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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : King Arthur de Purcell

Purcell King Arthur

  • Henry Purcell : King Arthur or The British Worthy, Z. 628, Dramatick opera en 5 actes. Libretto de John Dryden
  • Solistes vocaux : Sophie Junker, Zsuzsi Tóth, Stefanie True, Caroline Weynants, Olivier Berten, Robert Buckland, Marcus Farnsworth, Daniel Elgersma, David Feldman, Jan Kullmann, David Lee, Sebastian Myrus
  • Chœurs : Zsuzsi Tóth, Sophie Junker, Caroline Weynants, Stefanie True (sopranos), Daniel Elgersma, Jan Kullmann, David Feldman (altos), Robert Buckland, Olivier Berten, David Lee (ténors), Lionel Meunier, Sebastian Myrus, Jon Stainsby (basses)
  • Cecilia Bernardini, Jacek Kurzydŀo (violons), Johannes Frisch (alto), Ronan Kernoa (violoncelle), Benoît Laurent, Gustav Friedrichson, Armin Köbler (hautbois), Lisa Goldberg (basson), Rudolf Lörinc, Russell Glimour (trompettes), Marianna Soroka (percussions), Laura Pok, Benoît Laurent, Armin Köbler, Lionel Meunier (recorders), Simon Lainé (théorbe anglais & guitare baroque), Anthony Romaniuk (orgue & clavecin)
  • Vox Luminis, dir. Lionel Meunier
  • 2 CDs Alpha : Alpha 430 (Distribution : Outhere Music))
  • Durée des CD : 57 min 41 s + 48 min 18 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)
    info@voxluminis.com 

Avec le Roi Arthur ou le Valeureux Breton, Purcell poursuit une association fructueuse avec le poète John Dryden, qui avait déjà produit le succès de Didon et Enée. Pour, cette fois, créer un spectacle très visuel mêlant chant, danse et texte parlé, dans la tradition du masque de cour, assorti de quelque élan patriotique dont le public anglais de l'époque était friand. La pièce de Dryden (1684) est en quelque sorte mise en musique par Purcell. Le semi-opéra qui en résulte est créé en 1691 à Londres. Les auteurs optent pour la tragi-comédie. La présente version, fruit d'une captation de concert donné au Festival des Flandres, ne comporte pas de texte parlé, focalisant sur la seule partition de Purcell, comme d'ailleurs la plupart des autres versions discographiques. Elle se mesure haut la main à ces concurrents.

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Comme c'est le cas de Didon et Enée, on est frappé par la concision avec laquelle est conçu King Arthur : à peine une heure quarante pour contenir, en cinq actes, une histoire mêlant personnages légendaires et protagonistes humains bien terre à terre, et pour traduire aussi bien le rêve que la réflexion intérieure, l'hymne ou la magie, et illustrer un monde merveilleux peuplé de magiciens, d'esprits des airs (Aeolus) et des eaux (Cold genius). Une histoire de conquête guerrière, le combat entre le breton Arthur et son ennemi saxon Oswald, de quête amoureuse, celle du premier pour retrouver sa fiancée Emmeline, et de réconciliation finale se transformant en une glorification de ''Britannia'', qui n'est pas encore la terrible Albion. Au fil de quatre grands épisodes : une scène de bataille au Ier acte, une autre de maléfices au sein d'une forêt magique au IIème, une scène non moins fantastique dite ''du froid'' à l'acte III, et un masque patriotique grandiose au dernier. La partition est évocatrice de toutes ces péripéties et autres climats fort contrastés, voire descriptive. Le moment le plus ''visuel'' étant la fameuse scène du froid où Purcell dispense une musique d'une glaçante et troublante sérénité traversée pourtant, dans le chant de la basse, par son cortège de syllabes répétées en syncopes, telle une succession d'onomatopées.

Chaque acte apporte son lot d'airs et de passages symphoniques. Le dernier, par exemple, tout un monde en soi, offre des tunes extrêmement variés où plus d'un personnage va jusqu'à sombrer, pour un instant toutefois, dans l'excès sarcastique typiquement british (song : ''You hay it is mow'd''). L'air ''Fairest Isle'' que chante ensuite Vénus, semble faire rupture : précédé de son prélude aisé, presque nostalgique, il développe une cantilène douce. Le duo amoureux qui suit, des deux humains She & He, est lui-même tout en contraste dans la réaction de chacun : la première accompagnée de la seule guitare baroque, le second du clavecin, s'exprimant tour à tour puis ensemble. L'Honneur prend la relève pour une emphatique réjouissance : l'émergence depuis les flots marins des futures Îles britanniques ! Et tout finit par une vaste Chaconne, au son résolument optimiste, dans la pure tradition du théâtre élisabéthain. Ultime expression de la danse qui aura occupé une part non négligeable dans l'œuvre lors de courts intermèdes instrumentaux, Hornpipe ou Bourrée. Une remarque amusante : Arthur n'apparaît pas comme personnage musical. On ne le perçoit qu'indirectement, à travers le chant du ''ténor'' à l'acte IV (''How happy the lover'').

Vox Luminis

Certes, une exécution associant chant et texte parlé, peut révéler un aspect plus compréhensif de l'histoire et mieux la situer dans le cadre du spectacle total qu'est le semi-opéra. Pour un résultant enthousiasmant. Ainsi au Châtelet naguère (1995, régie élégante de Graham Vick, direction de William Christie). Ou moins probant, comme à Salzbourg (2004, régie déjantée de Jürgen Flimm, direction de Nikolaus Harnoncourt). Ou encore décapant, tel à Versailles récemment (2013, direction d'Hervé Niquet, mise en scène de Shirley & Dino, façon Monty Python). Reste qu'une exécution assise sur la seule partition, donc sur le chant et la symphonie, n'en a pas moins d'intérêt, surtout pour un public non britannique. Au fond, ne rencontre-t-elle pas la volonté suprême des deux auteurs ? Dryden et Purcell s'accordaient pour donner priorité à la musique, celle-ci passant avant la décoration et la mise en scène. La vision de Lionel Meunier et de ses forces de Vox Luminis s'inscrit dans ce cadre. Et offre de sérieux atouts. Car il s'agit d'un ensemble dont la première caractéristique est de marier voix et instruments, chanteurs et musiciens. La direction du chef français est enlevée, brisk, voire très rythmée, infectious, et en même temps d'un intense lyrisme avec des tempos fort bien jugés dans le registre lent. Usant d'un spectre dynamique large. Et dispensant une manière limpide et une aura de fantaisie auditive qui ne se dément jamais. L'orchestre d'une quinzaine de musiciens (dont 4 cordes, 8 bois, 2 trompettes, percussion, théorbe et orgue/clavecin) sonne clair et d'une formidable cohésion. On sent la passion les unir tous, en une symbiose instruments-voix qui mérite d'être soulignée. Ainsi des choristes, également restreints en nombre (13 personnes), dont la plupart sont les solistes vocaux eux-mêmes – outre le chef, en voix de basse – qui offrent une beau blend des diverses voix et partagent engagement et esprit. Comme il en est d'ailleurs des 12 solistes vocaux.

Ceux-ci se signalent par leurs timbres lumineux, leur diction extrêmement flexible, dont le ténor Olivier Berten (Tenor, Comus), la basse Marcus Farnsworth (Grimbald, Aeolus, He), ou la soprano Caroline Weynants (Philidel, Nymph, Neired). Meunier, qui sait ce que chant veut dire, en plus de tâter de la flûte à bec, favorise un débit vocal dépourvu d'emphase et bannit tout excès, tirant parti des différences entre les timbres de même tessiture. Et entre voix de tessitures diverses, pour varier la couleur. Ainsi de la scène du froid : au timbre clair de la basse Sebastian Myrus, Cold genius, dont le chant reste très lié - au-delà de l'accentuation syncopée, mais pas en hoquet- , répond le Cupidon de Sophie Junker, un brin vindicatif avec une pointe d'acidité grimaçante et cocasse. Une exécution dans l'esprit fusionnel d'une troupe, comme cela prévalait sans doute à l'époque de la création de l'œuvre.

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L'enregistrement, à l'occasion d'un concert donné à Anvers, est pareillement d'une extrême clarté et d'une parfaite immédiateté. L'image sonore couvre tout le spectre, notamment pour ce qui est du placement fort adroit de l'orchestre (cordes à gauche, bois à droite, cuivres et orgue au milieu mais plus en retrait). C'est que l'étagement des plans est tout aussi remarquable, comme il en est des chœurs qui enveloppent les musiciens. Les différences d'atmosphères, si essentielles, ne sont pas moins bien restituées. 

Texte de Jean-Pierre Robert

Disponible sur Amazon en CD et MP3



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