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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Abendmusiken par l'Ensemble Stravaganza

Abendmusiken Ensemble Stravaganza

  • Johann Theile : Sonata duplex a 3
  • Dietrich Buxtehude : Sonate en ut majeur, BuxWV 266. Sonate en si majeur, BuxWV 271
  • Philipp Henrich Erlebach : Sonata quinta en si bémol majeur
  • Johann Adam Reinken : Hortus Musicus IV en ré mineur
  • Ensemble Stravaganza, Domitille Gilon (violon et direction), Thomas Soltani (clavecin et direction)
  • 1 CD Muso : MU-025 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 50 min 59 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Musiques de veillées, ces Abendmusiken écrites par Buxtehude, Reinken, Theile ou Erlebach, des musiciens appartenant au cercle dit des contrapuntistes, célèbrent le baroque flamboyant d'Allemagne du nord au XVIIème. Un joli choix de sonates interprétées par l'Ensemble Stravaganza avec infiniment de tendresse et d'habileté de jeu pour un passionnant disque. 

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Les contrapuntistes allemands se sont réunis dans les cités hanséatiques, Hambourg et Lubeck, des villes prospères et cosmopolites. Où l'on aimait faire de la musique, notamment à l'heure de la veillée. D'où le terme générique d''Abendmusik'' (littéralement : musique du soir). Le nom le plus connu est Dietrich Buxtehude (1637-707), organiste célébré, qui la portera à son apogée. Parmi sa production de sonates, le présent programme en retient deux. La Sonata BuxWV 266, en trois mouvements, se signale par son étonnant solo médian, beau soliloque de violon sur une basse d'orgue positif, que suit un mouvement constitué d'une succession de courtes sections sur le schéma lent-vif. Ce sont là deux des caractéristiques de cette forme de composition. La Sonata BuxWV 271, faite de 5 mouvements, offre des pages sereines où s'étale le plaisir de faire de la musique entre amis. Ici encore, le solo de violon en est au cœur. Il y en a même deux : le premier est un bref adagio débouchant sur une succession allegro-adagio. Le second est peut-être plus démonstratif encore. La brièveté des divers mouvements n'affecte en rien la qualité du morceau, bien au contraire, car une sorte d'ambiance s'établit comme s'il s'agissait d'improvisation. Johann Theile (1646-1724), compositeur et pédagogue de renom, formé auprès de Schütz, voyagera beaucoup et se rendra en particulier à Lubeck. Son art du contrepoint s'illustre dans le recueil du ''Musicalische Kunstbuch'' (Livre de l'art musical), et singulièrement au long de sa Sonata duplex a 3, jouée ici. D'un seul tenant, elle alterne de très brefs mouvements vif-lent. Pour une magistrale démonstration de contrepoint. 

Johann Adam Reinken (1637-1722), redécouvert il y a peu au clavecin, était un organiste célèbre. Mais il a aussi écrit pour le genre chambriste de la sonate. Le recueil ''Hortus Musicus'' est composé de six partitas pour deux violons, viole de gambe et continuo (théorbe, orgue et clavecin). On a choisi ici la Hortus Musicus IV qui comme les cinq autres, est bâtie sur le même modèle, à savoir une sonate assez développée s'ouvrant elle-même par une introduction lente, laissant la place à une fugue rapide, qui annonce deux solos, l'un de violon l'autre de gambe. Puis une suite de quatre mouvements de danse, Allemande, Courante, Sarabande et Gigue. Bon exemple du ''Stylus phantasticus'' en vogue à l'époque. Philipp Heinrich Erlebach (1657-1714), le seul des quatre musiciens ici réunis à ne pas être du nord de l'Allemagne, apporte aussi sa contribution au genre. Ses sonates en trio ''a violino e viola da gamba con basso continuo'' trahissent l'influence de la sonate italienne. La Sonata quinta offre sept parties où le violon dialogue avec la gambe. Au fil d'une musique différentiée dans ses associations instrumentales de la basse continue (théorbe, clavecin ou orgue), découvrant un charme secret, en particulier dans les quatre danses qui la concluent. 

Spécialiste de la musique de chambre pour un ou deux violons des XVIIème et XVIIIème siècles, l'Ensemble Stravaganza livre des interprétations frappées au coin de la simplicité comme de l'improvisation. On est séduit d'emblée par la manière intimiste dont ils abordent ces pièces dans un subtil nuancier dynamique, pour ce qui est notamment du registre lent et ppp. La belle couleur du violon de Domitille Gilon et de la viole de gambe de Robin Phato enlumine un jeu d'ensemble des plus chantants où le virtuose est transcendé par un étonnant naturel. 

L'enregistrement est très soigné, clair et proche, bien dans le ton de ces musiques du soir si évocatrices de paix et de plénitude. Remarquable aussi la fine restitution des timbres, notamment des basses, gambe théorbe et orgue positif.

Texte de Jean-Pierre Robert

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