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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Un bouquet de sonates de Scarlatti par Jean Rondeau

Jean Rondeau Scarlatti

  • Domenico Scarlatti : Sonates pour clavecin, K. 208, 175, 69, 141, 213, 216, 162, 132, 6, 180, 30, 119, 199, 460, 481
  • Jean Rondeau, clavecin
  • 1 CD Erato : 0190295633684 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 82 min 01 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

C'est le cœur de l'œuvre de Domenico Scarlatti que Jean Rondeau nous entrouvre avec une sélection de 15 sonates pour clavecin. Pour une immersion totale. Mais à consommer avec modération, au point que l'interprète conseille « à celles et ceux qui écoutent cet album en entier de prendre éventuellement une légère pause » au milieu du programme ! Quelle que soit la façon de l'écouter, on ne lésinera pas sur les louanges que suscite ce CD. Car voilà bien une réussite en tous points exceptionnelle, du fait d'un jeu d'une folle originalité et d'une richesse inouïe.

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Domenico Scarlatti (1685-1757) consacra une large partie de ses compositions au clavecin. On lui doit plus de 550 sonates, toutes plus différentes les unes que les autres. Par leur inventivité mélodique inépuisable comme un renouvellement rythmique incessant. Et ce malgré une coupe apparemment identique en un seul mouvement de forme binaire, ouvrant sur des reprises souvent calquées sur la suite de danse. Ce qui en fait des compostions singulières à bien des égards, loin de la stricte forme sonate. Jean Rondeau a opéré un choix, certes arbitraire, mais habile évitant l'écueil d'une succession de pièces où l'on ne percevrait qu'une mécanique parfaitement huilée et déshumanisée, façon ''machine à coudre'' comme le fit naguère un très célèbre pianiste. Car ces pièces sont tout sauf de simples exercices digitaux. Au contraire, son souci est de mettre en avant la composante mélodique. Comment travailler le son, « faire chanter la table d'harmonie », dit-il, et cet élément cardinal qu'est l'articulation. Pour donner vie à ces irrésistibles ritournelles et faire ressortir les modulations souvent inattendues, les ruptures rythmiques, les dissonances même. Et ces imperceptibles silences, autant de pauses qui forgent les contrastes. Aussi associe-t-il des pièces de ''climats'' différents. 

On trouve des Sonates sur le mode lent, véhiculant le beau chant (K. 208), la veine populaire (K. 199), le rêve (K. 69). La sonate K. 132, la plus longue, distille un cantabile déclamatoire de son thème chaloupé sur un contrepoint ouvragé en tous sens. Un climat empreint d'une légère mélancolie au long de ses diverses séquences marque la K. 481, suite d'instants parfaits. Les pièces plus vives apportent d'autres joies : celle d'une danse extrêmement complexe (K. 175), ou tirant sa verve d'une sorte d'improvisation truffée de traits pyrotechniques (K. 216), ou encore offrant moult roulades sur l'entier des registres du clavecin (K. 6). La K. 460, plus tardive, déroule un récit en plusieurs séquences qui semblent se répéter dans diverses tonalités. Il y a bien sûr les sonates à fortes redites et prestissimes, ébouriffantes de virtuosité, avec leurs fameuses notes piquées assénées à l'envi : répétition systématique d'un bouquet de notes dans un tissu a priori inextricable, en réalité d'une haute transparence, singulièrement sous les doigts de Rondeau (K. 141). Et celles encore qui manient l'humour (K. 180) ou une haute dose de gaieté, en forme de feu d'artifice (K. 119). 

Partout Jean Rondeau offre un jeu comme frappé au coin du geste improvisateur, ce qui peut paraître paradoxal tant est savant chez Scarlatti le travail sur l'ornementation. La tonalité d'ensemble est plutôt grave, plus que primesautière. La digitalité est pour le moins transcendante. Il n'est rien de ''mécaniciste'' ici, grâce à une maîtrise de toutes les techniques si abondamment sollicitées par le compositeur. On admire l'extrême clarté jusque dans les pages les plus chargées en trilles et autres appogiatures. L'instrument joué, un clavecin de Jonte Knife & Arno Petro, de 2006, prêt de son collègue Olivier Fortin, sonne clair sur tout le spectre. 

Il est capté, dans la Salle de musique de La Chaux de Fonds, dans une acoustique ''ouverte'', produisant une image sonore naturelle, en restituant les belles harmoniques : aigus pas agressifs ni compacts, grave exempt de résonance excessive. C'est peu dire que l'instrument respire.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Disponible sur Amazon en CD et MP3



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