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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Offenbach tout en colorature

 Jodie Devos Offenbach

  • Jacques Offenbach : Arias extraits de Boule de neige, Vert-Vert, Orphée aux enfers, Un mari à la porte, Fantasio, Les Bavards, Mesdames de la halle, Le Roi carotte, Les Contes d'Hoffmann, Le Voyage dans la lune
  • Ouverture de l'opérette Les Bergers
  • Jodie Devos, soprano
  • Avec Adèle Charvet, mezzo-soprano (Les Contes d'Hoffmann)
  • Münchner Rundfunkorchester, dir. Laurent Campellone
  • 1 CD Alpha : Alpha 437 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 60 min 59 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Belle idée d'avoir réuni une brassée d'airs pour soprano colorature d'Offenbach dont on fête le bicentenaire de la naissance en 2019. Grâce à la perspicacité du label Alpha et à son partenariat avec le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française. Pour nous faire redécouvrir des perles de ce répertoire qui suscite toujours l'enthousiasme. Car on aime ces mirifiques acrobaties qui sont bien autre chose que des sucreries. Jodie Devos assume tout cela avec une rare maestria.

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S'il est un domaine particulier de la production de Jacques Offenbach, c'est bien celui du répertoire de soprano colorature, ce type de voix qui fascinait déjà à l'époque : un emploi confié à des ''chanteurs d'agilité'' ou ''à roulades''. Un art qui ne tient pas seulement à l'aspect pyrotechnique mais encore à la conduite de la ligne de chant, et est aussi celui de la demi-teinte dans l'orchestration. À cette aune, Offenbach déploie une science fort accomplie, lui qui avait pu bénéficier des talents de chanteuses rompues à la technique de la vocalise haut perchée. Des airs de ce type, on en trouve dans plusieurs de ses œuvres bouffes et aussi dans son opéra Les Contes d'Hoffmann. Le mérite de ce CD est d'en proposer un florilège exhaustif. Qu'on peut classer en deux catégories. Les œuvres peu connues, d'abord. À ce titre, il faut citer le pimenté Vert-Vert (1869), où l'ironie est poussée à son maximum. Ou Les Bavards, avec un air sur une pochade humoristique portraiturant un couple dont ''le mari grogne'' et ''la femme cause''. Le rythme de valse est souvent le prétexte à ces joutes virtuoses. Comme dans Boule de neige, un opéra-bouffe de 1871. Le trait peut se faire plus mélancolique, comme dans cet air tiré de Mesdames de la halle, ''Je suis la petite fruitière'' dont le 2ème couplet cèle quelque doux chagrin, ce qui n'empêche pas des roulades finales jusqu'au contre-Mi. La Romance des fleurs de l'opéra-bouffe-féérie Le Roi Carotte (1872) délivre pareille mélancolie et un joli fil de voix final. Cette œuvre a été montée récemment à l'Opéra de Lyon. Dans Le Voyage dans la lune, également opéra-bouffe-féérie, inspiré de Jules Verne qui accusera Offenbach de plagiat, l'ariette de Fantasia livre un portrait charge d'une capricieuse écervelée où le trépignement de colère est rendu par une formidable cadence à roulades. 

Les œuvres plus installées dans la postérité offrent aussi leur lot d'airs colorature. Ainsi d'Orphée aux enfers et de l'invocation d'Eurydice ''La mort m'apparaît souriante''. Dans Robinson Crusoé, encore sous la bannière de la valse, le personnage d'Edwige est l'héroïne d'une scène des bijoux bien différente de celle de la Marguerite du Faust de Gounod, sur le thème ici de ''Je suis la reine'', façon grand style et terminant sur un contre-Mi à l'arraché. C'est le cas encore de pièces plus sérieuses. Tel Fantasio avec l'air d'Elsbeth, où est sollicitée une voix plus centrale, celle du soprano lyrique, même si la fin du morceau réserve des vocalises n'ayant rien à envier aux autres airs. Il en va encore de la Romance du même personnage, où après une introduction légèrement angoissée, la soprano fait étalage de la profondeur de ses sentiments amoureux. Il y a bien sûr le personnage d'Olympia des Contes d'Hoffmann et le fameux air du Ier acte ''Les oiseaux dans la charmille''. Jodie Devos s'y révèle magistrale par une originale différentiation dans la répétition des traits colorature, en termes de rythme et de dynamique. Alors même qu'est donnée ici une version qui, pour la reprise, offre des acrobaties encore plus audacieuses que celles auxquelles on est habitué. Dont un bouquet de notes finales d'une virtuosité époustouflantes que la chanteuse lance avec un insolent aplomb. 

La Barcarolle du même opéra unissant Giulietta et Niklausse, à l'acte III, ''Belle nuit'', montre une autre facette de son talent, le timbre utilisé dans sa partie lyrique, en parfaite fusion avec celui de la mezzo Adèle Charvet. Partout Jodie Devos dont c'est le premier récital, triomphe des difficultés de ces airs périlleux, les conduisant avec une technique éblouissante. L'art de la vocalise est assumé de manière brillante mais sans effet factice. On admire encore la justesse de ton de la diction et l'esprit dont elle pare ces tirades, qui font sens au-delà de leur aspect de pure virtuosité vocale. Elle est accompagnée par Laurent Campellone, un habitué de ce répertoire, qui sait trouver le juste ton lui aussi, et possède la délicatesse et le flair pour jouer ces musiques loin d'être décoratives. On en a encore une manifestation dans le morceau purement symphonique qu'est l'Ouverture de la pièce pastorale Les Bergers. Le Münchner Rundfunkorchester est habile dont une petite harmonie sonnant avec éclat, n'étaient des violons I & II un peu fluets.

L'enregistrement est clair et immédiat, la voix bien centrée et dans un rapport satisfaisant avec l'orchestre, qui est saisi dans un environnement large et bien sonore. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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