CD : Airs sérieux et à boire, vol. 2
- ''Si vous vouliez un jour...''. Airs sérieux et à boire extraits d'œuvres de Marc-Antoine Charpentier, Étienne Mouliné, Michel Lambert, Sébastien Le Camus
- Emmanuelle de Negri (dessus), Anna Reinhold (bas-dessus), Reinoud van Mechelen (haute-contre), Cyril Auvity (taille), Lisandro Abadie (basse)
- Les Arts Florissants : Florence Malgloire, Sue-Ying Koang (violons), Myriam Rignol (viole de gambe), Thomas Dunford (théorbe), William Christie (clavecin et direction)
- 1 CD Harmonia Mundi : HAF 8905306 (Distriution : PIAS)
- Durée du CD : 73 min 44 s
- Note technique : (5/5)
Pour débuter les célébrations des 40 bougies de l'ensemble Les Arts Florissants, fondé en 1979 par William Christie, voici le second volume des "Airs sérieux et à boire". Une autre brassée d'airs de cour, ironiques ou tendres, interprétés par le chef claveciniste et ses complices, ici en formation de chambre. Une sélection qui avec la précédente [''Bien que l'amour...'', HAF 8908276 ] enrichit singulièrement la discographie d'un genre typiquement français.
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Emblématique du XVIIème siècle français, l'air de cour, par sa préciosité mais aussi sa ligne mélodique claire et la simplicité de sa forme, connaît un regain de faveur quatre siècles plus tard grâce à l'inlassable William Christie. Ces airs peuvent prendre la forme dite ''sérieuse'', pour dessiner la carte du Tendre, ou un tour plus léger, l’''air à boire'', puisqu'aussi bien nos compatriotes du passé s'amourachaient déjà de la gaudriole. Christie a choisi d'honorer plusieurs compositeurs essentiels qui ont contribué à asseoir le genre ou à le faire évoluer, singulièrement vers l'opéra. Au titre des premiers, Étienne Moulinié (1599-1676), le dernier des représentants de la grande tradition polyphonique, est vite devenu un maître de l'air de cour. On entend ici deux airs à boire : ''Amis, enivrons-nous du vin d'Espagne en France'', de 1635, qui est on ne peut plus explicite, chanté par le quintette vocal, et ''Guillot est mon ami'', ou ledit quintette s'amuse fort dans une étonnante polyphonie assez osée musicalement, le tout se concluant par un grand éclat de rires. Sébastien Le Camus (c.1610-1677), coqueluche des salons parisiens de l'époque, a écrit des Airs, à deux et trois parties, en 1678, qui associent joie de vivre (''Ah, que vous êtes heureux !'') et plainte languissante, légèrement théâtralisée (''Laissez durer la nuit'', accompagné du seul théorbe). Michel Lambert (1610-1696) apporte déjà un nouveau souffle au genre par ses Airs à une, II, III et IV parties avec la basse continue, de 1689. Chaque pièce est précédée d'une ritournelle instrumentale en trio. Ce sont des airs plutôt de type 'sérieux', comme ''Vos yeux adorables'', élégiaque et d'une infinie mélancolie, ou ''Sans murmurer'', délivré dans un débit lent et ppp, où les mots 'secret' et 'discret' se partagent le substrat textuel, et s'achevant dans un souffle. ''Vous avez trop d'appas'', introduit par le quintette instrumental, est un air pour quatuor vocal (dessus, haute-contre, taille et basse), d'une superbe polyphonie, dans lequel chaque chanteur reprend la phrase initiale.
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) a, comme ses contemporains, sacrifié au genre, mais essentiellement pour ce qui est du versant 'sérieux'. Ainsi de ''Tristes déserts, sombre retraite'', distillant une douleur secrète dans une mélopée tristement élégiaque accompagnée à la gambe et au théorbe. Ou de la ''Petite Pastorale, Églogue des Bergers'' (1676) qui se compose d'une ouverture et de deux scènes très animées, dans lesquelles on retrouve des morceaux du prologue composé par le musicien pour Le Malade imaginaire de Molière. Charpentier a encore travaillé le genre dans une œuvre intitulée Preludio & scena prima, seconda, terza, quarta & ultima. Pastorales et maniéristes, ces pièces en langue italienne mettent en valeur l'un ou l'autre chanteur ou le tutti, dans les registres de la douceur ou de la vivacité. La dernière confine à une vraie saynète d'opéra.
Les interprétations sont enthousiasmantes. On retrouve les fidèles, comme Emmanuelle de Negri, soprano expressive, Reinoud van Mechelen, haut ténor suave, et Cyril Auvity, ténor engagé. Comme des chanteurs plus récemment venus aux Arts Flo, la mezzo Anna Reinhold ou la basse Lisandro Abadie. Ils s'expriment en vieux français avec accents sur les consonnes finales en particulier. Le quintette instrumental est de haut vol, dont Thomas Dunford au théorbe, et bien sûr le patron au clavecin et veillant à tout : William Christie.
L'enregistrement, à la Cité de la musique, offre une atmosphère chambriste et une image d'un beau relief. La fusion voix-instruments est proche de l'idéal.
Texte de Jean-Pierre Robert
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