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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : La fine fleur du Tango

Susanna Moncayo tango

  • Tangos de Virgilio Expósito, Astor Piazzolla, Enrique Santos Discrépolo, José Dames, Charlo, Aníbal Troilo, María Elena Walsh, Eladia Blásquez, Sebastián Piana, Lucio Demare, Carlos Gardel
  • Susanna Moncayo (mezzo-soprano), Diego Vila (piano)
  • 1 CD La Musica : LMU 015 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 59 min 36 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise (4/5)

Le mot Tango fait immédiatement penser à Astor Piazzolla qui le fit entrer dans le patrimoine universel. C'est sans compter avec les nombreux autres musiciens qui l'ont aussi célébré. Ce CD en offre une brassée, puisée dans le vivier des grandes chansons argentines, interprétées par Susanna Moncayo, une de grandes voix de ce répertoire. Qui avertit : « n'oublions pas qu'il s'agit de musique et de poésie ».

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Le panorama est large puisqu'il couvre des pièces composées entre 1933 et 1984. La thématique en est l'homme pleurant une perte, par exemple celle d'une compagne. Mais ce peut être également une femme affectée par une telle disparition, le potentiel restant tout aussi explicite dans ce dernier cas. Singulièrement dans la manière de la chanter en s'exprimant sans poser la voix et avec théâtralité pour bien projeter le texte populaire comme assurer la mélodie lyrique. On y entend aussi bien la ballade que le vrai tango nostalgique. On croise Astor Piazzolla bien sûr. Comme dans ''Balada para mi muerte'' (Ballade pour ma mort), morceau emblématique s'il en est, qui mêle récitatif et chant à partir d'une sorte d'envoi sur les mots ''Je mourrai à Buenos Aires au lever du jour...'' et qui se conclut sur un point d'orgue enflammé. Ou encore dans ''Los pájaros perdidos'' (Les oiseaux perdus), livrant une poétique qui après une introduction calme, s'enhardit lorsque basculant dans le rythme de tango, et assure un joli refrain. Mais aussi Carlos Gardel, pour ''Sus ojos se cerraron'' (Ses yeux se sont fermés), un hommage à la bien aimée disparue, presque au-delà du regret, sur un accompagnement pianistique d'un extrême raffinement, où la nuance ppp est érigée en règle et le contraste assuré par un relent de tango. Sebastián Piana est une autre figure marquante. Ici représenté par ses deux morceaux de ''Milonga'', une danse argentine enlevée, différente du tango, mais qui lui est parfois associée : la ''Milonga sentimental'', puis la ''Milonga triste''. Cette dernière est ici comme une sorte de berceuse murmurée, ponctuée d'un ''Aaaaaah...'' déchirant, évoquant la tristesse de la perte irréparable, et qui se prolonge jusque dans un souffle.

Parmi les autres auteurs chantés, on citera Aníbal Triolo et la pièce ''Garúa'' (Bruine), narrant une nuit d'effroi et sa bruine dont ''les gouttes tombent jusqu'au fond de mon âme'', avec des traits presque jazzy. Ou encore María Elena Walsh et ''Orquesta de seňoritas'' (Orchestre de demoiselles), où le discours valsé s'anime au fil des strophes, traversé de moments d'une douceur toute nostalgique. José Dames avec '' Fuimos'' (Nous fûmes) nous plonge dans la vraie rythmique chaloupée du tango.

On apprécie toutes ces pièces à travers la sûre interprétation de Susanna Moncayo, car cette vraie diseuse offre une déclamation légèrement ou franchement soulignée, de son timbre grave qui sait insister sur les accents gutturaux inhérents à cette musique unique et à ses textes dont la nostalgie n'est pas le moindre atout. Le sort fait au mot, Susanna Moncayo sait le réserver avec justesse et emphase. Certes, l'écoute successive de ces pièces peut donner une impression de répétition empreinte de tristesse, comme il en est du Fado portugais, mais combien porteuse de sentiments enfouis. De la partie de piano, pas moins essentielle, Diego Vila offre plus qu'un simple accompagnement : un partenariat à part entière et combien actif, dans une approche très intime, souvent proche du Lied. Sans parler des plages purement instrumentales au milieu de tel morceau. Comme dans ''Oro y plata'' (Or et argent) de Charlo, et ses variations. Vila construit, par un usage généreux de la pédale forte, toutes sortes de climats et de résonances sud-américaines.

La prise de son met la voix très en avant et saisit le piano dans une acoustique sèche, notamment pour ce qui est des fins de phrases. Cela produit une belle fusion et un résultat intimiste, bien dans l'esprit de cette musique. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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