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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Eugen Indjic joue les sonates de Chopin

Eugen Indjic Chopin

  • Frédéric Chopin : Sonate N° 2, op. 35. Nocturne N° 13 , op. 48 N° 1. Sonate N° 3, op. 58
  • Eugen Indjic, piano
  • 1 CD DUX : Dux 1180 (Distribution : Naxos)
  • Durée du CD : 54 min 33 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Les prestations au disque du pianiste franco-américain Eugen Indjic sont désormais suffisamment rares pour qu'on s'empresse de saluer celle-ci. Alors surtout qu'il s'agit d'un CD Chopin, un de ses auteurs de prédilection, et de deux des sonates. Elles sont jouées avec une rigueur qui respire l'évidence, une fine musicalité et une volonté de tourner le dos à la sollicitation hyper romantique. Car Indjic se met au piano devant les micros seulement s'il a quelque chose à dire. 

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Réunir les deux sonates op. 35 et op. 58, à défaut de la première op. 4, tombe sous le sens tant l'on y mesure le génie du musicien polonais. La Deuxième Sonate, « Poème de la Mort », selon Anton Rubinstein, résume par ses quatre mouvements tout l'esprit et le pianisme de Chopin. Le premier bénéficie du jeu dramatisé d'Eugen Indjic, à la rythmique serrée, mettant en exergue le registre grave du clavier, qu'un large usage de la pédale amplifie. Le dire est dense et le débit rapide, sans concession pour ce qui, d'après Alfred Cortot, traduit « les révoltes et les supplications d'une lutte tragique contre un destin sans espoir ». Au scherzo, on perçoit dans l'exécution d'Eugen Indjic comme l'agissement de forces exacerbées, car il n'hésite pas à marteler les accords pour un résultat presque terrifiant. Illustration, peut-être, des ''créatures souterraines'' qu'y voyait Chopin lui-même. Le 2ème thème, à l'heure du trio, n'est justement pas appuyé dans son chant profond : « un clair de lune voilé », selon Bernard Gavoty. La Marche funèbre progresse sans pesanteur ni insistance trop marquée sur ce dernier épithète : car le premier thème est là encore ménagé sans emphase aucune, seulement par un travail de variation d'intensité dans la dynamique. Le second thème prend, ici, les contours d'une méditation non pas éplorée, mais d'une indicible douceur, où le choix des contrastes dynamiques fait toute la différence : un chant d'une absolue beauté à travers ses divers couplets. La reprise est tout aussi dépourvue de sentiment appuyé que les premières mesures. Du Finale, on a dit tant de choses. Cortot y voit comme une suite au scherzo, « le tourbillon glacé du vent sur les tombes ». Le dessein de ce Presto reste énigmatique dans son étrangeté harmonique, son quasi atonalisme, sa vision presque terrifiante. Celle qu'en donne Eugen Indjic, moins effleurée qu'articulée, rend limpide cet extraordinaire foisonnement. L'allure n'est pas si débridée que souvent et le propos moins halluciné que chez certains. Il ne cherche pas à diaboliser quoi que ce soit, ni à rendre ce morceau plus virtuose qu'il n'est.

La Sonate N° 3, op. 58, de 1844, est toute autre. Et Indjic le démontre par une interprétation pénétrante, marquée là encore au coin d’une simplicité vraie. Le thème principal n'apparaît qu'après une longue exorde et ce ne seront que digressions en forme de chant où abondent les contrastes dans cette belle phrase ample qui s'enroule sur elle-même. Le développement, on ne peut plus savant, trouve sous les doigts d'Eugen Indjic, maestria et grande expertise. Du scherzo, qu'on a dit fuyant, il tresse le fantastique et l'extrême fluidité, presque boulée pour un bel effet dramatique. Le trio est un semblant de berceuse que cherchent à interrompre de fugaces rappels de quelque course emportée. La reprise est tout aussi fantasque. Au Largo, Indjic prend l'introduction solennelle gravement tandis que le thème élégiaque s'épanche discrètement dans ses effets recherchés dans le registre aigu du clavier. Le développement est magistral par les couleurs nettes qu'il y apporte. Sans aucune volonté de sollicitation du texte, comme il arrive bien souvent. Le Finale, Presto non tanto, sorte de rondo, est pris à une allure mesurée qui laisse à ces pages fleuries toute leur puissance expressive, guirlandes de notes en rafales, progression rythmée, pyrotechnie pianistique impressionnante.

En guise de transition entre ces deux sommets, Indjic joue le Nocturne N° 13, op 48/1. Qui n'a sans doute de ''nocturne'' que le nom tant le morceau respire l'agitation. Tout est ici mouvement : le discours, d'abord grave et solennel, s'amplifie, s'anime peu à peu pour atteindre des apogées flamboyantes, ce que là encore le jeu très pédalé du pianiste souligne, y apportant une lumière fascinante.

L'enregistrement studio, en Pologne, offre une image large du piano Steinway. L'instrument a un relief certain, une sonorité claire et aérée, comme une belle résonance, l'usage généreux de la pédale y incitant. La prise de son est à la fois analytique des divers registres, et synthétique en termes d'impact auditif. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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