portrait de femme déterminée, au centre d'une histoire tragique de guerre et d'amour. Cet « Épisode lyrique », peu représenté au disque, est ici chanté par un des couples mythiques du moment, Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna.

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Venant tout juste après Thaïs, La Navarraise, ce ''petit drame lyrique'', comme l'appelait son inspiratrice et créatrice, la cantatrice Emma Calvé, a été créé à Covent Garden à Londres en 1894. Il met en scène une bien terrible histoire d'amour contrarié : pour pouvoir payer ''sa'' dot, tel qu'exigé par le père de son futur : le sergent Araquil, la belle navarraise Anita n'hésite pas à tuer un chef ennemi pour acquérir l'argent. L'accusation par un Araquil mourant, de pacte avec le camp rival, conduit la pauvre à la folie. Figure singulière de la galerie de portraits féminins chère à l'auteur. La femme n'est dans la production de Massenet, jamais effacée. Elle est courageuse, dotée d'une volonté inébranlable. Anita, si différente de ses consœurs, Manon, Charlotte ou Cendrillon, est ici finement, quoique rapidement, croquée l'espace de deux brefs actes. Saisie comme les autres par le pouvoir émotionnel de la musique. En l'occurrence, une musique naturaliste, à la frontière du vérisme. Au point qu'on a comparé la pièce à Cavalleria Rusticana de Mascagni créé quatre ans plus tôt. ''Une Cavalleria espanola'', dira aussi le fameux critique Willy, sans doute parce que le sujet se déroule en terres ibériques, comme souvent à l'époque. C'est en tout cas dans une veine bien différente du compositeur italien, eu égard à une instrumentation fort originale. L'Ouverture mouvementée jette dans l'action in media res, en pleine guerre carliste, avec gammes menaçantes, roulements de tambours effrayants et effets de cymbales claquantes on ne peut plus sonores. Annonçant la tragique issue de l'héroïne. À la fin de l'opéra, deux cloches graves ajoutées à un orchestre déjà bien fourni, achèvent de planter alors un décor lugubre. Pourtant, ces bruits de bottes et ce réalisme musical ne sont pas les seuls à fertiliser l'imagination du musicien. Le ''Nocturne'' qui sépare les deux actes dispense une atmosphère richement mélodique, nappée de touches de flûtes dans le grave, comme éteintes, sur des violons pppp et une basse obstinée. Preuve que le compositeur sait ne pas écrire que pour plaire, ou frôler la sensiblerie, comme l'ont fustigé ses détracteurs. Un Debussy en particulier, qui disait perfidement qu'« on peut aimer Massenet ''d'un amour défendu'' », paraphrasant les mots qu'il met dans la bouche de son Golaud. L'écriture vocale est comme toujours intéressante, souvent somptueuse et par certains aspects novatrice. Même si la distribution vocale n'échappe pas à la tradition, proposant l'habituel trio soprano, ténor et baryton, auquel s'ajoute une basse. 

On le mesure avec cette interprétation. Aleksandra Kursak offre à l'héroïne Anita les prestiges d'un soprano clair et vaillant, et un engagement certain pour illustrer la fierté de la jeune femme. Bonne surprise d'entendre cette artiste attachante dans un répertoire où on ne l'attendait pas, sans doute alors nouveau pour elle dans sa carrière (2011). Dans un rôle oscillant entre lyrisme, avec de beaux fils de voix, et vérisme, flattant le registre grave à maints endroits. Les airs comme ''Ah mariez donc son cœur avec mon cœur !'' ou plus tard, le tragique ''voici ma dot'', sont finement jugés. Le personnage ardent d'Araquil trouve en Roberto Alagna sa bonne étoile : passion, accents vrais, ainsi de l'air ''Ô ma bien aimée !''. Et bien sûr une ligne de chant immaculée où le lyrisme épanoui s'associe à une quinte aigüe vaillante. Et par dessus tout, la séduction d'un timbre solaire allié à une diction française d'une idéale clarté, qui vous font immédiatement adhérer au propos. Le duo final est pure merveille : d'abord dramatique sur les reproches du garçon à la pauvre fille, puis de plus en plus tragique jusqu'à l'interjection de celui-ci ''fille infâme! Tu t'es vendue!'', enfin fausse douce cantilène tout sauf apaisée tandis qu'Anita s'enfonce dans la folie. Reste que le bonheur vocal se résume à eux deux. Car les autres protagonistes font bien pâles figures. Si la basse Brian Kontes, l'intransigeant père d'Araquil, est passable et son élocution acceptable, le baryton George Angduladze, le général Garrido, troisième personnage en importance, n'offre qu'une voix sans relief et une prononciation plus qu'approximative. Alberto Veronesi apporte bien des nuances à ces pages hautes en couleurs et un impact dramatique certain, même si quelque peu au premier degré.

L'enregistrement, fruit de plusieurs prises et dans des lieux différents, à partir semble-t-il d'une saisie à New York fin 2011, est inégal : vents et percussions bien présents, mais cordes en retrait. Les voix sont heureusement captées avec relief dans un équilibre satisfaisant avec l'orchestre et les chœurs.

Texte de Jean-Pierre Robert  

Disponible sur Amazon en CD et MP3

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