CD : Concerti per Esterházy
- Joseph Haydn : Concertos pour violon Hob. VIIa:1 en Ut majeur & Hob. VIIa:4 en Sol majeur
- Concerto pour violoncelle Hob. VIIb:1 en Ut majeur
- Marco Ceccato, violoncelle. Gli Incogniti, Amandine Beyer, violon et direction
- 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902314 (Distribution : PIAS)
- Durée du CD : 58 min 01 s
- Note technique : (5/5)
Moins nombreux que ses symphonies, les concertos de Jospeh Haydn ne sont pas moins intéressants. Ils montrent une sûre écriture tant pour le violon que pour le violoncelle. Les pièces réunies sur ce CD sont jouées par l'ensemble Gli Incogniti qui connaît déjà une solide renommée, sous l'impulsion d'Amandine Beyer. Celle-ci explique que cette incursion dans ce domaine ''plus classique'' témoigne d'une volonté non seulement d'élargissement, mais surtout d'approfondissement du travail déjà effectué sur leurs compositeurs de prédilection en terres baroques, Vivaldi et autre Pachelbel. Encore une réussite à porter au crédit de ces musiciens bourrés de talent.
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Dans ses concertos, Haydn cherche à mettre en valeur ''ses musiciens'' de l'orchestre de la Cour du Prince Esterházy. Le Premier concerto Hob. VIIa:1, dédié à son Konzertmeister Luigi Tomasini, et joué ici par le Premier violon de Gli Incogniti, offre une facture relativement traditionnelle comparée à certaines des symphonies contemporaines. Mais aussi une profusion des idées musicales, leur constant renouvellement, marque de fabrique de Haydn. Le premier mouvement Allegro moderato s'inscrit dans les conventions du style galant, mais développe une forme propre au musicien, qu'on peut situer entre le concerto baroque et l'écriture ''classique'' de Mozart et de Beethoven. Bien allant, le mouvement se termine par une jolie cadence. L'Adagio développe une belle cantilène du violon sur des pizzicatos de l'orchestre, d'une haute expressivité. Le finale Presto montre un entrain, habituel chez le musicien, et une thématique foisonnante. La partie soliste est brillante sans être trop démonstrative. Quoiqu’on y relève bien des hardiesses. Celles-ci vont se faire jour de manière plus nette dans le Concerto pour violon Hob. VIIa:4. S'il est encore bâti sur le même schéma modéré-lent-vif, l'évolution y est indéniable. Au Moderato initial, le soliste se détache d'une introduction orchestrale animée et développe un discours audacieux qui semble se propager par contamination au tutti. La cadence le démontre encore par ses traits avant-gardistes. L'Adagio développe un chant sinueux, écrin pour le soliste : sa ligne est plus sage ici, pas moins expressive. L'allegro est vif, forgeant un dialogue soliste-tutti coulant et confortable. Ici comme ailleurs, Amandine Beyer et ses complices ravissent par leur aisance et leur naturel.
Le Concerto pour violoncelle Hob. VIIb:1 est bien plus connu. Composée en 1760 pour le celliste Joseph Weigl senior, la partition en fut perdue et redécouverte à Prague... en 1961 ! Il reste depuis lors un cheval de bataille des violoncellistes, à commencer par Mtislav Rostropovitch. Il est en effet d'une immédiate séduction. Comme il appert dès ses premières mesures : un Moderato à l'énergie intrépide, marqué par le vif dialogue entre cordes et vents, d'une rythmique accentuée par Amandine Beyer. La partie de cello est fort imaginative, partagée entre lyrisme et virtuosité, avec une pointe de dramatisme dans sa répétition d'accords, ce que souligne l'interprète Marco Ceccato. À l'adagio, c'est un vrai chant de tendresse : le ton élégiaque du cello est ici nursé par un accompagnement d'une belle délicatesse. Les diverses séquences sont autant de joyaux et la cadence le résume parfaitement. L'allegro final se veut impétueux dans sa manière pressante, d'une belle sveltesse à l'orchestre sous la houlette de Beyer and friends. L'entrée du soliste ne fait qu'accentuer le flux. Un soliste qui se voit gratifier de traits d'une grande difficulté technique, jusque dans l'extrême aigu du registre. Une vision pleine d'esprit, du fait du tempo plus qu'alerte imposé par Beyer, exhalant encore plus tous les parfums de cette musique.
Tout au long de l'exécution de cette œuvre, comme de celle des deux concertos de violon, on perçoit une symbiose chambriste qui dépasse de loin l'association habituelle soliste-orchestre dans le domaine concertant. De la vraie musique entre complices et amis. Car comme le remarque Amandine Beyer, « si l'on sent quelque chose dans cette musique, c'est l'amitié, l'amour avec lequel toutes les lignes ont été écrites ». Nul doute aussi que le jeu sur cordes en boyau, favorisé par Gli Incogniti, offre une palette de couleurs insoupçonnée et une magie dans l'articulation.
L'enregistrement effectué au Théâtre Auditorium de Poitiers, à l'acoustique remarquable, offre un équilibre soliste-tutti proche de la perfection et possède un magistral relief.
Texte de Jean-Pierre Robert
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